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Concurrence déloyale : La pieuvre de l’industrie locale

Outre la question de la santé des consommateurs, l’affaire des canettes périmées du Groupe Obouf incarne le symbole d’un autre mal au Burkina. Ce cas, de par sa nature, est la manifestation de la concurrence déloyale dont souffre affreusement l’industrie locale. Sur le marché, des produits, souvent amenés à faire concurrence dans la même catégorie, sont loin d’avoir été soumis au même traitement réglementaire. Quand les entreprises locales, rigoureusement soumises aux contraintes fiscales, sont obligées de répercuter cette réalité, les prix de leurs produits deviennent moins compétitifs. Dans de nombreux cas, les produits issus de l’importation arrivent dans des conditions qui leur offrent des avantages nets. La fraude les affranchit injustement des taxes et des impôts.

La contrefaçon, qui s’accompagne habituellement de la contrebande, permet de profiter financièrement de l’image d’une marque sans aucun frais. La falsification d’identité ou de références, comme dans l’affaire Obouf, permet de commercialiser des produits dont on n’aurait pas dû profiter. Généralement, ces types de produits, en fin de vie, sont bradés depuis l’acquisition au pays de départ. C’est autant de situations illégales dont profitent très souvent les produits importés. Et c’est surtout sur le prix que la différence se fait avec la production issue de l’industrie locale. Comparés à ce qui est fait sur place, les produits de l’importation sont souvent bon marché. Or pour une large majorité des consommateurs, l’argument prix pèse énormément lors du choix. La conséquence de cette réalité est désastreuse pour les industriels locaux. Ils multiplient les méventes, gardent des stocks non écoulés et sont obligés de réduire leur production. La plupart d’entre eux, qui ont résisté jusque-là à mettre la clé sous le paillasson, survivent grâce au soutien du Programme de restructuration des entreprises en difficulté (Pred) mis en place par le ministère en charge de l’Industrie et du commerce. Les huileries, les pneumatiques à travers Sap Olympic, les unités de production industrielle de sucre, de cigarettes, des cycles, de piles, des jus de fruits, des boissons gazeuses ou alcoolisées, de la farine de blé sont toutes confrontées aujourd’hui au phénomène de la concurrence déloyale, qui les empêchent d’être suffisamment rentables. Lors de la 13e Rencontre annuelle Gouvernement/secteur privé (Rgsp), tenue en octobre 2013, le Groupement professionnel des industriels (Gpi) avait lancé un véritable sos en faisant remarquer que le pire, c’est-à-dire le dépôt de bilan, n’est pas loin pour de nombreuses industries. Il avait dépeint un tableau pessimiste de la situation dans laquelle se trouvent les industriels locaux.
«Les huileries disposent de plus de 9,5 milliards de tonnes en stocks de produits finis. Le secteur des emballages a plus 4 tonnes de stocks, évaluées à plus de 2 milliards. Les piles asiatiques frauduleusement importées occupent près de 75% de parts de marché. 3.200 tonnes de sucre granulé restent bloquées dans les magasins. 72% des pneumatiques pour deux roues sont des produits frauduleusement importés. L’industrie naissante des cycles qui est très peu protégée par les valeurs de référence subit le choc de la fraude alimentée par deux zones hors taxes qui sont Cinkansé à la frontière togolaise et le Théâtre populaire à Ouagadougou», s’était alarmé le Gpi. «Lorsqu’un produit arrive avec des avantages dérobés à travers la fraude, la contrefaçon et la contrebande, il a une avance certaine face à la concurrence, qu’il peut facilement écraser. C’est aussi le cas lorsqu’un produit, qui aurait dû être à la poubelle, est repêché par la falsification. N’importe quel prix de vente est bénéfique pour son importateur. Celui-ci devient un kamikaze pour la concurrence», explique un industriel membre du Gpi. Les industriels locaux estiment d’ailleurs que dans plusieurs cas, le made in Burkina est de meilleure qualité. «Avec un système d’imposition équitable et avec une lutte efficace contre la fraude, nos produits seront plus compétitifs et l’industrie locale se porterait mieux», avait déclaré le Gpi lors de la Rgsp 2013. C’était une déclaration qui tenait également lieu d’appel à l’endroit du Gouvernement. Sa réalisation est aujourd’hui un défi pour la promotion des entreprises, facteur croissance et de création d’emplois. Ce sera aussi une forme de réalisation de la justice et de l’égalité des chances dans le milieu du commerce. o
Karim GADIAGA

La lutte contre la fraude prend du galon

Par décret adopté en Conseil des ministres le 18 févier 2015, le gouvernement de la transition a décidé de la dynamisation de la lutte contre la fraude. C’est ainsi que la dénomination de l’ancienne Coordination nationale de lutte contre la fraude a été changée. Cette structure pluridisciplinaire (douanes, gendarmerie, etc..), chargée de contrecarrer la fraude, a été érigée en Autorité nationale de lutte contre la fraude (Anlf). Son ancrage institutionnel a été également amélioré pour lui donner plus de poids. La défunte Coordination relevait du ministère de l’Economie et des finances. L’Anlf est désormais sous la tutelle technique du Premier ministère. Ceci vise, selon le Gouvernement, à «lui conférer une plus grande autorité et une autonomie pour une meilleure coordination de ses activités». o

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