La Société de transport en commun de la ville de Ouagadougou (Sotraco) a tenu le mois dernier son Assemblée générale des actionnaires. Structurellement déficitaire, la société se bat pour assurer sa mission de service public du transport urbain, dans un secteur gourmand en investissements. C’est le principal souci de cette entreprise. Son directeur général Pascal Tenkodogo, fait avec L’Economiste du Faso le point de la situation et les attentes de l’entreprise vis-à-vis de l’Etat et de la ville de Ouaga, également actionnaire.
– L’Economiste du Faso : L’Assemblée générale des actionnaires a eu lieu le 2 juin. Quelles en sont les principales conclusions ?
Pascal Tenkodogo (DG de la Sotraco): Il s’est agi d’adopter les comptes clos au 31 décembre 2015 et de donner les grandes orientations pour l’année 2017. Ces comptes ont été adoptés avec un résultat en hausse, mais qui reste déficitaire par rapport à l’année 2014. On est à 218 millions de FCFA de pertes.
L’AG a aussi donné des orientations au conseil d’administration et à la direction générale. Il s’agit en gros de multiplier les initiatives afin de maintenir le parc de bus, trouver les ressources nécessaires pour la commande des pièces, l’entretien des bus et surtout échanger avec le gouvernement actuel afin de voir comment augmenter le parc de bus et envisager l’ouverture des lignes de la Sotraco dans la ville de Bobo-Dioulasso.
– Comment comptez-vous réduire ce déficit qui est assez important ?
Nous sommes en discussions avec les autorités pour un accompagnement conséquent. Au niveau interne, il y a un travail à faire qui va consister à optimiser l’utilisation des ressources que nous avons, maitriser les charges et travailler à aller vers l’équilibre des comptes, même s’il est mondialement reconnu que le secteur des transports publics n’est pas un secteur rentable.
– On constate que le parc de bus reste votre talon d’Achille pour accomplir convenablement les dessertes. Quel est son état actuel?
Aujourd’hui, nous comptons en tout 74 bus, tous gabarits confondus. Mais, seulement une vingtaine de bus est en circulation. Plus de la moitié du parc est au garage, à l’arrêt.
Nous attendons l’arrivée de pièces détachées pour remettre en marche une dizaine. Nous comptons réparer une quinzaine également d’ici la rentrée prochaine pour faire face à la demande. Le processus de commande des pièces est déjà lancé à ce niveau aussi.
– Comment en sortir? Non seulement vous n’avez pas assez de bus, mais en plus la plupart sont toujours en panne?
C’est une conjonction de plusieurs faits. L’état des voies ne nous est pas du tout favorable. Sur des voies cabossées, les bus ne tiennent pas longtemps, en plus si on y ajoute les surcharges. Pour la réparation des pannes, nous sommes surtout confrontés aux délais de livraisons des commandes de pièces. Nous avons aussi des contraintes financières qui, quelquefois, font que les commandes ne sont pas faites à temps. Il nous faut surtout trouver des bus adaptés à notre situation et c’est un travail à envisager avec les constructeurs.
– Justement, il faut trouver les bus qui font l’affaire. Où se trouve le problème alors?
On est regardant sur cette question. Mais avec les constructeurs, on ne peut le faire que de manière progressive. Il s’agit pour eux de tenir compte du fait qu’il fait chaud et qu’il y a de la poussière ici. A chaque nouvelle commande, nous essayons de corriger cela pour avoir des bus qui durent longtemps.
– Il y a eu une commande de près d’une centaine de bus. Où sont-ils passés?
C’est vrai qu’au lancement de la société il avait été décidé de commander 100 bus. Il y a eu une convention entre l’Etat et la Sotraco à cet effet. Mais jusqu’aujourd’hui, c’est un projet qui n’a pas vu le jour.
Avec les nouvelles autorités, nous relançons l’idée pour voir comment améliorer la mobilité urbaine. Nous avons un ministère dédié cette fois et nous espérons trouver les solutions pour aller de l’avant.
– En attendant, comment vous gérez cette situation qui perdure?
D’abord, il y a les actionnaires qu’il faut saluer, qui nous permettent de prendre des prêts pour de petites acquisitions annuellement afin de maintenir un certain niveau de prestations. L’apport de l’Etat reste incontournable si on veut quitter ce cercle vicieux et pouvoir remplir convenablement la mission qui est la nôtre: renforcer les capacités du parc et réduire les délais d’attentes des usagers.
Avec les banques, il est difficile d’avoir les crédits nécessaires pour disposer du nombre de bus souhaités, et les taux d’intérêt sont élevés. On ne peut pas se développer avec cela.
C’est pour cela que l’Etat reste la seule solution durable en nous aidant avec les moyens roulants. Nous sommes subventionnés, mais il y a lieu de revoir le niveau ou de voir quelles nouvelles facilités mettre en œuvre.
– Vous avez dit que la société est déficitaire, vos recettes ne couvrent pas les charges malgré la subvention?
Les recettes sont loin de couvrir les charges directes. Nous tenons grâce à certains partenaires. On essaie de gérer certaines charges. Il y a la subvention qui nous permet de tenir. Mais notre espoir est d’augmenter le nombre de bus. Mais avant, il nous faut sortir du garage tous les bus sur cale, comme on dit, et les mettre dans le réseau. A la rentrée, nous comptons remettre à flot une vingtaine de bus en attendant le soutien de l’Etat.
– Avec un parc aussi réduit, il est difficile de fidéliser les clients…
C’est toute la difficulté de notre mission. On a constaté que chaque fois que nous avons de nouveaux bus, l’affluence est grande, les taux de remplissage s’améliorent et dès que surviennent les pannes, les passagers trouvent d’autres alternatives. Il nous faut justement maintenir un niveau de bus acceptable pour les maintenir et réduire les délais d’attentes à l’arrêt. C’est le challenge que nous devons relever.
– La situation n’est pas tout à fait rose, vous êtes optimiste pour l’avenir?
Bien sûr. Nous avons des projets. Nous avons élaboré un plan stratégique qui couvre la période 2015 -2020 dans lequel on envisage un parc de 150 à 300 bus. Le réseau devrait s’étendre à 5 villes également. Le plan stratégique prévoit également une réduction des délais d’attentes à 15 minutes aux heures de pointe et à 25 minutes maximum aux heures creuses. Tout cela est conditionné par l’augmentation du parc. Nous avons également des projets d’aménagement des terminus.
– Vous n’êtes pas trop ambitieux, avec la situation actuelle?
Le développement du transport urbain est inscrit dans le programme du président et du gouvernement. Donc, nous espérons que des mesures fortes vont être prises dans ce sens.
Entretien réalisé par A.T