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Débat sur le Franc CFA: des experts se prononcent

 

Le débat sur Franc CFA fait l’actualité. Les derniers développements intervenus avec le procès et l’expulsion de l’activiste Kémi Séba qui a brûlé un billet de 5.000 FCFA au Sénégal l’a relancé de plus belle.
Dans ce débat, les anti-F CFA remettent en cause le dispositif au niveau du régime de change. Pour comprendre donc ce régime, L’Economiste du Faso
propose 2 avis d’experts sur la question. Le premier est de Soma Barro, ancien ministre burkinabè, ancien analyste financier de la Banque mondiale, ancien gouverneur par intérim de la BCEAO et actuellement administrateur-directeur-général du cabinet conseil COGENT ICG. Il s’exprimait lors de la première session du Conseil économique et social (CES) de l’année 2017.
Le second est de l’expert Lionel Zinsou. Docteur en sciences économiques et sociales, M. Zinsou a fait carrière notamment comme banquier d’affaires au poste de président-directeur-général du fonds d’investissement européen PAI Partners. Il a été aussi été Premier ministre du Bénin et candidat à l’élection présidentielle.

Le régime de parité fixe est contraignant pour les autorités monétaires de la zone CFA

Soma Barro a commencé par décrire le dispositif juridique qui régit le F CFA.
Il cite l’accord-cadre de coopération signé le 4 décembre 1973 entre la République française et les pays membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Cet accord a comme principe «la garantie de convertibilité du F CFA par le trésor français, la fixité de la parité entre le F CFA et le Franc français, la centralisation des avoirs en devises des Etats membres de l’UEMAO au sein d’un compte d’opérations ouvert dans les livres du trésor français, la garantie de change ou garantie de valeurs des avoirs déposés en compte d’opération par rapport à une unité de compte agréée d’accord-partie, en l’occurrence le droit de tirage spécial et la liberté des relations financières entre la France et les Etats de l’UEMAO».
Cet accord-cadre de coopération est assorti d’une convention d’opérations signée le 4 décembre 1973 entre le ministre français de l’Economie et des Finances et le président du Conseil des ministres de l’UEMOA, modifié le 1er septembre 2005. Plusieurs institutions, dont les instituts d’émission, les banques de développement régionales, les institutions chargées de la supervision de l’activité bancaire et les marchés financiers régionaux, administrent le F CFA.
L’ancien directeur par intérim de la BCEAO a par la suite indiqué qu’il existe 2 types de régimes de change, dont le régime de change fixe et celui flexible. Il a énuméré les avantages et les inconvénients de chaque régime afin de permettre aux pro et anti-F CFA de se faire une idée.

Parmi les avantages du régime de change fixe, il a cité la stabilité monétaire et une relative maitrise des prix, une certaine confiance en la monnaie du pays. Ce régime entraine une certaine discipline dans les politiques internes appliquées par le gouvernement, notamment la politique budgétaire.
Il participe à la promotion des échanges internationaux, à la stabilité des recettes d’exportation et à la stabilité du service de la dette extérieure.
En rappel, le régime de change du F CFA a été fixé par l’article 2 de l’accord- cadre qui dispose que: «Les transactions de monnaies à l’intérieur de la zone FCFA se font sur la base d’un cours fixe, sans variation au jour le jour, en fonction des offres ou des demandes de monnaies».
Cette pratique exprime le principe d’égalité entre les monnaies. Ce cours est demeuré à 50 F CFA pour 1 Franc français de 1958 au 12 janvier 1994 où il a été modifié, passant de 50 à 100 F CFA dans l’UEMAO et la BEAC et de 50 à 75 FC (Francs comoriens) pour 1 Franc français.
La date du 12 janvier 1994 correspond à la dévaluation du F CFA et au changement de parité.
Comme inconvénients, ce régime est rigide et très contraignant. Les pays qui l’adoptent sont moins libres et doivent disposer de réserves internationales de devises importantes. Leurs politiques de rééquilibrage des balances de paiements s’appuient sur des pratiques nationales inflationnistes ou déflationnistes reposant essentiellement sur l’instrument budgétaire. Les taux de change peuvent être maintenus à des niveaux incompatibles avec la situation économique et conduire l’Etat dans une crise financière. Les coûts liés à un régime de change reposent essentiellement sur les limites introduites en termes de capacités à réagir à des chocs négatifs domestiques ou extérieurs.
Ce régime peut susciter beaucoup de spéculations et pousser dans une spirale de dévaluations concurrentielles.
Le régime de change flottant ou flexible a comme avantages un ajustement plus rapide aux chocs externes, une flexibilité et une meilleure efficacité des politiques monétaire et budgétaire, une possibilité d’utiliser la politique monétaire pour restaurer la compétitivité, et les banques centrales n’ont plus besoin d’accumuler des réserves importantes de devises pour défendre le cours de leurs monnaies d’émission.
Au titre des inconvénients, Soma Barro a relevé l’instabilité monétaire, l’inflation importée et la volatilité des capitaux.
Au regard de ce qui a été développé comme arguments techniques, l’on est en droit de se poser des questions. Est-ce que la zone F CFA remplit les conditions internes pour son développement économique?
Dispose-t-elle d’infrastructures et d’équipements pour promouvoir son propre développement ? A-t-elle besoin d’investissements étrangers ?

Le FCFA est plus sécurisant pour les investisseurs étrangers
Les anti-F CFA ne doivent pas perdre de vue que même si le taux de change fixe actuel du F CFA est contraignant pour les autorités monétaires de la zone F CFA, il est tout de même plus sécurisant pour les investisseurs étrangers, à cause justement de la stabilité monétaire qu’il instaure. Ils doivent en plus savoir que le régime flottant sera idéal lorsque les conditions clés d’une robustesse de la croissance économique seront réunies dans la zone F CFA.
Pour ce faire, Soma Barro préconise la relecture des accords de coopération monétaire, pour être «dictée par un souci d’assouplissement du principe de la parité fixe afin de libérer nos économies pour soigner leur niveau de compétitivité.
Parmi de nombreuses solutions, cet objectif pourrait être atteint par la responsabilisation du Conseil des ministres sur le taux de change, au lieu du sommet des chefs d’Etat».
Toute décision concernant l’avenir du F CFA devrait intégrer toutes les considérations possibles, parce qu’il n’existe nulle part un taux de change idéal et indolore.

Elie KABORE


Gains et pertes de compétitivité depuis janvier 1994

Selon une étude des services de la BCEAO, le changement de parité de janvier 1994 s’est traduit par un gain économique de compétitivité-prix pour l’UEMOA. De 35,6% au cours de cette année, ce gain économique de compétitivité induit par la baisse de 50% du taux de change du F CFA par rapport au Franc français a été légèrement atténué par un différentiel d’inflation défavorable aux pays de l’union.
Aussi, le changement de parité du FCFA a eu un impact sur les exportations et le taux de pénétration étrangère dans la zone.


Une zone dynamique

Lionel Zizou

Pour Lionel Zinzou, la zone F CFA doit s’inventer un secteur privé afin de créer des entreprises et des entrepreneurs à partir de rien, pour favoriser sa croissance. Il note que la zone UEMAO est la partie la plus dynamique au plan économique en l’Afrique. Elle a présenté la croissance la plus élevée entre 2014-2017. Cela s’expliquerait par la stabilité du F CFA.
Au plan mondial, juste après l’Asie du Sud, la zone UEMAO est également la plus performante en termes de croissance économique.
Lionel Zinzou estime que la monnaie n’est donc pas un obstacle à la croissance et à la création de richesses.
Pour lui, les questions monétaires relèvent des banquiers, des experts, des techniciens. «Ce qui est important pour la zone UEMOA, c’est de se focaliser sur la disponibilité de capitaux pour financer les entreprises afin de créer de la richesse», a-t-il conclu.

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