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Dette extérieure du Burkina Faso: : Une croissance annuelle de 9%

Le total des dépenses dans le budget de l’Etat 2019 est fixé à 2.366,668 milliards FCFA. Une partie de cette somme, soit 100 milliards FCFA, est réservée pour le remboursement de la dette. Son montant ne cesse d’augmenter. D’où provient cette dette et à quoi a-t-elle servi ?
Selon les données du rapport annuel 2017 sur la coopération et le développement (RCD) publié par la Direction générale de la Coopération (DGCOOP) en septembre 2018, le Burkina Faso a reçu de l’extérieur en 2017, la somme de 1.140 millions $US, soit 663,11 milliards FCFA.
Cette somme se compose de 857,39 millions $US (environ 498,578 milliards FCFA) de dons et 282,25 millions $US (165,872 milliards FCFA) de prêts. Les dons représentent 75% de l’aide extérieure reçue et les prêts 25%.
La majorité des prêts (72,4 %) émanent des partenaires multilatéraux, tandis que les bilatéraux ont contribué à hauteur de 27,6 %. La Banque mondiale a prêté le plus au Burkina en 2017, avec un montant de 70,75 millions de dollars. Elle est suivie de la France (52,41 millions de dollars), la Banque africaine de développement (BAD) avec 51,76 millions de dollars, le Danemark (27,27 millions de dollars), la Banque ouest-africaine pour le développement (BOAD) avec 25,13 millions de dollars. Les autres bailleurs ont pour noms BID, Union européenne, BIDC, FMI, BADEA.
Les décaissements au niveau des prêts reçus en 2017 ont servi au financement de projets ayant un fort potentiel de contribution à la croissance économique. (Lire encadré). Lorsqu’on compare cette dette reçue en 2017 avec la dette extérieure totale du Burkina Faso, on se rend compte que l’encours de la dette extérieure (ou montant de la dette extérieure non encore remboursé) était de 1.742,99 milliards de francs CFA en 2017, contre 799,74 milliards de francs CFA en 2008. Il en résulte ainsi une croissance annuelle moyenne de 9%, selon le tableau de bord statistique 2017 du département de l’Economie et des Finances.

Quelle est l’efficacité de la dette extérieure contractée ?
Face à cette évolution, Broulaye Bagayoko, Secrétaire permanent du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), craint qu’au lieu de sortir le Burkina Faso de la pauvreté, elle ne l’appauvrisse plus: «Les enfants qui naîtront continueront à payer la dette contractée par leurs grands-parents», a-t-il avancé. Selon ces données, en 2012, la dette extérieure représentait 72% des exportations et les recettes d’exportation d’or, 76% des exportations.

Dette totale en 2019, estimée à 3.360 milliards FCFA, selon l’ATTAC-CADTM/Burkina, mais le niveau de pauvreté au Burkina Faso reste encore élevé 40,1% au plan national et 47% en milieu rural en 2014, chiffres du dernier recensement de l’Institut national des statistiques et de la démographie (INSD)

Selon le Centre d’études et de recherche appliquée en finances publiques (CERA-FP), l’efficacité de ces prêts contractés est en deçà des attentes du peuple. En effet, en dépit d´importants progrès réalisés au cours de ces 10 dernières années par le Burkina Faso (taux de croissance en moyenne de 5,7% entre 2005-2010), le Centre estime que le développement humain demeure faible. Le niveau de pauvreté reste encore élevé, 40,1% au plan national et 47% en milieu rural en 2014, chiffres du dernier recensement de l’Institut national des statistiques et de la démographie (INSD).
ATTAC-CADTM/Burkina, qui a analysé l’impact de la dette sur le développement du Burkina, s’est rendu compte qu’en mars 2019, la dette contractée par le Burkina Faso est estimée à 3.360 milliards FCFA, dont environ 80% représente la dette extérieure.
Son Secrétaire exécutif de l’ATTAC-CADTM/Burkina, Souleymane Sampébgo, souligne que ces montants ont été obtenus sur la base des différentes statistiques du service de l’analyse des statistiques de la Direction de la dette publique de la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique et des études menées sur la dette. Sur ce montant, il affirme, sans ambages, que «le régime de l’ex-président du Faso, Blaise Compaoré, a contracté une dette de 1.900 milliards FCFA».

Voilà près de 10 ans que les travaux de construction de l’échangeur de l’hôpital Yalgado Ouédraogo ont été lancés, mais peinent à finir, or son financement est un prêt consenti par les différents pouvoirs en place que le peuple devra rembourser tôt ou tard. (Ph. DR)

A la faveur d’un séminaire de formation sur les dettes illégitimes, leurs impacts et les alternatives avec des acteurs de la société civile et avec des députés de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, le 28 mars 2019 à Ouagadougou, Souleymane Sampébgo révèle que de l’avis de l’ATTAC-CADTM/Burkina, la plupart des dettes contractées par le Burkina Faso sont «illégitimes, illégales et odieuses». Et, le Secrétaire permanent du CADTM Afrique, Broulaye Bagayoko, d’affirmer au cours de cette rencontre d’échanges avec les élus nationaux, que ces dettes n’ont pas servi aux causes du peuple burkinabè mais plutôt à un régime.
Pour le Secrétaire permanent du CADTM, un tel montant devrait, en principe, permettre au Burkina Faso d’atteindre un taux de croissance à 2 chiffres et de le hisser dans le concert des nations qui compte dans le monde. Mais des décennies après, le Burkina Faso végète toujours dans la pauvreté, a confié Broulaye Bagayoko, à la fin de la rencontre.
Il en veut pour preuve, le Plan national de développement économique et social (PNDES) qui va coûter la somme de 18.000 milliards FCFA pendant 5 ans. Pour son financement, environ 2.000 milliards FCFA devront être mobilisés par an, soit environ 30% du PIB. Or, les recettes fiscales mobilisées représentaient en moyenne, 15,5% du PIB pendant les 3 dernières années ayant précédé l’adoption du PNDES, et les dépenses courantes absorbaient environ 13,5% du PIB, créant ainsi un besoin de financement important à combler. Broulaye Bagayoko aboutit au constat que le modèle de financement du PNDES, basé sur l’endettement, va davantage enfoncer le Burkina Faso dans la pauvreté.

Une dette qui ne sert pas
Le 28 mars 2019, Broulaye Bagayoko et ses camarades de l’ATTAC-CADTM/Burkina ont interpellé les députés présents à la rencontre sur le fait que ces dettes qui ne nourrissent pas seulement les créanciers mais aussi les élites aient des impacts sur les droits humains. «Il est intéressant de noter qu’en 2015, sur un budget de 1.804, 11 milliards FCFA, 170 milliards FCFA sont alloués au service de la dette, contre 110 milliards FCFA alloués au secteur de la santé», se désolent-ils.
A la faveur de la publication du rapport sur les pertes budgétaires dans le secteur minier, rendu public le 31 juillet 2019, le Secrétaire exécutif du CERA-FP, Hermann Doanio, a confié que les prêts contractés par l’Etat burkinabè pour être réinvestis dans la réalisation des infrastructures socioéconomiques se révélaient très souvent inefficaces.
Pour attester ces dires, il cite des cas de dispensaires, mais surtout d’écoles construites à coups de millions FCFA qui s’écroulent dès le premier vent ou la première pluie. Le comble, dit-il, l’entreprise et le mandataire du marché ne seront même pas sanctionnés. Cet avis du Secrétaire exécutif du CERA-FP est partagé par le Secrétaire exécutif du Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC), Sagado Nacanabo. Celui-ci laisse entendre que dans un pays où la corruption prend des proportions inquiétantes, la dette publique ne peut pas être bien gérée. Il indique que le Burkina Faso peut bien réduire le niveau d’endettement en minimisant le niveau de corruption dans la mobilisation des ressources financières. Pour lui, la dette publique devrait permettre d’améliorer le bien-être des populations avec plus d’éducation, de santé, de routes, d’eau potable, des logements décents, de l’électricité, de services sociaux, etc. Mais qu’avec la corruption, on se retrouve avec des routes mal faites, des écoles qui s’écroulent, des milliers d’élèves sous paillotes, un système de santé défaillant, des paysans délaissés et malheureusement, des dirigeants qui s’enrichissent illicitement et impunément.

La soutenabilité des finances du Burkina attire la confiance des prêteurs
Un avis contraire est apporté à ces arguments. Le chef de service de l’Analyse des statistiques de la Direction de la dette publique de la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique, Gustave Billa, explique que le Burkina Faso est, certes, «friand» de dettes, mais de dettes soutenables, car respectant les critères de convergence au niveau de l’UEMOA.
Par exemple, il souligne que le ratio de la dette du Burkina Faso est autour de 40% de son PIB, alors que la norme de l’UEMOA va jusqu’à 70%. La Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique, qui dispose d’une Direction en charge de la dette, évoque la soutenabilité des finances du Burkina Faso pour honorer ses engagements de remboursement mais continuer à bénéficier de la confiance des «prêteurs». Mieux, cette Direction dispose d’un système de surveillance de la dette contractée par le Burkina Faso.

Les dix principaux bailleurs de fonds en termes de prêts en 2017 (en millions de dollars US)

Ce dispositif permet au gouvernement de savoir exactement, combien il a emprunté, combien il doit rembourser, est-ce que cette dette est-elle de trop pour le peuple ou pas assez, ou bien respecte-t-elle les normes internationales ?
Tous ces indicateurs sont minutieusement suivis et un rapport est établi pour appréciation au gouvernement. Gustave Billa mentionne que ces indicateurs sont régulièrement inspectés par des instances comme la Banque mondiale, le FMI, etc. Il poursuit qu’aujourd’hui, le Burkina Faso «n’emprunte pas pour emprunter», ce sont des prêts judicieux au profit du développement du pays, avance-t-il.
A l’issue d’une audience avec le Premier ministre, Christophe Dabiré, le chef de mission du Fonds monétaire international, Calixte Ahok-Possi, confiait à la presse que «le constat fait est la résilience de la croissance économique en dépit de la situation, avec un taux de croissance de 6%». Outre cela, ce dernier a ajouté que l’inflation était négative, ce qui est une bonne chose pour la population. Il a, par ailleurs, affirmé que le Burkina Faso était sur la bonne voie, parce qu’il a un déficit budgétaire de 3%, ce qui est conforme aux critères de convergence de l’UEMOA. Ces bons indicateurs confirment la solidité, la résilience du pays à toujours avoir la confiance des «préteurs extérieurs».

Ambèternifa Crépin SOMDA


Cas flagrant des infrastructures routières: la réhabilitation de la route de l’hôpital Yalgado Ouédraogo

«Le Conseil des ministres annonce l’examen d’un projet de loi portant ratification de l’Accord de prêt n°2013067/PR BF 2013 28 00, conclu le 25 octobre 2013 à Dakar, entre le Burkina Faso et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), pour le financement partiel du Projet d’aménagement de la section urbaine de la RN04 allant du croisement de la RN04/RN03 à l’échangeur de l’Est à Ouagadougou, au Burkina Faso. Montant de ce prêt, 18,5 milliards de francs CFA, représentant 83% du coût total du projet qui vise à permettre à la voirie urbaine de jouer pleinement son rôle de facilitation et de mobilité dans la circulation», confère L’Economiste du Faso, numéro 316 (https://www.leconomistedufaso.bf/2019/10/28/rehabilitation-de-la-route-de-lhopital-yalgado-9-ans-que-ca-dure/).
Avec ce prêt contracté avec la BOAD en 2013, 5 ans après cette route est toujours en souffrance tant pour le prêteur, le gouvernement que les bénéficiaires que sont les usagers, surtout les malades de l’hôpital qui souffrent des vrombissements des Caterpillar et de la poussière. Et pour cause, les travaux de construction et de bitumage de la route, longue de 3,3 km, allant de l’échangeur de l’Est à l’hôpital Yalgado, sont toujours dans la phase de finition. Son coût de réalisation qui était au départ de 10 milliards FCFA en 2010 est à la date de 2019, à plus de 26.936.901.551 FCFA TTC. Ce préjudice financier causé par l’Etat burkinabè au nom du peuple sera remboursé tôt ou tard par ce même peuple.


 Les secteurs socio-économiques bénéficiaires des prêts

• Infrastructures et électricité en 2017

• Filières agro-sylvo-pastoral en 2016

Les prêts 2017 ont bénéficié au projet de mise en place d’une infrastructure Cloud au profit de l’Administration, des entreprises et des citoyens (G-Cloud) financé par le Danemark pour un montant de 27,28 millions de dollars US, soit environ 15 milliards FCFA, le projet «Ligne de crédit Coris Bank International financé par la BAD/FAD pour un montant de 24,55 millions de dollars US, environ 14 milliards FCFA, le projet de construction d’une centrale photovoltaïque de (Zagtouli), financé par la France pour un montant de 15,05 millions de dollars US, environ 8,7 milliards FCFA, le projet d’infrastructures aéroport de Donsin, financé par la Banque mondiale pour un montant de 14,31 millions de dollars US (8,3 milliards FCFA environ) et le projet d’appui au secteur de l’électricité, financé par la Banque mondiale pour un montant de 13,06 millions de dollars US (7,5 milliards FCFA environ).
Il ressort du rapport annuel sur la coopération et le développement, publié par la Direction générale de la coopération (DGCOOP), une des Directions du ministère de l’Economie, des Finances et du Développement (MINEFID), qu’en 2016, les décaissements ont servi à financer  le 4e Crédit d’appui à la croissance et à la compétitivité, financé par la Banque mondiale pour un montant de 106,17 millions dollars US; la 42e convention du FMI au titre du Programme de facilité élargie de crédit pour un montant de 25,69 millions dollars US; le Programme d’appui aux filières agro-sylvo-pastoral (PAFASP), financé par la BM pour un montant de 21,60 millions dollars US; le projet Community Based Rural Developement II, financé par la BM pour un montant de 16,80 millions dollars US et le projet de raccordement au réseau électrique principal des centres secondaires du Burkina Faso, financé par la France pour un montant de 16,40 millions dollars US.
Le rapport 2015 sur la coopération et le développement publié par la DGCOOP indique qu’en 2015, les principaux décaissements effectués sur les prêts ont servi au financement des projets tels que le 4e Crédit d’appui à la croissance et à la compétitivité (ABG), financé par la Banque mondiale pour un montant de 100 millions dollars US ; la 41e Convention du FMI au titre du Programme de facilité élargie de crédit pour un montant de 37,60 millions dollars US ; le Programme d’appui budgétaire pour la promotion du secteur privé, financé par la BAD/FAD pour un montant de 31,02 millions dollars US ; le Projet d’augmentation de la capacité de production du barrage de Ziga et extension du réseau d’adduction et de distribution d’eau à Ouagadougou -phase 2, financé par la France pour un montant de 15,42 millions dollars US et le Projet de développement durable de Ouagadougou (PDDO), financé par la France pour un montant de 14,72 millions dollars US.

ACS

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