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Education : Coup de pouce en faveur de la scolarisation au Maroc

Malgré la gratuité de l’enseignement de base dans de nombreux pays en voie de développement, il existe encore des «coûts invisibles» comme les cotisations des parents d’élèves, le coût des uniformes scolaires et les longues distances qui influent sur les taux d’inscription et de rétention des élèves.
A cela s’ajoute le manque à gagner des familles pauvres dont l’enfant scolarisé n’accomplit plus de travail rémunéré ou devient moins disponible pour certaines tâches domestiques. Plusieurs gouvernements ont instauré avec succès des programmes d’allocations sous condition pour améliorer les taux de scolarisation.
Il s’agit d’allocations en espèces, ciblant les ménages les plus pauvres et données généralement aux mères, à condition que leurs enfants soient scolarisés. Mais ces programmes sont coûteux, notamment en raison des frais liés à l’identification des familles éligibles et au contrôle du respect des conditions.
Le Royaume du Maroc a entrepris une réforme du système scolaire visant à assurer la scolarisation universelle en primaire. Ainsi en 2006 le taux de scolarisation était de 90%. Cependant, en milieu rural le taux d’abandon restait élevé, seuls 60% des élèves terminant le cycle primaire. Pour remédier à ce problème, le gouvernement a décidé de lancer un programme pilote d’allocations: Tayssir (ou faciliter en français). Grâce à Tayssir, les pères des ménages pauvres ayant des enfants âgés de 6 à 15 ans perçoivent une allocation mensuelle à condition que leurs enfants soient inscrits à l’école et ne s’absentent pas plus de quatre fois par mois.
Des chercheurs affiliés à J-PAL, laboratoire d’action contre la pauvreté, ont été contactés par le gouvernement marocain pour évaluer l’impact de cette politique, mise en œuvre dans 259 secteurs scolaires ruraux, ciblant les zones les plus défavorisées de cinq des seize régions du pays.
Afin d’établir si un contrôle rigoureux des bénéficiaires, avec tous les coûts que cela implique, entraîne réellement un effet plus important, les chercheurs ont alors proposé d’étudier également une variante du programme, consistant à verser l’allocation sans aucune condition.
Ainsi, pour une partie des secteurs scolaires participant à l’étude, les allocations mensuelles n’étaient pas liées à une obligation formelle de scolarisation des enfants mais étaient explicitement annoncées comme fonds de soutien à l’éducation. Les bénéficiaires étaient donc fortement encouragés à inscrire leurs enfants à l’école pour percevoir les allocations mais aucun contrôle sur leur assiduité n’a été mis en place. Et, pour une autre partie des secteurs scolaires, les allocations étaient liées à une obligation de scolarisation imposant une fréquentation régulière à l’école.
Par ailleurs les chercheurs ont voulu vérifier si le fait de verser les allocations aux mères avait un impact plus important.
Pour répondre à ces différentes interrogations, ils ont comparé les communautés bénéficiant des différentes variantes du programme à des communautés témoins, où la situation restait inchangée.
Le programme Tayssir, dans toutes ses versions, a eu un impact important sur la scolarisation des enfants, en réduisant le taux d’abandon scolaire et en encourageant la réinscription des élèves l’année suivante.
Deux ans après la mise en œuvre du programme, le versement sans condition des allocations aux pères a entraîné le doublement du taux de re-scolarisation des enfants ayant abandonné l’école avant l’intervention. Le taux d’abandon, de 10% dans les écoles témoins, a fortement diminué pour ne plus représenter que 2,5% dans les écoles ayant bénéficié de cette version de Tayssir. De plus, les parents ont eu une meilleure perception des bénéfices de la scolarisation, de même que leur appréciation de la qualité des écoles locales.
Verser les allocations aux mères n’a pas eu un effet plus important.
En revanche, conditionner les allocations à la présence régulière des enfants à l’école a légèrement réduit l’efficacité du programme. La réinscription des élèves qui avaient abandonné l’école l’année précédant la mise en place de Tayssir est plus significative dans les communautés où les allocations n’étaient pas liées à la présence.
Les règles du programme ont dans l’ensemble été mal comprises par les communautés locales, ce qui a pu diminuer l’impact de la conditionnalité. Par ailleurs, cette condition imposant une fréquentation régulière de l’école a probablement découragé certaines familles ou dissuadé certains directeurs d’école d’inscrire les enfants qu’ils croyaient incapables de se montrer assidus.
Les résultats de cette évaluation montrent que, dans certains contextes, les allocations sans condition mais clairement qualifiées, ciblant des communautés à faible revenu, peuvent attirer l’attention des parents sur l’importance de l’éducation, et ainsi leur donner le coup de pouce nécessaire pour scolariser leurs enfants.
Ces allocations sans condition offrent un certain nombre d’avantages par rapport au modèle classique : les coûts de supervision sont moins importants, et surtout le taux d’inscription et le nombre de jours passés à l’école par enfant sont plus importants.
Il serait désormais intéressant d’étudier la persistance des effets obtenus sur le long terme.o

www.poverty-action.org/country/burkina-faso
[email protected]
www.povertyactionlab.org
[email protected]


 

J-PAL laboratoire d’action contre la pauvreté et Innovations for Poverty Action (IPA) ont pour mission de découvrir et de divulguer des solutions efficaces pour lutter contre la pauvreté dans le monde. En partenariat avec les décideurs politiques, J-PAL et IPA conçoivent, évaluent rigoureusement et aident à améliorer les programmes de développement ainsi que la manière dont ils sont mis en œuvre.

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