Du 6 au 7 juillet dernier, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida a effectué une visite d’amitié et de travail en Côte d’Ivoire. Un voyage tout à fait particulier de par sa nature et aussi du fait de l’atmosphère dans laquelle il a eu lieu. Ce déplacement était, non seulement, le tout premier du chef du gouvernement de la Transition dans ce pays qui héberge l’ancien président, Blaise Compaoré, mais en plus il a lieu dans une période très controversée pour un Zida en pleine brouille avec ses frères d’armes du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp).
En plus d’accueillir aujourd’hui Blaise Compaoré, parti avec l’insurrection populaire de fin octobre 2014, le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, avait récemment émis des critiques sur des actes posés par les autorités de la Transition. Il avait notamment laissé voir son opposition au nouveau Code électoral du Burkina. Bien avant cela, à l’occasion de la tournée d’explication du ministre Barry du report des votes de la diaspora, il y avait eu la manifestation de désapprobation de certains Burkinabè de Côte d’Ivoire. L’ensemble de ces éléments ont été ressentis à Ouagadougou d’une part comme des bravades et d’autre part comme «une intrusion incongrue du président ivoirien dans les affaires internes du Burkina». Depuis lors, une brouille semblait s’installer entre les deux voisins.
Ce tout premier voyage de Zida en Côte d’Ivoire était à la fois un symbole de la volonté partagée de maintenir de bonnes relations, de se rassurer mutuellement et donc de continuer la mise en œuvre des dossiers de la coopération. Une visite pour dynamiser les relations, comme certains l’ont qualifiée.
Tout a été mis en œuvre pour réserver un séjour agréable au Premier ministre burkinabè. Des détails assez symboliques sur lesquels insiste le communiqué final de la visite de travail dans laquelle Isaac Zida était accompagné de 4 de ses ministres et d’autres hauts fonctionnaires de l’Etat burkinabè. «Le Premier ministre burkinabè et sa délégation ont reçu un accueil chaleureux et cordial, à la dimension des relations fraternelles et exemplaires existant entre les peuples ivoirien et burkinabè», précise d’entrée le communiqué final, qui ajoute qu’«au cours de cette visite, leurs Excellences Messieurs Zida et Duncan (Ndlr : le Premier ministre de Côte d’Ivoire) ont eu des entretiens en tête-à-tête qui se sont déroulés dans une atmosphère empreinte de courtoisie et de parfaite compréhension». La rencontre de travail a notamment permis aux chefs de Gouvernement et à leurs ministres de faire un large tour d’horizon des questions bilatérales, ainsi que de l’actualité sous-régionale, africaine et internationale. Les questions bilatérales sont celles qui sont prises en compte dans le cadre du Traité d’amitié et de coopération (Tac) signé depuis 2008 entre les deux pays.
Aux niveaux régional et international, ils se sont félicités, par exemple, de la signature de l’Accord de paix au Mali, le 20 juin 2015.
C’est ainsi qu’ils ont fermement condamné les attaques terroristes intervenues le dimanche 28 juin 2015 dans la localité malienne de Fakola.
Entre la Côte d’Ivoire et le Burkina, les liens sont «naturels, historiques, géographiques, culturels.. .», répète-t-on de part et d’autre. Et visiblement, tout est mis en œuvre pour qu’ils demeurent permanemment cordiaux. Le porte-parole du gouvernement ivoirien a annoncé, le 8 juillet dernier, que le président burkinabè, Michel Kafando, effectuera, lui aussi, une visite le 27 juillet prochain à la suite de son Premier ministre. Lors de son séjour, le Premier ministre Zida a visité le Port Autonome d’Abidjan et rencontré la communauté burkinabè vivant en Côte d’Ivoire.
Karim GADIAGA
Les dossiers de la coopération examinés (communiqué final)
1- Défense et sécurité
Sur ces questions, les deux chefs de Gouvernement ont reconnu que la paix et la stabilité interne à la sous-région constituent des préalables au développement et au progrès. Aussi ont-ils décidé d’accorder une attention particulière au contexte sous-régional marqué par des activités terroristes, en concertation avec les autres pays de la sous-région. Dans cette perspective, ils ont recommandé de renforcer leur coopération dans les domaines de la formation et de l’échange d’informations.
2- Infrastructures routières, ferroviaires et maritimes
Les deux Premiers ministres ont fait l’état d’avancement des grands projets routiers, ferroviaires et maritimes et ont instruit les ministres concernés à accélérer le processus de mise en œuvre desdits projets.
3- Echanges commerciaux
Abordant les questions économiques et commerciales, les deux Premiers ministres ont convenu de tout mettre en œuvre pour hisser le volume des échanges commerciaux entre leurs deux pays à un niveau supérieur. A cet effet, ils ont convenu d’organiser des Journées économiques du Burkina Faso en Côte d’Ivoire en 2016. Ils ont, en outre, encouragé les deux parties à poursuivre leurs concertations sur le projet de facilitation des activités de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina en Côte d’Ivoire. Enfin, ils ont discuté de la question de la fluidité routière et, à cet égard, ils ont encouragé la finalisation du projet de facilitation du commerce, du transport et du transit sur les corridors des Républiques de Côte d’Ivoire et du Burkina Faso.
4- Energie et mines
Dans le domaine de l’énergie, les deux parties ont encouragé la poursuite des actions concertées pour renforcer les capacités de production en énergie électrique de la Côte d’Ivoire en vue d’accroître, entre autres, l’offre énergétique au profit du Burkina. Elles ont réaffirmé leur volonté de poursuivre leur coopération pour la construction du pipeline.
S’agissant des mines et plus spécifiquement de la question de l’orpaillage, les deux chefs de Gouvernement ont souligné la nécessité de poursuivre leurs efforts en vue de faire respecter la règlementation sur l’exploitation artisanale des mines à petite échelle, notamment par l’interdiction du travail des enfants et l’interdiction de l’usage des produits chimiques ou explosifs. A cet effet, ils ont instruit les ministres en charge de relancer le dossier de la tenue d’une conférence régionale sur l’orpaillage, sous l’égide de la Cedeao.
5- Poste, télécommunications et technologies de l’information et de la communication
Les deux parties se sont félicitées de l’excellence de la coopération dans ces domaines.
Abordant la question de la Télévision numérique de terre (Tnt), elles ont reconnu la nécessité de diligenter sa mise en place.
A l’issue de ces échanges, la partie ivoirienne a communiqué des informations sur les points relatifs au foncier rural, à la question de l’évacuation du Mont Péko, à la lutte contre l’épizootie de la grippe aviaire, la maladie à virus Ebola et la traite transfrontalière des enfants entre les deux pays.
Sur ces différents points, il a été convenu que les ministres en charge se rencontreront pour traiter diligemment ces questions.