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Produits du tabac: L’Afrique de l’Ouest se prépare à une plus forte taxation

• Tendre vers une taxation à 70% dans l’espace Cedeao

• Nombre de pays sont actuellement à moins de 40%

• Améliorer les recettes fiscales et freiner les effets néfastes

Les 15 pays de l’espace Cedeao souhaitent exercer plus de rigueur fiscale sur les produits du tabac. Il s’agit en quelque sorte de mettre fin à un certain «laxisme» face à l’industrie de la cigarette, qui ne cesse d’améliorer son chiffre d’affaires en Afrique de l’Ouest.
La forte proportion de populations jeunes dans la région étant une cible idéale. Quelle stratégie pour freiner les effets néfastes de cette situation? Le sujet était à l’ordre du jour de la 55e session du Comité technique commerce, douanes et libre circulation de la Cedeao, tenue du 10 au 11 juillet 2014 à Ouagadougou. Des experts issus de l’ensemble des pays de l’espace devaient réfléchir et entériner «un projet de Directive sur l’harmonisation de la taxation des accises sur les produits du tabac».
Le document, qui a servi de base pour ce travail, est le fruit d’une étude menée par le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres).
Dans cette initiative pour limiter le tabagisme, la Cedeao est soutenue par la Coopération allemande (Giz), l’Uemoa et le Cres. La réunion a été dirigée par Salifou Tiemtoré, directeur des Douanes de la commission de la Cedeao. Il a été assisté par Abdoulaye Diagne, directeur du Cres. La cérémonie d’ouverture a été placée sous la présidence du ministre de la Santé du Burkina représenté par son conseiller technique, Siaka Banon.
Le tabac est responsable de plus de six millions de morts par an au niveau mondial. Le contrôle du tabagisme est alors devenu un défi. La grande majorité des Etats se sont engagés à réduire considérablement sa consommation en ratifiant notamment la Convention cadre de lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Cette convention vise à relever les taux de taxation du produit et à hisser la moyenne «à un niveau égal au 2/3 du prix de vente». Bien que favorables à cette vision de l’Oms, les pays de l’Afrique de l’Ouest présentent encore «une situation marquée par l’absence de la taxation.
Il n’existe pas non plus de synergie entre la recherche, le plaidoyer et la prise de décisions politiques dans la lutte antitabac», note l’étude du Cres.
Au moment où dans les pays riches, la taxation du tabac engendre 60% des recettes sur le commerce du produit, les Etats membres de la Cedeao affichent les taux les plus faibles. Seule la Gambie fait preuve d’audace avec une taxe à 60%. La Sierra Léone est à 40% et moins que ça pour tout le reste.
Le souhait de la Cedeao est de voir les pays de l’espace parvenir à 70% sur le prix de vente au détail. Avec la convention cadre de l’Oms, certains Etats à travers le monde sont déjà au-delà de ce taux.
Le tabagisme est source de pauvreté pour ceux qui en consomment. Le Cres estime qu’un fumeur consomme en moyenne 12 bâtons de cigarettes par jour et dépense pour cela 18 dollars US par mois. Cette dépense se fait au détriment d’une alimentation équilibrée et d’un meilleur accès aux soins de santé. Outre l’appauvrissement des ménages, le tabagisme menace la santé des fumeurs et des non-fumeurs. Selon les spécialistes, il constitue un facteur de risque majeur pour plusieurs formes de maladies cardio-vasculaires. Il entraîne également de très forts risques de cancers, notamment ceux du poumon, les reins et autres. Au moment où dans beaucoup de pays l’on s’active à mettre en place un système d’assurance maladie universelle, le tabagisme constitue une gangrène. Il faut l’éradiquer au risque de le voir alourdir les factures de la prise en charge.
La stratégie de lutte antitabac prônée par la Cedeao est bénéfique à double titre. Elle permet non seulement de réduire les effets néfastes précités, mais en plus elle donne l’opportunité aux pays de récolter des ressources fiscales supplémentaires. L’Oms indique qu’une augmentation de 50% de droits d’accises sur le tabac rapporterait un peu plus de 1,4 milliard de dollar de fonds supplémentaires dans 22 pays à faible revenu.
En matière de réduction de la consommation, rien qu’une augmentation de 10% du prix du tabac permet une baisse de 4% dans les pays à revenu élevé et 8% dans les pays à faible revenu. «L’augmentation des impôts indirects sur le tabac est considérée comme la mesure de lutte antitabac la plus rentable», a déclaré le représentant du ministre de la Santé à l’ouverture de la réunion.
Le projet de directive propose plusieurs mesures dans ce sens. Son article 21, par exemple, stipule que «L’ensemble des taxes sur les produits du tabac, compris la Tva, doit représenter dans un délai de trois ans au moins 70% de leur prix de vente au détail». Le projet soumis à l’examen des experts a été amendé sur la forme et le fond. Mais ce travail devra se poursuivre car certains Etats ont demandé un délai supplémentaire pour organiser des concertations nationales et décider de leur position.
Ils ont jusqu’au 31 août 2014 pour transmettre les résultats de leurs réflexions. La validation définitive du projet de directive interviendra lors d’une réunion des ministres de la Santé et des Finances de la Cedeao.


 

Le Cres rejette les arguments de l’industrie du tabac

Pour continuer à bénéficier de cette sorte de bienveillance des Etats à son égard, l’industrie du tabac développe un argumentaire qui met en valeur son rôle. Elle estime, en effet, que le niveau de sa présence actuelle permet de créer des emplois. Elle met également en avant une certaine contribution substantielle en termes de recettes fiscales. Par ailleurs, les firmes et les réseaux de vente de la cigarette préviennent qu’une augmentation des taxes contribuera au développement de la contrebande sur le produit.
Dans son étude, le Consortium pour la recherche économique et sociale bat en brèche cet argumentaire. «Aucun pays n’est dépendant économiquement du tabac dans l’espace Cedeao», assène le Cres. «L’industrie du tabac n’est pas aussi pourvoyeuse d’emplois qu’elle le laisse entendre. Elle est plutôt fortement capitaliste et peu utilisatrice de la main-d’œuvre», ajoute-il.
Quant à l’argument sur les recettes fiscales, le Consortium est convaincu qu’une hausse de la fiscalité entraine une hausse de recettes plus importantes que la perte de recettes due à la contraction de la demande. Il explique également que tout phénomène de contrebande est lié à la volonté criminelle et à l’affaiblissement de l’autorité administrative. La preuve, selon lui, des produits comme le pétrole font l’objet de contrebande dans la zone Cedeao sans être taxés au taux du tabac.

Karim GADIAGA

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