En avril dernier, le gouvernement a annoncé une table ronde, au mois de juin prochain à Paris, avec les bailleurs de fonds et les partenaires, en vue de la mobilisation de 10.000 milliards de F CFA en faveur d’un programme national de développement. Au Burkina de faire en sorte d’initier des actions prioritaires en vue de lever des fonds. En tant que promoteur du système des tables rondes au PNUD, le consultant Pierre Claver Damiba esquisse dans cette interview accordée à L’Economiste du Faso les priorités du gouvernement en termes de levée de fonds et de priorités. Pour lui, le pays a toutes ses chances de réussir cette conférence. Lisez plutôt.
– L’Economiste du Faso: Une table ronde des bailleurs de fonds est prévue en juin pour rechercher des fonds pour financer le développement du Burkina Faso; vous avez été un des promoteurs du système des tables rondes lorsque vous étiez au PNUD; de quoi s’agit-il exactement?
Pierre Claver Damiba, consultant international: Une table ronde des bailleurs de fonds a pour objectif principal la mobilisation de ressources financières et techniques auprès des bailleurs de fonds pour financer le programme de développement national d’un pays, d’un secteur ou d’un thème prioritaire. Le succès de la table ronde dépend de plusieurs facteurs:
– La qualité des documents soumis à la table ronde.
– La qualité des documents préparés pour servir de base, de référence aux échanges; cette qualité est d’abord technique en termes de cohérence, de convergence et des résultats attendus de la mise en œuvre du programme dont le financement est sollicité.
Elle est ensuite affectée par l’environnement politique du moment, notamment la détermination des gouvernants à lutter contre la pauvreté de masse, contre la corruption et par rapport à la transformation de l’économie, en créant de la valeur ajoutée et des emplois chez les jeunes et en maîtrisant la croissance démographique.
– La profondeur des dialogues bilatéraux avant la tenue de la table ronde.
– La profondeur des dialogues bilatéraux avant le jour de la table ronde; à ce titre, le gouvernement devra veiller à échanger en profondeur avec chacun des participants pour déterminer à l’avance quels seront ses apports financiers et techniques et savoir ainsi les montants et la période des engagements financiers pour le programme soumis à la table ronde.
En l’absence d’un tel dialogue préalable et minutieux, l’exercice de la table ronde court le risque de s’orienter vers des inconnus et des impondérables; il est alors recommandé de faire le point des divers engagements au plus tard la veille de la table ronde, au cours d’un diner de travail avec les chefs de délégation.
– Le Burkina a-t-il des chances dans les conditions actuelles de faire carton plein, vu déjà que les partenaires sur place sont plutôt attentistes?
Le Burkina Faso a toutes ses chances de réussir sa conférence des bailleurs pour plusieurs raisons :
– Un gouvernement nouveau issu d’élections démocratiques vient d’arriver; il mérite d’être accompagné et encouragé.
– La pauvreté de masse continue son expansion en termes quantitatifs en dépit des progrès tendanciels en termes relatifs; la lutte contre la pauvreté de masse est une thématique porteuse au niveau de la coopération internationale.
– La part de la jeunesse (65%) dans la population est une bombe en attente constante d’explosion; contribuer à accélérer la croissance et le développement constitue des mesures préventives. Le Burkina Faso a toujours été considéré comme un pays «sympathique» où les Partenaires techniques et financiers (PTF) arrivent à obtenir de bons résultats; c’est un contexte positif.
– En tant que spécialiste, que suggérez-vous au gouvernement en termes de levée de fonds et d’actions prioritaires?
En plus de la table ronde et de ses résultats utiles pour contribuer à la croissance et au développement du Burkina Faso, un certain nombre de points peut être considéré :
– Approcher les Fonds souverains des pays pétroliers pour mobiliser des «jumbo-crédits» afin de financer les infrastructures (routes, chemin de fer, énergie, universités, hôpitaux, etc.).
– Promouvoir des partenariats avec des compagnies multinationales pour leur confier des zones agricoles à aménager telles la vallée du Sourou, de Bagré, de Samandéni, etc., et l’industrialisation des matières premières disponibles dans le pays (coton, karité, mangues, etc.) ainsi que la promotion de technologies d’innovation ou tout simplement les matières premières consommées sur le marché local ou sous-régional.
– Promouvoir des technopoles qui intègreront les filières, notamment celles (i) de formation professionnelle, (ii) de recherche scientifique et (iii) de production pour le marché national et sous-régional de produits divers. S’agissant du PNDS, il constitue le choix stratégique de gouvernement.
Il a le mérite d’exister et de bénéficier de l’appui du pouvoir; il est susceptible d’être opérationnalisé et d’atteindre des résultats significatifs pour améliorer les conditions de vie des populations burkinabè.
– Avez-vous une conclusion à formuler par rapport à cette conférence des bailleurs de fonds pour le Burkina ?
De mon point de vue, les perspectives de la conférence des bailleurs de fonds pour le Burkina Faso sont plutôt positives et les résultats qui en sortiront, notamment en termes d’engagements de financement, contribueront à la relance de l’économie en réalisant des projets, en créant des emplois et en consolidant la paix sociale.
NDLR: à lire dans notre prochaine parution «Les défis à relever pour la croissance» selon Pierre Claver Damiba
Propos recueillis par Abdoulaye TAO
Les limites de la table ronde
La table ronde a ses propres limites qu’il importe de prendre en compte au niveau des organisateurs (gouvernement) et des participants (bailleurs de fonds). Au niveau des bailleurs de fonds, elle se limite aux Etats et à leurs contributions budgétaires, aux organisations multilatérales de financement, aux Agences des Nations-Unies et à quelques ONG financières.
Au niveau des secteurs concernés, elle n’inclut pas, en général, les besoins de financement du secteur privé qui constitue cependant une puissante source de croissance et de développement, de création de valeur ajoutée et d’emploi. Elle n’inclut pas non plus des représentants des marchés financiers où se trouve et se négocie la quasi-totalité des ressources financières du monde.
Elle n’inclut pas aussi des représentants des compagnies multinationales qui sont désormais plus riches que l’ensemble des Etats réunis.
La table ronde se positionne ainsi à la marge des économies tant nationales qu’internationales et cela, d’autant plus que la plupart des pays riches donateurs doivent faire face à leurs propres problèmes internes d’emploi et de ralentissement de la croissance de leurs économies.