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Gilles Thibault : la présence militaire française ne sera pas renforcée

 

Entretien exclusif avec l’ambassadeur de France au Burkina, Gilles Thibaut. Il revient sur les points forts de la visite du président du Faso en France et fait un petit tour d’horizon de la coopération entre les deux pays. Une coopération appelée à se renforcer dans tous les secteurs. L’homme qui a également vécu de bout en bout les derniers événements politiques qui ont secoué le Faso se dit impressionné par la jeunesse et la société burkinabè.

– L’Economiste du Faso: Comment vont les relations franco-burkinabè après la visite du président ?
Gilles Thibaut, ambassadeur de France au Burkina: Les relations entre la France et le Burkina Faso sont excellentes. La visite du président du Faso s’est très bien passée. Il a été reçu par le président de la République, François Hollande, par le Premier ministre, Manuel Valls, par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, et par le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. C’était une belle visite. Les échanges ont été à la fois chaleureux, denses et fructueux. La coopération franco-burkinabè en sort renforcée en matière d’aide au développement, de lutte contre le terrorisme et d’échanges économiques.

– Le Burkina est-il en droit d’attendre un soutien fort de la France ? Et pour quelles raisons ?
Tout à fait, le soutien de la France au Burkina sera fort au plan économique, budgétaire et sécuritaire, comme en matière d’aide au développement. A titre d’exemple, l’Agence française de développement a signé à Paris, en présence de nos deux présidents, un prêt concessionnel de 20 milliards de FCFA avec l’ONEA, pour améliorer l’approvisionnement en eau potable des villes de Bobo-Dioulasso et de Ouagadougou. La France va continuer à œuvrer, entre autres, dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement, des infrastructures, de l’électricité, de l’agriculture, de l’éducation et de la lutte contre la pauvreté.
Le président Hollande a promis une aide budgétaire pour 2016. En outre, nous allons soutenir les demandes burkinabè d’appui budgétaire présentées auprès des institutions multilatérales et européennes pour inciter nos partenaires à apporter eux aussi un soutien budgétaire au pays des Hommes intègres.
En effet, c’est aujourd’hui qu’il faut consolider les acquis démocratiques que le peuple burkinabè a obtenu de haute lutte durant l’insurrection et en résistant au putsch. Il est important que les nouvelles autorités puissent faire face aux difficultés budgétaires du moment. La France veut les y aider car, pour nous, le Burkina Faso est un exemple pour l’Afrique en termes de démocratie et de vitalité de la société civile.
Le Burkina Faso doit aussi lutter contre la menace terroriste qui a endeuillé le pays le 15 janvier dernier.
La France va renforcer sa coopération avec les forces de défense et de sécurité burkinabè, pour qu’elles puissent disposer de capacités accrues et mieux lutter contre cette menace. Nous allons augmenter encore nos activités de formation, nos dons de matériel, mais aussi notre coopération en matière de renseignement.
– Le président du Faso est revenu avec une promesse d’appui budgétaire. Le déficit est de près de 300 milliards de F CFA, peut-on avoir une idée de la contribution française ?
Le montant de la contribution française n’a pas encore été défini. Il le sera prochainement. Et nous allons également mobiliser nos partenaires pour que la conférence des donateurs, qui pourrait se tenir à l’automne, soit un succès.

– Quels sont les secteurs de prédilection de l’aide bilatérale ? Et comment a-t-elle évolué ces dernières années ?
En vertu du classement établi par l’OCDE, la France est le premier bailleur bilatéral au Burkina Faso. Nous intervenons dans le secteur de l’eau et de l’assainissement, de l’électricité, des infrastructures, de l’agriculture ou encore de l’éducation, de la recherche et de la culture. Nous réfléchissons, pour chaque projet, à l’impact concret pour les populations, afin de promouvoir le développement économique et social et de lutter efficacement contre la pauvreté. Nous finançons par exemple le barrage de Ziga qui apporte de l’eau potable à la ville de Ouagadougou. Nous aidons également la SONABEL à construire des lignes électriques pour interconnecter les villes de Ouahigouya, Dori et Djibo au réseau national, mais aussi pour interconnecter Ouagadougou à Bolgatanga au Ghana.
L’Ambassade de France appuie aussi directement les organisations de la société civile et les ONG qui agissent au Burkina Faso. Nous intervenons notamment pour soutenir la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption, la promotion d’une justice plus efficace et plus transparente, les universités, les douanes ou encore les populations dans les zones d’orpaillage.
En fait, nous essayons d’être présents dans tous les domaines qui contribuent au mieux vivre des Burkinabè. Bien sûr, nous nous efforçons, dans toutes nos actions de coopération, d’aider les femmes et les jeunes. En 2015, nous avons également soutenu l’organisation des élections présidentielle et législatives à hauteur de 2 milliards de FCFA. En 2016, nous appuyons également l’organisation des élections municipales à travers par exemple des aides financières versées au Conseil d’Etat et en poursuivant le projet Fasomédias de formation des journalistes politiques sur tout le territoire. De plus, comme je viens de le dire, la France va apporter directement une aide budgétaire à l’Etat burkinabè et nous aidons le pays massivement à travers l’Union européenne, dont la France finance 20 % du budget d’aide au développement.
Pour être complet, je dois ajouter que la coopération décentralisée entre les collectivités locales françaises et burkinabè est très active depuis longtemps, qu’elle n’a pas cessé pendant la transition et qu’elle devrait être encore plus dynamique après le 22 mai.

– Il est souvent reproché à votre pays de ne soutenir financièrement et gratuitement que le volet culturel au Burkina Faso. Que répondez-vous face à cette critique ?
La France est présente, comme on vient de le voir, dans tous les domaines : c’est bien que nous le soyons aussi dans celui de la culture. La France est d’ailleurs sans doute le pays qui promeut le plus activement la culture burkinabè, qui est aussi riche que variée. Ce secteur constitue bien entendu une source de bonheur pour tous, mais aussi une source d’emplois, c’est pour cela que nous nous battons également pour le développement des industries culturelles au Burkina.
Nous savons tous que la culture a des effets positifs inestimables pour un peuple, notamment pour sa jeunesse. Les Instituts français de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso sont de belles institutions, dynamiques, innovantes et proches du public burkinabè. Ces centres culturels contribuent ainsi à la promotion de la paix, de la tolérance et du dialogue interculturel. Les Instituts français permettent d’aider les artistes à se faire connaitre et à améliorer leur pratique artistique. Il est important pour la France d’accompagner les artistes burkinabè, qui sont souvent très talentueux.

– Le président Roch a rencontré le MEDEF, cela peut-il booster l’installation de nouvelles entreprises françaises? Combien sont-elles actuellement au Faso ? Et comment peut-on mesurer leur apport à l’économie nationale ?
Lors de sa visite à Paris, le président du Faso a rencontré une cinquantaine de chefs d’entreprises français au MEDEF. Le président Kaboré s’est montré rassurant sur les perspectives de croissance, la sécurité, l’amélioration du climat des affaires et l’accroissement du capital humain. Les chefs d’entreprises français sont intéressés à investir au Burkina. D’ailleurs, une mission du MEDEF se déplacera à Ouagadougou du 11 au 13 juillet prochain.
Il existe actuellement une centaine d’entreprises françaises au Burkina, dont les cadres et les employés sont très majoritairement burkinabè.
Elles représentent environ 15% de l’économie burkinabè. Il y a les grandes entreprises comme Castel, Bolloré, Total, Burkina Equipement ou encore Sogéa-Satom. Mais il y a aussi des dizaines de petites et moyennes entreprises, qui font un travail exceptionnel sur le terrain et contribuent à renforcer les échanges économiques et humains entre nos deux pays.

– La sécurité dans la sous-région est une préoccupation, le Burkina va-t-il continuer à jouer son rôle d’antan dans le dispositif français ? La présence française sera-t-elle renforcée ?
La présence militaire française ne sera pas renforcée. La force Barkhane continuera à avoir une présence légère à Ouagadougou – environ 300 hommes qui mènent des opérations contre les groupes terroristes au Nord-Mali. Il n’y aura pas de base du GIGN, il n’en a d’ailleurs jamais été question, mais seulement 2 ou 3 hommes qui mèneront des actions de conseil et de formation au profit des forces de défense et de sécurité des pays de la région.
Le Burkina est le premier pays fournisseur de troupes au sein de la MINUSMA – la force des Nations-Unies au Mali. Le Burkina Faso a, en effet, envoyé deux bataillons au sein de la MINUSMA, soit près de 1.500 militaires. La coopération entre Barkhane et la MINUSMA, qui est efficace sur le terrain, va se poursuivre aussi. Je veux dire par là que depuis 2013, les armées burkinabè et française travaillent efficacement ensemble pour lutter contre les groupes terroristes qui cherchent à implanter partout un Etat fondamentaliste et violent.

– Elle semble irriter une partie de l’opinion qui soutient que c’est une source d’insécurité. Comprenez-vous cette position ?
Le président Kaboré, dans une interview dans le journal Le Monde, a été clair: «Les djihadistes ont pour objectif de déstructurer les Etats en Afrique de l’Ouest, donc nous sommes au centre des attaques». Nous pensons aussi que tous les pays de la région sont visés, quels que soient leurs rapports avec la France.
Il n’y a pas de base française au Nigeria, pourtant Boko Haram terrorise ce pays. En 2012, aucun militaire français ne stationnait au Mali, pourtant AQMI et les autres groupes terroristes ont envahi le Nord-Mali, puis ont donné l’assaut sur Bamako en janvier 2013, date du déclenchement de l’opération Serval. Sans l’intervention de l’armée française, le Mali, et peut-être même d’autres pays voisins, serait déjà tombé sous le joug des terroristes et plongé dans le chaos.

– Quel a été le bilan de l’appui financier et technique français pendant la transition ?
Il était important pour la France d’aider la transition, d’aider ce pays ami dans un moment où il était le plus fragile. Ainsi, l’aide au développement française a été particulièrement importante durant la transition: 1,2 million d’euros pour les élections, 2 millions d’aide budgétaire. L’AFD a ainsi versé, pour l’ensemble des projets qu’elle finance au Burkina Faso, 38,8 milliards de F CFA en 2015, soit 32% de plus qu’en 2014 et presque le triple des 13,2 milliards décaissés en 2013.

Entretien réalisé par la rédaction


«Blaise Compaoré, j’ai essayé de te convaincre»

Gilles Thibault raconte ses actions entreprises pendant l’insurrection et le coup d’Etat qui ont eu lieu au Burkina. Pour lui, «avant l’insurrection, quand Blaise Compaoré voulait changer l’article 37, j’ai essayé de le convaincre de faire marche arrière et de laisser l’alternance se réaliser. Durant l’insurrection, j’ai cherché, avec d’autres, à renouer le dialogue entre toutes les parties et j’ai travaillé à la mise en place d’une transition apaisée et consensuelle. Durant le putsch, j’ai été d’une très grande fermeté à l’égard du RSP et du général Diendéré, et cela a payé. Nous avons aussi exfiltré le président Kafando quand sa vie était en danger. Tout cela, c’est le rôle d’un ambassadeur qui œuvre pour la paix et pour la démocratie et privilégie les actes plutôt que les opérations de communication.
Ce que je retiens de tous ces évènements, c’est l’intelligence collective exceptionnelle du peuple burkinabè, son sens du dialogue et de la cohésion sociale. Beaucoup de pays pourraient prendre exemple sur le Burkina Faso en matière de règlement pacifique des conflits. En outre, je suis impressionné par la jeunesse et par la société burkinabè, par leur soif de démocratie et leur exigence légitime en matière de bonne gouvernance», a affirmé l’ambassadeur.


 

 

Campus numérique francophone : Au-delà de la France

Sur le site de l’université Pr Joseph Ki-Zerbo, le bâtiment du Campus numérique francophone (CNP) ne passe pas inaperçu. Une grande parabole attenante au bâtiment symbolise la relation avec le reste du monde de ce campus spécial dédié à l’enseignement à distance dans l’espace francophone.

Issa Boro, responsable du campus numérique francophone de Ouagadougou. Son institution forme une centaine de personnes par an.
Issa Boro, responsable du campus numérique francophone de Ouagadougou. Son institution forme une centaine de personnes par an.

Le campus numérique francophone de Ouagadougou, dirigé par Issa Boro, a été créé et installé dans le bâtiment belge de l’UFR-SJP à l’université de Ouagadougou en 2003. Représentation de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) au Burkina Faso, il est né de l’évolution du centre d’accès à l’information qui était hébergé dans le bâtiment de la bibliothèque centrale de l’université de Ouagadougou, explique M. Boro.
Ses activités tournent pour l’essentiel autour de l’accès à l’information scientifique et technique, l’appui à la mobilité des enseignants et des étudiants, le soutien aux activités scientifiques et à la recherche, l’accès aux technologies de l’information et de la communication, le développement de compétences via des formations présentielles et la formation à distance. Dans le microcosme des institutions universitaires, le CNF travaille en synergie avec l’université Ouaga I Joseph Ki-Zerbo, l’université Ouaga II, l’université polytechnique de Bobo, l’université de Koudougou, 2iE, l’université Aube nouvelle, l’université Saint Thomas d’Aquin, le CNRST, le CIRDES.
Chaque année, près d’une centaine de diplômés y sortent du grâce à l’appui de l’AUF et aux formations ouvertes et à distance.
Les ressources de l’AUF proviennent des cotisations de ses membres et des contributions des Etats membres de l’OIF, les plus gros contributeurs étant les francophones occidentaux dont notamment la France, le Canada, la Belgique…, nous a précisé le responsable du campus de Ouaga. Le campus numérique francophone de Ouagadougou dépend directement du Bureau Afrique de l’Ouest de l’AUF basé à Dakar.
L’Agence universitaire de la Francophonie a son siège à Montréal (Québec, Canada) et est dirigée par son recteur et son président. Un nouveau recteur a été nommé en la personne de Jean Paul de Gaudemar. Un des défis sera de remobiliser les contributions qui connaissent une baisse ces dernières années. L’AUF, au-delà de la France, est le reflet d’une communauté linguistique qui s’appuie sur la langue pour saisir le monde.

FW

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