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Crise à l’Université de Koudougou: l’accord qui sauve l’année ?

 

L’Université de Koudougou (UK) a mal. Les enseignants sont en grève depuis le 17 novembre pour des questions financières. Toute chose qui a engendré la suspension temporaire des activités académiques. Trois mois donc sans cours. Les étudiants qui subissent un retard inhabituel dû à la suspension des activités académiques entrent eux aussi en mouvement le 16 janvier 2016 à travers une grande marche.
Que veulent les enseignants? Dr Oumar Malo, président du Syndicat national des enseignants –chercheurs (SYNADEC), éclaire à travers les points de revendications suivants: ouverture des Masters dans les différents départements de l’Université de Koudougou remplissant les conditions; résolution définitive de la question des frais de mission afin de permettre un meilleur déroulement des activités académiques et pédagogiques; respect des instances de fonctionnement de l’UK dans leurs prérogatives; paiement sans délai de tous les arriérés relatifs à tous les actes académiques et pédagogiques, indemnités des organisations des examens pratiques des années académiques 2011-2012, 2012-2013, 2013-2014 et 2014-2015 selon les modalités de l’accord. Le SYNADEC exige également le paiement des frais de participation aux jurys des examens pratiques de l’année académique 2014- 2015 des élèves stagiaires de l’ENS/UK; des frais de participation aux jurys de soutenance des mémoires des stagiaires de l’ENS/UK, les frais de participation aux différentes délibérations ; des frais de lecture des rapports ; des frais de la formation de l’ENEF dû à l’ENS (700.000 FCFA). Les heures supplémentaires de l’année académique 2014-2015 sont également dans le lot des revendications.
Comme on peut le constater aisement, la question financière a grippé la machine de l’année académique à l’Université de Koudougou. L’UK était jusque-là l’université publique du Burkina qui était en avance sur son calendrier académique. Ce calendrier a pris déjà un coup, affirme Dr Malo. Pour lui, « l’ampleur de l’impact négatif dépendra de l’aptitude des gouvernants à s’impliquer dans la survie de cette université. Si cette condition est remplie, les acteurs ne sont tenus qu’à se conformer à leurs lettres de mission», conclut-il. Dans le lot des revendications, les syndicats ont recommandé que des dispositions soient prises pour:
– une autonomie financière de l’ENS/UK qui est, selon eux, la cause des difficultés financières de l’UK
– une dotation budgétaire en relation avec les charges réelles de l’Ecole et de l’université
– le respect des instances de gestion de l’UK pour une gestion transparente et participative
– la mise en œuvre d’une procédure de gestion des budgets qui tienne compte de la spécificité des universités dont l’UK (passation des marchés, disparités des besoins et des contraintes des UFR/Instituts ou Ecoles)
– une relecture avec leur implication de l’Arrêté conjoint N° 2012-108/MESS/MEF du 20 avril 2012 fixant les taux de prise en charge afférentes aux actes de la vie universitaire et des commissions ad hoc dans les universités, à l’Institut des sciences (IDS) et au Centre national des œuvres universitaires (CENOU) dont les lacunes sont en partie la source des conflits dans les universités, selon toujours les syndicats.
Quelle solution face à cette donne qui pénalise toute l’université ? L’administration de l’UK, avec à sa tête son président, Pr Georges Sawadogo, a multiplié les concertations qui ont abouti. Un protocole d’accord a été signé le 1er février dernier entre les délégués syndicaux (SYNADEC, F-SYNTER et SNESS) et le ministre de l’Enseignement supérieur. De cet accord, il est ressorti que la reprise des activités est conditionnée par le paiement des arriérés.
De l’aveu du président de l’UK, une partie du financement est obtenue. C’est ce qui avait été demandé en urgence pour prendre en compte les présalaires des anciens et des nouveaux stagiaires au titre de janvier 2016 et certains actes académiques qui ont fait l’objet de blocages des enseignants depuis le mois de décembre 2015.
Pour le Pr Georges Sawadogo, l’université anticipe pour payer ce volet en attendant le déblocage du budget 2016. Des dispositions techniques sont prises pour que les anciens stagiaires puissent avoir, sur virement, leurs pécules, nous a-t-il rassurés. Les nouveaux stagiaires ont éte payés comme d’habitude parce qu’ils n’ont pas encore leurs domiciliations bancaires, précise le président de l’UK.
Ceci est effectif depuis le 4 février dernier.
Quid des enseignants ? A ce niveau, il se trouve que certains dossiers sont toujours en traitement au niveau de la Direction administrative et financière de l’UK. Afin de donner une sorte de gage, la présidence de l’université a demandé à ce que les dossiers déjà prêts (environ 50%) puissent être transmis pour paiement. Cette étape pouvait être vite franchie, selon Pr Sawadogo, si le paiement des stagiaires qui sont au nombre de 2.975 n’avait pas mobilisé l’Agent comptable et la DAF. Malgré tout, l’UK, afin de montrer sa bonne volonté, a commencé à payer certains actes depuis le 4 février dernier. Assurance a été donnée que l’ensemble des dossiers des enseignants sera traité dès ce lundi 8 février. Les besoins sont les suivants: environ 98 millions au titre des présalaires des nouveaux stagiaires, 138 millions au titre de présalaires des anciens stagiaires qui sont sur le terrain. A cela s’ajoutent environ 200 millions pour certains actes académiques. Au regard du début de paiement de certain actes académiques, les enseignants, réunis en assemblée générale le 4 février dernier, ont décidé de la reprise des cours ce lundi et ce pour une semaine, le temps de voir comment le paiement va se poursuivre. Ainsi, le 15 février prochain, ils diront s’ils lèvent définitivement la grève ou s’ils la reconduise.
Pour le président de l’UK, les revendications découlent d’un cumul. Et d’expliquer : «Les frais d’organisation des examens pratiques relèvent de 2012, avant mon arrivée.» Déjà en 2012, l’arrêté conjoint N°108 a abrogé toute disposition antérieure contraire. C’est sur cette base que les frais d’organisation devaient être payés. Ce qui n’a pas été fait ni en 2012, ni en 2013. Cela n’a pas pu être fait, apprend-on, pour cause d’indisponibilité budgétaire, certes, mais aussi pour interprétation non consensuelle de l’arrêté conjoint. De l’avis du président de l’UK, l’arrêté, dans son esprit, est l’application du forfait, alors que les encadreurs réclament un paiement à multiplier par le nombre de filières. A en croire Pr Sawadogo, c’est ce qui a fait trainer le dossier jusqu’à ce jour. Heureusement, dans l’accord qui vient d’être signé le 1er février 2016 avec le ministre Filiga Michel Sawadogo, il est prévu la nécessité de relire cet arrêté conjoint afin de tenir compte de certaines réalités.
La bonne volonté doit prévaloir entre les parties pour sauver l’Université de Koudougou, car c’est la première fois que les étudiants de la 1re année commenceront les cours en février. L’UK a toujours commencé ses cours en fin septembre et en octobre ou, au maximum, en décembre pour les autres. Un espoir est tout de même permis quand Georges Sawadogo confie : « Etant donné la manière dont l’université a programmé les enseignements, les enseignants devraient pouvoir viser l’essentiel. Contrairement aux autres universités, les modules de 25 heures sont programmés de façon groupée en 3 ou 4 jours. Ailleurs, les mêmes modules sont donnés en un mois. Si la programmation est effective, si les enseignants et les salles sont disponibles, on doit pouvoir accélérer et rattraper d’ici le mois de juillet». Dr Malo affirme que ses collègues n’attendent que l’exécution du protocole d’accord signé pour que la bonne ambiance revienne dans ce temple du savoir.
Il n’y a pas que les enseignants et les stagiaires. Les étudiants attendent aussi. Passé le volet finances des stagiaires et des enseignants, l’UK devra s’attaquer aux revendications des étudiants liées à leurs conditions de vie et d’études. Pour le président de l’Université de Koudougou, les problèmes seront résolus les uns après les autres. Ces revendications vont de la suspension du LMD à l’ouverture d’une 4e année en passant par les infrastructures, le FONER, la restauration et les cités. A ce niveau, le délégué des étudiants, Wendémi Assane Kientga, affirme que ses camarades et lui n’attendent que la reprise des cours. Il précise: « Si les cours reprennent, les étudiants promettent d’accepter de s’organiser pour voir dans quelle mesure instaurer un dialogue continu pour avoir satisfaction des autres points.» A regarder les points de revendications des étudiants, il y a ce qui dépend de l’université directement et il y a ce qui relève de la tutelle de l’Etat, comme le FONER, la restauration, les cités universitaires. Par contre, reconnait Pr Sawadogo, il y a des éléments comme les infrastructures qui peuvent être discutés. Les effectifs galopant chaque année, le président de l’UK est convaincu qu’on ne pourra pas avoir d’infrastructures suffisantes pour contenir lesdits effectifs. Sur la question de la programmation des cours et de la gestion des salles de classe, le président de l’UK convient que l’administration peut suivre ces aspects de près.
Pour la question du LMD, le premier responsable de l’UK rappelle qu’elle n’est pas née d’une décision d’une université, mais découle d’une décision souveraine de notre Etat, qui dans l’UEMOA, s’est engagé dans la réforme LMD depuis 2011. Il reconnait que les mesures d’accompagnement n’ont pas toujours suivi, comme dans le domaine des infrastructures, des enseignants où on note une insuffisance en nombre.
Pour Georges Sawadogo, ce n’est donc pas l’UK ou une autre université du Burkina qui décide de quitter ou de rester dans le LMD. Pour lui, suspendre le LMD aujourd’hui, c’est vraiment aller vers l’impasse. Il préconise plutôt de voir comment actualiser ce système afin de l’améliorer : « Si on se retire du LMD, cela voudrait dire que les diplômes de nos étudiants ne sont valables qu’au Burkina. En ce moment, c’est perdre de vue la question de la mondialisation, surtout que nous parlons de la mobilité de nos étudiants», conclut-il.

Alexandre Le Grand ROUAMBA


Les 5 revendications des étudiants

1- La reprise immédiate des cours
2- L’ouverture d’une 4e année à l’UK (ouverture d’une Maîtrise
et non d’un Master sélectif)
3- Augmentation du nombre de plats dans les restaurants qui est
actuellement de 7.000 pour 15.000 étudiants
4- L’augmentation du nombre de lits dans les cités universitaires
5- La construction d’infrastructures au sein de l’université.


 

UK: explosion des effectifs !

Les enseignants permanents sont autour de 193. L’UK dépend beaucoup des enseignants qui viennent des autres universités, car on dénombre 178 vacataires. De l’avis du président de l’UK, c’est cette situation qui pose le problème, car « l’enveloppe affectée aux vacations est suffisamment lourde pour notre université. Comme nos enseignants montent en grade, comme nous en recrutons de nouveaux, nous sommes en train de voir la répartition rationnelle des enseignants. Ainsi, l’UK pourra d’abord compter sur ses enseignants à l’interne qui devront remplir leurs volumes horaires statutaires annuels avant qu’on ne fasse appel aux enseignants de l’extérieur en fonction des filières et des grades», conclut-il. Quant aux étudiants, ils sont autour de 13.467 dont 9.781 hommes et 3.686 femmes (au titre de 2014-2015). 6.000 étudiants sont inscrits pour le compte de 2015-2016. Les étudiants de l’UK pourraient donc franchir la barre de 18.000. L’Ecole normale supérieure (ENS) prend entre 400 et 500 stagiaires. Il se trouve qu’en 2013, l’Etat a envoyé 1.300 stagiaires contre 2.173 stagiaires en 2014 et 2.975 en 2015. Le problème également, lâche le président de l’université, « quand ces stagiaires viennent, rien n’est prévu pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre; ils ne sont pas prévus par le budget de l’université. Conséquence : l’UK est obligée de préfinancer leurs présalaires en attendant que le budget de l’année suivante soit exécuté. Avec l’arrivée des 2.975 stagiaires, plus ceux qui sont sur le terrain, avoue Pr Sawadogo, il est impossible de préfinancer pour ce monde. Les difficultés naissent donc de l’explosion des effectifs.

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