Tribune

Les nouvelles frontières de la finance du développement

Mahmoud Mohieldin est le secrétaire général et l’envoyé spécial du président du groupe de la Banque mondiale. Marco Scuriatti est assistant spécial au bureau de l’envoyé spécial du président sur le programme de l’après 2015 à la Banque mondiale.
Mahmoud Mohieldin est le secrétaire général et l’envoyé spécial du président du groupe de la Banque mondiale. Marco Scuriatti est assistant spécial au bureau de l’envoyé spécial du président sur le programme de l’après 2015 à la Banque mondiale.

Par Mahmoud Mohieldin
et Marco Scuriatti

WASHINGTON, DC – À la fin de l’année, à l’échéance des Objectifs du millénaire pour le développement (les Omd), le monde aura réalisé des progrès importants en matière de réduction de la pauvreté, d’assainissement de l’eau et d’autres objectifs importants. Afin d’assurer que le prochain programme de développement, étayé par les Objectifs de développement durable (les Odd), génère encore plus de progrès, les instances mondiales doivent raffiner et optimiser le cadre des Omd – particulièrement en ce qui concerne le financement.
Les Omd ont réuni les États, les organismes multilatéraux et les Ong pour prendre en charge la mise en œuvre de programmes et de politiques de grande portée, et épaulés par des partenariats internationaux promouvant la mobilisation de ressources. Afin d’être les plus efficaces possible, les Omd ont été poursuivis et financés individuellement, plutôt que comme élément d’un programme global, de nouvelles initiatives étant mises en place lorsque les cibles n’étaient pas atteintes. Mais cette approche a créé certains déséquilibres, car les initiatives mondiales en matière de santé et d’éducation ont attiré beaucoup plus de financement que les autres dossiers.
Ce modèle sectoriel doit être réévalué avant le lancement du prochain programme de développement pour que de tels déséquilibres s’estompent. Il est particulièrement important de le faire, car les Odd proposés visent à intégrer les dimensions sociales, économiques et environnementales du développement durable, les rendant plus complets et interdépendants que les Omd.
Les instances internationales auront trois occasions uniques de construire une démarche intégrée. En juillet, les Nations-unies tiendront une conférence sur le financement pour le développement à Addis-Abeba en Éthiopie. En septembre, l’Assemblée générale des Nations-unies se réunira pour le lancement des Odd. Et en décembre, les dirigeants mondiaux participeront à 21e Conférence des parties (Cop 21) de la Convention-cadre des Nations-unies sur les changements climatiques, où ils sont censés s’engager selon un accord international sur la réduction à long terme des émissions de gaz à effets de serre.
Vu l’importance vitale de la finance dans les initiatives d’aide au développement, elle devrait être le premier sujet à aborder. Les instances mondiales doivent éviter de faire la même erreur qu’ils ont faite avec les Omd – dont l’application a été retardée de deux ans, jusqu’à ce que l’accord de financement ait été entériné dans le Consensus de Monterrey de 2002 – en mettant au point un programme de financement effectif dont les effets sont discernables à la première occasion à savoir la conférence à Addis-Abeba.
L’urgence réside en partie dans l’échelle du financement dont les Odd ont besoin – des montants qui dépasseront de beaucoup les ressources nécessaires pour réaliser les Omd. Outre le financement des initiatives visant à éliminer la pauvreté et la faim, à améliorer la santé et l’éducation, le renforcement de la gouvernance et la promotion l’égalité des sexes, il faut investir dans les infrastructures, dans l’énergie et dans l’agriculture. Les Odd demanderont un financement de biens publics à l’échelle mondiale, notamment en protection environnementale et initiatives de lutte contre le changement climatique et d’atténuation de ses incidences.
En ayant recours aux ressources privées, les économies émergentes peuvent libérer les indispensables Aides au développement officielles (Ado), qui peuvent être dirigées vers les initiatives de réduction de la pauvreté et vers les pays où les flux financiers internationaux du privé transitent rarement (et qui sont donc moins en mesure de collecter des fonds au pays). Des solutions de financement viables doivent être évaluées sur une base individuelle pour tous les pays et les secteurs.
Afin que la conférence d’Addis-Abeba produise les effets escomptés, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et plusieurs Banques de développement régionales multilatérales (les Bdm) œuvrent dans le cadre d’une démarche commune qui démultipliera les milliards de dollars en subventions et fonds des Ado en billions requis pour financer le programme de l’après 2015.
Les Bdm contribuent déjà, individuellement et collectivement, pour tirer parti de maigres fonds d’aide officielle pour attirer suffisamment de fonds pour financer des projets de développement. En fait, leur effet de levier financier est intégré à leur structure : elles sont essentiellement des établissements financiers, financés efficacement par des petits montants de capital versé, qui sont nantis par du capital exigible des actionnaires.
Les Bdm disposent également d’un important effet de levier opérationnel, découlant de leur capacité d’établir – au moyen de l’innovation, de l’intermédiation et la création de marchés – des conditions attrayantes pour le secteur privé, produisant ainsi des solutions et des occasions d’investissement durables. Elles fournissent également des ressources intégrées entre les secteurs en investissant dans les réseaux, les institutions et les capacités qui sont nécessaires à l’atteinte des objectifs de développement.
En appui à cette démarche commune, la Banque mondiale produit une analyse, tirée de 11 études de cas, sur les façons dont les pays dans différentes circonstances peuvent se servir d’un ensemble de sources de financement public, privé, intérieur très efficacement pour financer la mise en œuvre des Odd. L’étude recommandera une démarche pragmatique pour évaluer les besoins en financement des Odd à l’échelle nationale.
Les Bdm exposeront leur démarche commune aux réunions du Fmi et de la Banque mondiale en avril. Leur capacité de trouver des solutions de financement concrètes sera cruciale pour préparer la conférence d’Addis-Abeba en juillet – et, aussi, pour la réalisation des Odd et du programme de développement de l’après 2015.
Traduit de l’anglais par
Pierre Castegnier
Copyright: Project Syndicate, 2015.
www.project-syndicate.org


Réduire les risques et améliorer la collaboration

Les États et les bailleurs de fonds internationaux ne peuvent assumer à eux seuls le fardeau financier, ils doivent mettre au point des programmes et politiques susceptibles de canaliser une plus grande part de l’épargne mondiale, qui vaut annuellement près de 22.000 milliards $, vers la réalisation des Objectifs de développement durable (Odd). Particulièrement, les États nationaux et régionaux et les institutions financières internationales devraient se servir de leurs ressources en déployant des mesures de financement adaptées, dont des partenariats public-privé, les instruments fondés sur les résultats et un éventail de garanties contre les risques de crédit et politique. Cette gamme de mesures de financement, adaptées aux besoins et atouts de chaque pays, permettrait de réduire les risques et d’améliorer la collaboration.
Ceci sera particulièrement pertinent pour les économies à revenu moyen en émergence. À mesure que ces pays améliorent leur solvabilité et leur capacité d’administrer les marchés des instruments de dettes ou de capitaux propres, ils disposeront d’un plus large éventail d’instruments de financement avec lesquels ils peuvent attirer des ressources du secteur privé.

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