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Déclaration des biens : Les magistrats trainent les pieds

Quel est l’état d’appropriation et de mise en œuvre de la loi 04-2015/CNT du 3 mars 2015 portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso? Communément appelée loi anti-corruption, sa mise en œuvre fait l’objet d’un suivi par le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC). Les rapports de suivi des années 2016 et 2017 existent en attendant celui de 2018.
L’article 7 de la loi institue: «L’obligation de déclaration périodique d’intérêt et de patrimoine pour certaines catégories de hautes personnalités et de hauts fonctionnaires dans le but de promouvoir la transparence dans l’exercice des fonctions publiques, de garantir l’intégrité des serviteurs de l’Etat et d’affermir la confiance du public envers les institutions».
L’article 13 liste les personnes tenues à la déclaration d’intérêt et de leur patrimoine. On y trouve outre les membres du pouvoir exécutif, les membres du pouvoir législatif et les membres du pouvoir judiciaire. A ce propos, il est précisé que tous les magistrats sont soumis à cette déclaration de biens.

Où en est-on avec l’application?
Sur la base du travail de suivi du REN-LAC, on se rend compte que son application, en ce qui concerne la déclaration d’intérêt et de patrimoine, n’est pas très effective. Au 31 octobre 2017, les 35 acteurs du pouvoir exécutif ont satisfait à l’obligation de déclaration. 30 ont produit des déclarations conformes à la loi. A cette date, un ministre avait produit une déclaration incomplète et un autre avait satisfait à la déclaration d’intérêts et de patrimoine à l’occasion de la fin de sa fonction.
Les 127 députés ont aussi l’obligation de déclarer leurs biens. 115 députés sur les 127 avaient procédé à la déclaration de leurs biens conformément à la loi au 31 octobre 2017. A la même date, 37 personnes identifiées au titre des autres personnes assujetties ont été à jour de leur déclaration.
Les grands absents sur la liste des déclarants sont les magistrats. Un seul avait satisfait à cette obligation au 31 octobre 2017.
La déclaration des biens en ligne ayant été adoptée, elle doit être appliquée au niveau des magistrats.
La loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso a apporté des innovations au niveau des mesures préventives. Elle attribue la compétence au tribunal correctionnel dans le traitement des affaires de corruption en lieu et place de la chambre criminelle de la Cour d’appel. Des pôles judiciaires économiques ont été créés pour traiter des affaires de corruption mais ils s’illustrent par le manque de moyens nécessaires et un accès difficile à l’expertise pour des investigations.
La loi l’autorise aux associations intervenant dans le domaine de la bonne gouvernance. A ce titre, le REN-LAC s’est constitué partie civile dans 7 dossiers dont 4 en 2017 et 3 en 2018. Elle a aussi déposé une plainte avec constitution de partie civile. Sa constitution de partie civile dans l’affaire Kanis a été rejetée. L’obligation est faite au procureur du Faso d’engager des poursuites en cas de faits avérés révélés dans les rapports des structures de lutte contre la corruption. Mais la réalité est tout autre. Selon le REN-LAC, des acteurs de la justice ne cessent de relever les problèmes d’application de la loi, surtout en ce qui concerne le délit d’apparence. Mais la structure de lutte anti-corruption estime que les obstacles à la non-application de la loi se trouvent aussi bien au niveau du ministère de la justice qu’au somment de l’Etat. Le fait d’avancer que le nouveau Code pénal prend en compte des dispositions de la loi anti-corruption n’est qu’une fuite en avant. L’article 65 de la loi prévoit une peine d’emprisonnement de 6 mois à 5 ans et d’une amende de 500.000 à 2 millions de FCFA à tout agent public assujetti légalement à une déclaration d’intérêt ou de patrimoine qui, 2 mois après une mise en demeure écrite de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat, sciemment, ne fait pas de déclaration de son patrimoine.

Elie KABORE

 


Quelques condamnations sur la base de la loi ont été enregistrées entre 2016 et 2017. (A noter toutefois que les condamnations dans les tribunaux des provinces dépassent celles de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso)

Un agent public, le maire de Poni, a été condamné pour commerce incompatible par le tribunal de grande instance de Ouaga.
L’agent comptable du SIAO a été condamné en 2017 sur la base du délit d’apparence. Un autre agent public a été condamné pour détournement de 9 millions de FCFA par le tribunal de grande instance de Orodara. En plus des peines privatives de liberté et du paiement d’amendes, le tribunal a ordonné le recouvrement complet du montant.
Le tribunal de grande instance de Gaoua a condamné un agent pour concussion. Le tribunal de grande instance de Orodara a condamné un agent pour soustraction de biens d’une valeur de 8 millions de FCFA.
Au regard de ces résultats, le RENLAC reste optimiste.

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