Tribune

PPP et PNDES Contribution à la réflexion – Par Souleymane Ouédraogo

Le Partenariat public-privé (PPP) offre une réelle opportunité de réalisation efficace d’infrastructures de qualité au Burkina Faso. Cette approche est clairement affichée par le gouvernement qui, dans la mise en œuvre du PNDES, a engagé plusieurs actions visant à doter le pays d’infrastructures (routières, sanitaires, énergétiques, etc.) par la conclusion de PPP pour un montant d’environ 10.000 milliards de F CFA.
Ces mariages que le Burkina s’apprête à célébrer avec le secteur privé méritent que nous leur consacrions notre énergie et toute notre attention, car en dernier ressort, et quels que soit les artifices du montage d’un PPP, ce sont les usagers/contribuables qui rembourseront l’intégralité des frais engagés dans la réalisation de l’infrastructure et en payeront les intérêts (aux banques et aux actionnaires). Aussi faut-il analyser ces frais et ces intérêts avec soin, car l’une des principales clés de succès d’un PPP est le partage équitable des fruits du partenariat.
Malheureusement, plusieurs paramètres sournois, considérés insignifiants et pratiquement invisibles, contribuent à déséquilibrer les règles du jeu généralement en défaveur des usagers et/ou des contribuables. En effet, nous avons pu constater, à travers l’analyse d’une dizaine de modèles financiers, que certains choix arbitraires (éminemment politiques ou conceptuels) gonflent significativement la redevance payée par l’usager/contribuable. Aussi, nous prêterons-nous dans les paragraphes qui suivent à l’analyse de quelques-uns de ces paramètres.

Dans la mise en œuvre de son Plan national de développement économique et social (PNDES), le gouvernement a clairement fait l’option du Partenariat public-privé (PPP). Une approche qu’il faut entamer avec prudence selon Souleymane Ouédraogo. (DR)

Premièrement, sous le couvert de prétendues recommandations d’institutions financières ou de la nécessité de prendre en compte le risque lié au projet, les promoteurs privés choisissent un taux d’actualisation moyen de 10%. Or, l’impact de ce taux sur la redevance payée par l’usager/contribuable est direct, important et immédiat. En effet, parce qu’il écrase les flux financiers futurs, ce taux, à mesure qu’il est élevé (comme c’est le cas à 10%), exige un niveau de revenu élevé pour respecter les engagements financiers du projet. Ce qui nécessite généralement une hausse de la redevance.
Dans les modèles analysés, une baisse de ce taux de 1% entraine des réductions de redevance pouvant atteindre 5%. L’importance de ce taux est telle que sa valeur est prédéterminée périodiquement dans certains pays (développés surtout) et imposée systématiquement dans l’analyse de tous projets. Malheureusement, le Burkina Faso n’a pas encore défini une valeur de taux d’actualisation à retenir dans ses projets. Ce qui laisse le champ libre aux promoteurs privés pour utiliser les taux standards (10% en moyenne) dans leurs modèles financiers.
Deuxièmement, lorsque la périodicité (journalière ou mensuelle, généralement) de paiement de la redevance est inférieure à celle utilisée dans le modèle financier du projet (semestrielle ou annuelle, généralement), il est possible de réduire la redevance sans altérer le bénéfice du projet. Si les échanges de flux financiers (redevances, charges d’exploitation, etc.) sont mensuels alors que la modélisation financière est basée sur des flux annuels, l’on pourrait réduire la redevance de 4,40% et garder le même bénéfice. Il est donc important d’adapter les flux financiers du modèle aux réalités des différents engagements pour déterminer une redevance juste.
Troisièmement, certains paramètres (taux de change, cours des matières premières, inflation, etc.) incertains et conjoncturels (risques) peuvent affecter la capacité du projet à faire face à ses engagements et à ses objectifs de rentabilité. Aussi, l’usage d’indexations de charges et de formules d’ajustement de redevance est-il une pratique courante et même recommandée dans la modélisation financière des projets.
Cependant, dans le modèle financier, il faut par exemple éviter d’indexer systématiquement les charges globales d’exploitation par l’inflation locale (généralement plus élevée dans nos pays). En outre, l’absence de provisions pour le renouvellement de certains équipements dont la durée de vie est inférieure à celle du projet, l’inadéquation des méthodes d’amortissements des ressources du projet, etc, sont des manœuvres financières qui conduisent à un gonflement abusif de charges et donc à une augmentation inappropriée de la redevance.
Quatrièmement, la méthode de calcul des intérêts infra-annuels est faussée par l’utilisation quasi-systématique d’un taux moyen arithmétique (même les formules Excel sont ainsi paramétrées !), alors qu’il faut utiliser un taux moyen géométrique.
La différence apparemment insignifiante entre les deux taux (pour des taux d’intérêt faibles) conduit pourtant à d’importantes charges financières supplémentaires et fictives supportées par l’usager/contribuable.
A titre illustratif, un emprunt de 100 Euros à 7% sur 15 ans, remboursé semestriellement génère une charge financière fictive comprise entre 0,92 (amortissement constant) et 1,21 Euros (annuité constante) du seul fait de l’usage d’une moyenne arithmétique (simple mais faux) en lieu et place d’une moyenne géométrique (complexe mais juste). Cela signifie que pour un projet de 100 millions d’Euros, l’usager et/ou le contribuable payera environ 1 million d’Euros en plus, du seul fait de cette pratique.

Janvier 2017


Mettre en place une cellule PPP

Ces quelques exemples montrent l’importance et la dextérité du traitement des modèles financiers dans les PPP. C’est pour cette raison que l’administration publique devrait se donner les moyens de construire elle-même ses modèles financiers (un par projet) au lieu de s’appuyer sur les modèles financiers des promoteurs privés.
En effet et c’est légitime, le promoteur privé ne s’emploiera point à remettre en cause des pratiques acquises qui lui assurent plus de bénéfices. Le modèle qu’il propose donc sera construit à son avantage.
Dans la conclusion des PPP, le Burkina Faso devrait veiller à ce que chaque acteur (Etat, promoteur privé et utilisateur/contribuable) gagne ce à quoi il a droit et dont il a convenu de façon transparente avec les autres.
Pour cela, il lui faudra, en plus de l’impérieuse nécessité d’améliorer le cadre législatif, institutionnel et règlementaire, mettre en place une cellule PPP dotée de toutes les compétences opérationnelles pour discuter d’égal à égal avec les partenaires privés.

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