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Women In Action

L’autonomie se conquiert à bicyclette

Au Bangladesh, les zones rurales les plus isolées profitent, elles aussi, des technologies de l’information à l’aide d’un concept innovant fondé sur l’entrepreneuriat philanthropique.

Par Shagufe Hossain pour The Daily Star

« Si la montagne ne va pas à toi, va à la montagne » : tel est le principe qu’applique iSocial, un programme révolutionnaire donnant accès à des informations de première nécessité à des communautés isolées, dans tout le Bangladesh par l’intermédiaire d’entrepreneuses proposant de multiples services. Son tour de force : lutter contre les inégalités entre les sexes, en confiant cette mission à des jeunes femmes férues de nouvelles technologies, qui utilisent des bicyclettes comme mode de locomotion.

Le programme a vu le jour en 2004, avec l’ouverture par Dnet − une organisation à but non lucratif mettant les technologies de l’information et de la communication au service du développement économique –, de plusieurs « centres d’information ruraux ». Les villageois devaient s’y déplacer. Les responsables de l’organisation ont donc réfléchi à un moyen de leur éviter le trajet. Ainsi a germé l’idée des « Mobile Ladies » des femmes, appelées aujourd’hui Kallyanis, équipées de téléphones mobiles ont commencé à circuler à vélo, de village en village, pour diffuser des informations, recenser les besoins et leur fournir des réponses.

Pendant ce temps, les technologies de l’information inondaient la planète, tout en laissant de côté le Bangladesh – aujourd’hui encore, seuls 38 % des Bangladais disposent d’un accès à Internet. En 2008, les « Mobile Ladies » ont été rebaptisées « Infoladies ». Équipées de smartphones, d’ordinateurs portables, d’appareils photo numériques et de clés USB, ces Kalyanis donnent aux habitants des zones rurales l’opportunité de communiquer avec le monde. Elles dispensent également des conseils sur la santé et l’agriculture, et aident les villageois à souscrire aux programmes d’aide sociale.

Elles ne sont pas salariées, mais entrepreneuses : elles perçoivent des honoraires en échange de leur travail. Si toutes sont issues de milieux défavorisés, elles ont suivi jusqu’à douze années de scolarité, et sont sélectionnées pour leurs capacités d’apprentissage, leur aptitude à communiquer et leur esprit d’entreprise. iSocial prend en charge la formation, mais les femmes doivent investir dans leur propre équipement et gérer leur entreprise de manière autonome.

Infolady Social Enterprise auparavant, le programme est devenu iSocial au début de l’année 2017, et les « Infoladies » des « Kallyanis » au printemps dernier, 60 Kallyanis faisaient circuler les technologies dans 16 des 64 districts bangladais. À ce jour, elles rendent service à près de 450 000 villageois. Impossible de savoir qui en bénéficie le plus- les Kallyanis, les villageois ou la société en général.

Le site web d’iSocial illustre ce triangle vertueux d’une façon émouvante, notamment au travers d’un portrait vidéo de Moni, 26 ans, Infolady depuis 2010.

Son histoire commence au petit matin quand les membres de sa famille sortent un à un de leur petite maison dans la cour de terre battue. Moni nourrit les poules, en surveillant une marmite qui mijote sur un feu ouvert. Son mari, qui est charpentier, se brosse les dents à la pompe à eau. La vue improbable d’un panneau solaire sur le toit de tôle ondulée révèle un indice au sujet de la profession de Moni : pour faire fonctionner son matériel professionnel, elle a besoin d’une source d’électricité fiable.

Elle termine ses tâches ménagères et s’apprête à partir travailler, son vélo à la main − un mode de locomotion en général réservé aux hommes. Elle pédale à travers la campagne, son écharpe fuchsia flottant au-dessus de sa tunique verte de Kallyani. Sa casquette blanche et son parapluie indiquent aux villageois qu’elle fait partie du programme iSocial. Un sac noir attaché au porte-bagages contient le matériel nécessaire à ses prestations : un smartphone, des appareils électroniques, ainsi qu’une batterie d’instruments médicaux.

D’abord réticents, les villageois se réjouissent aujourd’hui des visites de Moni. Durant une journée type, elle connecte via Skype une femme à son mari, un frère ou un fils expatrié, permet à un villageois de chercher une information sur internet ou immortalise une famille en photo et l’envoie par e-mail à leurs proches. Elle transporte également des appareils de mesure de la tension, du taux de glucose ou d’albumine et distribue des tests de grossesse. Les résultats seront transmis via une messagerie électronique à des cliniques, épargnant le trajet aux villageois.

Dans cette société conservatrice, les villageois n’accorderaient jamais une telle confiance à un homme. Nombre de femmes n’osent pas évoquer leurs problèmes de santé avec leur propre mari. Elles ne se déplacent pas non plus pour solliciter les services dont elles auraient pourtant besoin.

Pendant la journée, Moni tient également des réunions avec les divers groupes qu’elle a créés. Chaque semaine, elle aborde de nouvelles thématiques avec les enfants, adolescents, personnes âgées, personnes au foyer, ouvriers et agriculteurs. Le centre qui forme les Kallyanis pour accompagner ces groupes leur fournissent également le contenu des séances.

Moni reconnaît que son travail dépend des formations et du soutien du centre. Certes, c’est elle qui achète l’intégralité de son équipement – du vélo à l’ordinateur portable en passant par le glucomètre –, mais elle s’approvisionne auprès du centre, qui négocie des prêts bancaires avantageux. Celui-ci  soutient également les jeunes femmes au travers d’une autre source de revenu importante : les commissions issues de la vente de produits. Les Kallyanis cèdent aux villageois les marchandises fournies par le centre (semences, acide folique, serviettes hygiéniques, shampooing, cosmétiques). Puis, elles leur achètent des denrées qu’elles revendent au centre.

Les Kallyanis ont en général entre 18 et 35 ans et gagnent de 60 $ (50 €) à 260 $ (225 €) par mois – davantage que le salaire moyen d’un agriculteur de sexe masculin. Dans un discours qui fait écho à celui des entrepreneurs du monde entier, Moni déclare avec fierté « Tout découle de mon investissement, de mon travail, de mes compétences, du temps que j’y consacre. Je ne dois donc partager mes revenus avec personne. Ce que je gagne m’appartient, quel qu’en soit le montant. »

Le modèle innovant d’iSocial a remporté plusieurs prix prestigieux, mais les responsables du programme savent qu’il devra accompagner l’évolution permanente de la société et des technologies. Ils sont toutefois convaincus que le concept a aujourd’hui suffisamment mûri pour être déployé à une plus large échelle, au Bangladesh et hors de ses frontières. Pour l’heure, le programme se fixe l’objectif d’envoyer « une Kallyani dans chaque communauté du Bangladesh » d’ici 2020.

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