Les impôts n’ont jamais été autant au cœur du débat que cette année. Après la grève des agents du MINEFID qui ont empêché la perception de certains taxes et impôts pendant plusieurs mois, un autre impôt et pas des moindres défraie la chronique. Il s’agit de l’impôt unique sur le traitement et salaires (IUTS) dont les syndicats avec le gouvernement discutent de la suppression sur les primes et indemnités au niveau des agents du privé, des établissements publics et parapublics. C’est dans un tel contexte que le réseau Eurafrique 21 et la Chambre de commerce et d’industrie ont organisé une table ronde au titre délibérément provocateur « A quoi sert l’impôt ? » Avec comme animateur, le nouveau président de Eurafrique 21, l’ingénieur Issouf Traoré.
Issouf Traoré avait autour de lui, en ouverture des échanges, le professeur d’Economie, Mahamadou Diarra, le Directeur général des Impôts, celui du Budget, le conseiller fiscal de la CCI-BF, le Représentant-résident de l’Union européenne, Jean Lamy, Mme Soulama de Burkina PMIPME, un représentant du REN-LAC, le Réseau national de lutte contre la corruption. Après deux heures d’échanges, l’auditoire a compris au moins une chose. L’impôt est indispensable à l’Etat, « il est consubstantiel à l’Etat ». Son prélèvement est obligatoire parce qu’il est prévu par la loi afin de financer le fonctionnement de l’Etat et le service public. Tel est son objectif. Mais les débats ont mis le doigt sur son acceptabilité par les contribuables en lien avec l’usage fait de ces deniers par les gouvernants et la qualité du service public attendue en retour.
Le Professeur Diarra l’a précisé dans son introduction, l’impôt est payé sans contrepartie a priori. C’est ainsi qu’il a fait la distinction entre l’impôt, la taxe et la redevance. Les deux derniers sont adossés à des services. Ce qui n’est pas le cas de l’impôt.
Pour l’enseignant d’Economie à l’Université Norbert Zongo de Koudougou, l’impôt reste un moyen pour la puissance publique de réduire les inégalités et peut-être aussi utilisé comme « régulateur des externalités » en faisant payer certaines taxes comme la taxe de pollution pour les industriels. L’impôt reste donc le principal levier pour l’Etat pour lever des sources afin d’assurer un certain nombre de biens publics. Et financer le développement sur un long terme. Il a évoqué l’emprunt et la création monétaire comme alternative, mais considère la seconde comme moins efficace à cause de ses effets de perturbations sur les prix.
Jean Lamy, Représentant-résident de l’Union européenne qui appuie le Burkina dans le secteur des finances publiques, a rappelé quelques chiffres importants. Le taux de pression fiscale est à 17%. Les recettes fiscales représentent 70% du Budget dont 55 % sont consacrés aux salaires et 93% au fonctionnement de l’Etat. Il y a donc peu de place à l’investissement. Et selon lui, « il n’est pas saint que les investissements de moyen terme soient financés par l’extérieur ».
Une des solutions est d’élargir l’assiette fiscale et d’augmenter le taux de pression fiscale. Mais il a insisté sur le fait que l’Etat doit « collecter plus pour dépenser mieux », se basant sur un document sur les meilleures pratiques en matière de finances publiques.
Pour le contribuable, l’impôt reste un moyen d’affirmer sa citoyenneté et par conséquent, il revendique un certain nombre de droits du fait de son assujettissement.
Sur l’effet pervers de l’impôt, Pr Diarra conclut que l’ « on a l’impression que le Budget de l’Etat, c’est la viande d’éléphant en oubliant que ce sont des gens qui produisent la ressource derrière, à force de tirer sur l’assiette, on peut assister à une certaine défiance. Surtout si l’efficacité de l’action publique n’est pas au rendez-vous »
Le REN-LAC, présent à la table ronde, estime que les réticences à payer l’impôt et l’incivisme sont le fait de « beaucoup d’attentes déçues ». Son représentant propose d’immatriculer tout le monde dans le cadre d’un « impôt global sur le revenu »
Encadré : renforcer la confiance
Le Directeur général des Impôts est revenu sur l’élargissement de l’assiette fiscale avec l’intégration du secteur informel via la contribution de la micro- entreprise (CME). Pour lui, le défi, c’est d’améliorer les performances en termes de recettes mais également de faciliter le paiement des impôts par les contribuables à travers les nouveaux systèmes de déclaration, de paiement et d’obtention de documents en ligne. Cela va changer leurs rapports aux impôts. Sur cette lancée, le DG du Budget, Vieux Abdoul Rachid Soulama, a rappelé les nouvelles dispositions en matière de gestion du budget qui insistent sur les performances des départements ministériels pour la mise à disposition des ressources. Ceci, pour indiquer le souci qu’a l’autorité d’une meilleure gestion des ressources en termes de qualité des services publics offerts.
Eurafrique 21 est une association qui a été créée le 10 janvier 2017. Son objectif est de poser les bases d’un cadre de dialogue, de débats entre des hommes et des femmes de bonne volonté souhaitant mettre en commun leur expérience et expertise et relever les défis communs à l’Afrique et à l’Europe. Son approche consiste à réunir les acteurs du secteur privé, public et de la société civile aussi bien d’Afrique que d’Europe pour débattre des enjeux de développement économique, social et culturel.