Tribune

Campagne radio et planification familiale : L’efficacité d’une campagne radio pour promouvoir la contraception

Avec 5,3 naissances par femme, le taux de fertilité du Burkina Faso se situe parmi les plus hauts d’Afrique subsaharienne (Banque Mondiale, 2017). La forte pression démographique qui en résulte représente un défi social, économique et environnemental majeur pour le pays. Cela crée aussi des problèmes sanitaires de premier ordre pour les femmes burkinabè, pour qui les risques de complications pendant la grossesse et même de décès lors de l’accouchement sont élevés lorsque les naissances sont rapprochées.
Même si des progrès importants ont été faits récemment, l’utilisation de méthodes modernes de contraception (pilule, implants, injectables, DIU…) reste insuffisante. D’après l’enquête nationale PMA 2020, en 2017, seulement 26% des femmes burkinabè y avaient recours. Selon cette même enquête, un quart des femmes du pays ont un besoin non satisfait de moyens de contraception. Cela signifie qu’un nombre important de femmes qui souhaiteraient retarder une grossesse ou limiter le nombre d’enfants qu’elles auront n’utilisent aucun moyen contraceptif.
Dans une étude récente réalisée en partenariat avec Innovation for Poverty Action et Development Media International, nous posons la question suivante : est-il possible d’informer efficacement les femmes et de les convaincre d’adopter un moyen de contraception moderne à l’aide d’une campagne radio intensive ?
Nous répondons à cette question à l’aide d’un dispositif expérimental innovant. 16 stations de radios locales atteignant plus de 5 millions de personnes au Burkina ont été sélectionnées pour participer à une expérimentation contrôlée. Ces radios ont été réparties par tirage au sort dans deux groupes aux caractéristiques similaires : un groupe de 8 radios dans lequel une campagne intensive de communication a été conduite, et un autre groupe de 8 radios servant de groupe de comparaison. Ces 16 radios n’ayant pas les mêmes zones de couverture (cf. carte), la comparaison des femmes vivant dans les deux types de zones permet de mesurer l’impact de la campagne de façon rigoureuse.
L’ONG Development Media International, spécialisée dans les campagnes médiatiques, a élaboré et conduit la campagne d’information dans les zones sélectionnées pour le programme. Cette campagne médiatique a été particulièrement intensive. Elle a duré plus de 2 ans et demi, entre juin 2016 et décembre 2018. Elle comprenait des spots radio d’une minute et trente secondes diffusés dix fois par jour (avec un changement de spots chaque semaine) et des émissions interactives de deux heures diffusées trois fois par semaine en langues locales. De nombreux entretiens qualitatifs auprès des populations ciblées ont permis d’adapter au maximum les contenus des spots et des émissions et de les rendre intéressants, interactifs et souvent humoristiques. Les principaux thèmes abordés étaient les différentes méthodes de contraception modernes disponibles, les avantages sanitaires et économiques de l’espacement des naissances, les normes de genre et le rôle des hommes. Afin de mesurer les effets de la campagne, plus de 6.700 femmes ont répondu à un questionnaire détaillé avant et après la mise en place de la campagne. Les résultats de cette enquête montrent que la campagne radio a permis de faire passer la proportion de femmes ayant recours à un moyen de contraception moderne de 30% à 36% dans les zones ciblées. Cela représente un taux d’augmentation de 18%. Ces résultats sont confirmés par les données administratives des centres de santé qui montrent que le nombre de consultations de planification familiale et le nombre de contraceptifs distribués ont augmenté dans les zones exposées à la campagne. Nous estimons que 33.000 femmes supplémentaires utilisent une méthode de contraception moderne grâce à la campagne radio. Si l’on rapporte ce chiffre au coût de mise en place de la campagne, le coût pour chaque femme ayant adopté la contraception a été de 30.000 FCFA par an. Un effet important de la campagne a été de réduire fortement le nombre de femmes pensant que la contraception rend stérile ou donne des maladies. En revanche, l’impact sur le nombre d’enfants souhaités a été faible, ce qui suggère que les préférences sur ce sujet sont fortement ancrées et difficiles à changer.
Il est important de souligner que les effets de la campagne vont aussi au-delà de l’adoption de la contraception. En effet, les résultats préliminaires suggèrent que le taux de fertilité a déjà commencé à décroître parmi les femmes ciblées. Celles-ci déclarent aussi être en meilleure santé et plus satisfaites par leur vie.
La conclusion de l’étude est qu’un nombre significatif de femmes souhaitent réduire le nombre de leurs grossesses, mais ont de mauvaises informations sur la contraception moderne. La campagne a permis, pour beaucoup d’entre elles, de corriger ces informations et d’améliorer leur bien-être. Les campagnes médiatiques sont donc un outil efficace de promotion de la contraception.
Il s’agit, à notre connaissance, de la première étude expérimentale mesurant les effets d’une campagne radio sur ce sujet en conditions réelles.
En janvier 2019, lorsque que les premiers résultats de l’étude ont été disponibles, Development Media International a décidé de généraliser sa campagne médiatique à toutes les radios locales et nationales burkinabè. Nous estimons que 240.000 femmes supplémentaires utiliseront la contraception chaque année à la suite de cette campagne nationale. Les principaux coûts de mise en place de la campagne étant fixes (documentation, création des spots…), le coût d’une campagne nationale est pratiquement identique à celui d’une campagne plus réduite comme celle évaluée dans notre étude. Ainsi, une campagne nationale est encore plus efficace et son coût par femme supplémentaire qui va utiliser la contraception est seulement de 3.800 FCFA par an.
IPA en bref : Innovations for Poverty Action (IPA) a pour mission de trouver et de diffuser des solutions efficaces pour lutter contre la pauvreté dans le monde. En partenariat avec les décideurs politiques, IPA conçoit, évalue rigoureusement et aide à améliorer les programmes de développement ainsi que la manière dont ils sont mis en œuvre. Pour en savoir plus : poverty-action.org.
Ndlr : Les résultats de cette évaluation seront présentés plus en détail le 7 novembre au Ramada Pearl Hotel. Pour participer à la conférence, merci de vous inscrire à ce lien https://forms.gle/wJsqQ13dYME9hHFp6 ou d’appeler le 74 29 50 82.

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