Tribune

Une clinique de négociation nous ferait du bien! – Par : Said Nachet

Le mot «négociation» est souvent assimilé d’une manière très étroite au «marchandage». Il rappelait automatiquement la scène d’un client qui négocie avec un vendeur. Pourtant, le champ scientifique de la négociation semble toujours flou, parce qu’elle emprunte à des domaines très divers, depuis la psychologie et la théorie des jeux jusqu’aux sciences juridiques et politiques.
De la diplomatie au commerce, en passant par les relations sociales ou le règlement des conflits, l’intérêt pour la négociation a connu une extension considérable. La négociation est présente dans toutes les pratiques professionnelles, quel que soit le domaine (1).
Toutes les grandes nations forment en permanence leurs hauts fonctionnaires aux techniques de négociation. Idem pour les grandes firmes multinationales et les grandes organisations syndicales. Dans un monde globalisé, maîtriser les outils de négociation est un avantage compétitif.
Savoir négocier est tout sauf de l’improvisation, c’est une compétence professionnelle. Ce n’est pas un hasard si de grandes universités comme Harvard Law School et Oxford University, entre autres, dédient des programmes spécifiques à la négociation, érigée désormais en compétence académique.

Les négociations à l’OMC qui réussissent, débouchent souvent sur des compromis après d’âpres débats et discussions. Au-delà des rapports de force entre Etats membres, ce sont les pays qui préparent le mieux en amont leurs négociateurs qui arrivent à préserver leurs intérêts. Le programme de renforcement de capacités en matière de négociation commerciale est une des priorités de l’assistance technique de l’OMC envers les pays en développement. (Ph. OMC)

Un savoir ou plutôt un art?
Tous les experts s’accordent aujourd’hui que la négociation n’est pas seulement un art, un mélange savant de subtiles sensibilités, inexplicables et inexpliquées, de situations, de réactions et de transformations, ou bien encore une juxtaposition de techniques et d’astuces disposées pêle-mêle dans une boîte à outils imaginaire.
Si les qualités de clairvoyance, de persuasion, de détermination, de créativité, de maîtrise de soi, d’intelligence émotionnelle et bien d’autres encore, sont nécessaires, elles ne suffisent pas. Il faut baliser scientifiquement un champ humain que l’on ne sait par quel bout prendre et qui peut vous échapper à tout moment. Il devient impératif de disposer de solides repères et de s’inscrire dans le cadre d’une démarche structurée et encadrée scientifiquement (2).
En fait, Andres Lares, associé directeur du Shapiro Negotiation Institute, avait aussi partiellement répondu à cette question, en expliquant qu’il existe deux raisons pour lesquelles les entreprises et les institutions quelles que soient leurs vocations (service public, relations extérieures, institutions gouvernementales, Parlement, départements ministériels…) devraient former leurs employés à la négociation. La première raison est que la négociation peut considérablement améliorer tout, du travail en équipe aux relations avec les clients, en passant par la gestion interne et externe. La seconde est que, contrairement à de nombreux autres types de formation, il est facile de suivre l’impact de la formation et mesurer le retour sur investissement. L’idée d’une clinique de négociation ou d’un système transversal dynamique de négociation professionnelle sera le premier noyau pour évoluer vers «un observatoire national de négociation». Une institution nationale chargée du développement des compétences permettant de répondre aux besoins des différentes institutions et entreprises en matière de création d’un système de gestion efficace des conflits, selon une méthodologie professionnelle et scientifique.
Capable également de gérer les réunions de négociation en présence des parties prenantes, également de mener des entretiens, animer des groupes de discussion et élaborer/mettre en œuvre des enquêtes, et diriger des équipes et d’animer des formations au profit des institutions ayant la volonté de créer un service ad hoc chargé de la négociation ou d’un négociateur conseil rattaché à la Direction générale.
La clinique de la négociation serait une institution capable d’intervenir dans les grandes questions relatives à la négociation de projets publics, privés, nationaux et internationaux. Parmi ses clients potentiels, on trouvera des ministères, des établissements publics, des organisations à but non lucratif, des sociétés multinationales, des petites et moyennes entreprises, des équipes de sport professionnel, des municipalités, des fonctionnaires locaux et des universités… Ce qui permettra de résoudre les problèmes d’une manière indépendante et impartiale et surmonter les difficultés de prise de décision, de mieux gérer les tensions liées au dialogue social et ses effets collatéraux sur le plan relationnel et économique.o
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(1) Jean-Claude Usunier. «Comment enseigner la négociation d’affaires», Revue française de gestion, vol. no 153, no. 6, 2004, pp. 63-86.
(2) Roger Fisher, William Ury et Bruce Patton, Getting to Yes, Random House Business Books, deuxième édition, 1991. Traduit en français sous le titre Comment réussir une négociation, Seuil, 2006, troisième édition.


On aurait pu mieux gérer la grève des facs de médecine

Si le Maroc disposait d’une clinique de négociation, il aurait bien sûr eu d’autres façons pour mieux gérer les crises vécues en 2019, notamment, celles des étudiants en médecine et des enseignants contractuels. Une mauvaise négociation des conflits de cette ampleur, hormis son grand impact économique et social, elle est aussi susceptible de dégénérer en ce que l’on appelle «la conjonction des luttes». Si jamais plusieurs catégories se mettent simultanément en mouvement, pour se transformer en une grave crise sociale qui ne peut que déboucher sur une crise politique d’importance, ce qu’il faut absolument prévenir.

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