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Cancer pédiatrique au Burkina Faso: le traitement très coûteux

Le chef de service de l’Unité oncologique du CHU pédiatrique Charles de Gaule, Dr Sonia Douama/Kaboré, médecin pédiatre, spécialisée dans l’oncologie pédiatrique. (DR)

Quels sont les différents types de cancer chez les enfants ?

On a deux types de cancer : les cancers qui atteignent les corps solides tels les tumeurs oncologiques et les cancers qui atteignent les tissus sanguins, à savoir les cancers concernant l’hématologie.

Quels sont les cancers les plus fréquents chez les enfants?

On a de plus en plus de cancers hématologiques comme les leucémies. Il faut savoir que la leucémie de l’enfant est essentiellement une leucémie aigüe, lymphographique.

Avez-vous des statistiques ?

En 2020, nous avons enregistré en tout dans l’Unité, 28 cas de leucémie. Malheureusement, dans ces 28 cas, nous avons eu 11 décès. Nous avons un autre type de leucémie qui a atteint un autre type de cellules sanguines qu’on appelle leucémie aigüe () qui sont généralement de mauvais pronostics. Nous en avons reçu 5 cas, mais malheureusement, on a perdu 3 patients. Ceux qui sont décédés étaient tous sous traitement au moment du décès.

Quelles peuvent être les causes de la leucémie ?

Les causes sont multifactorielles. Actuellement, nous recevons les patients, mais nous ne pouvons pas vous dire malgré les petites enquêtes que nous faisons avec les parents, quelles sont vraiment les causes réelles. Dans la littérature, il est dit qu’il y a des risques externes. Un père qui fume, par tabagisme passif, les enfants peuvent faire un cancer. Une maman qui prend de l’alcool, qui a une alimentation déséquilibrée pourrait être un facteur de risque chez l’enfant. On a des facteurs environnementaux, par exemple, un environnement avec une cohabitation avec des insecticides, des pesticides peut aboutir à la survenue de cancer. Il y a aussi les radiations ionisantes. Dans les pays du Nord, quand les sociétés de téléphonie mobile installent leurs antennes, les gens ne sont pas trop d’accord, parce que cela pourrait être source de survenue de cancer. Ce sont des facteurs auxquels nous pensons, mais ce ne sont pas des relations de cause à effet. Quand l’enfant arrive à l’Unité, dans l’interrogatoire, nous recherchons toujours la notion de facteurs environnementaux, la notion de cancer dans la famille, d’alimentation…

Quel est l’âge des enfants que vous recevez ?

Nous recevons les enfants à tout âge. Ca va du petit enfant au grand enfant à l’adolescent. Nous  avons reçu des très jeunes, des moins de 1 an et des plus de 17 ans.

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Dans les cancers de l’enfant, il y a des signes d’alerte et si ces signes sont connus, cela  peut nous aider à recevoir les enfants très tôt.

Dans le cadre des leucémies, l’enfant fait toujours des infections :

Il fait toujours un palu ;

Il fait des anémies à répétions. Il prend le traitement qu’on le prescrit mais il est toujours anémié à tel point que ça peut aboutir à des transfusions ;

Il a des douleurs osseuses : si l’enfant n’est pas drépanocytaire et même s’il l’est, c’est un signe clinique qu’il faut prendre au sérieux ;

Le développement d’une masse (ganglions) qui peut être abdominale, osseuse, au niveau de l’œil.

Comment se fait-il le diagnostic ?

Il est clinique et paraclinique avec des examens de laboratoires, de la radiologie, d’imagerie.

Quelles peuvent être les complications ?

La complication est que ce cancer qui est initialement localisé à un organe soit diffus dans tout le corps. Plus le cancer est avancé, plus c’est difficile pour nous de le traiter. En ce moment, la complication la plus évidente c’est le décès.

Comment se passe la prise en charge ?

Pour prendre en charge le cancer, il faut d’abord préparer le terrain. L’enfant arrive en hospitalisation, on fait d’abord un bilan d’arrivée, on confirme le diagnostic. Si nous avons d’autres collègues à interpeller pour encore nous aider dans  le diagnostic et la prise en charge, on fait recours à ces collègues. Par exemple, dans le cancer du rein, on fait recours au chirurgien. Ce dernier va demander des examens et si nous ne l’avons pas fait, nous le faisons. Il y a des localisations que nous recherchons. On va, d’emblée, faire des examens qui vont nous permettre de rechercher ces localisations, à la fin de ces examens, on aura un diagnostic si oui ou non il y a extension. Et c’est en fonction de cela que nous allons décider s’il faut traiter oui ou non et comment il faut traiter. Arrivé à ce stade, on fait un bilan pré-thérapeutique pour préparer l’organisme à recevoir les médicaments. On fait un bilan cardiaque, rénal, hépatique, pour être sûr que tous les organes nobles du corps sont prêts à recevoir le traitement.

Le traitement est-il accessible ?

Le traitement est très cher. On avait fait une étude sur la prise en charge du cancer du rein et le moins cher c’était 600 000F quand la tumeur était bien localisée. En ce qui concerne la leucémie,  c’est en termes de millions. Vous avez des molécules qui coûtent 17 000F la dose, 35 000 la dose, 60 000 la dose. Honnêtement, le traitement n’est pas à la portée des citoyens. Si on veut calculer en termes de prise en charge alimentaire, de transport, l’hospitalisation plus les médicaments, ça revient très cher aux parents.

Comment avez-vous commencé la prise en charge des cancers chez  l’enfant ?

La prise en charge des cancers ne s’est pas faite automatiquement. Dans les années 2000 à 2005, il y a eu la création d’un groupe franco-africain d’oncologie pédiatrique où un pédiatre, feu Pr Jean () qui a travaillé dans la prise en charge des cancers en France, avait souhaité avec ses collègues pédiatres africains, qu’ils s’organisent pour pouvoir prendre en charge les enfants africains atteints de cancer. Le groupe a été fondé en 2000 et le Burkina Faso a adhéré au groupe en 2005.

Ce groupe nous a permis d’avoir des médicaments, des consommables, de former le personnel de santé… C’est grâce à ce groupe que nous avons commencé à prendre en charge les enfants atteints de cancer.

On a commencé en 2005 à Yalgado et en 2009 à la Pédiatrie Charles de Gaule. Il y a des moments où il y a des ruptures et quand c’est ainsi, les parents contribuent à l’achat des médicaments. Je tiens à souligner que le ministère de la Santé nous a octroyé des médicaments il y a quelques années.

Ils nous ont beaucoup aidés mais on souhaiterait que cette action soit pérenne et qu’on sente une implication plus importante du ministère de la Santé.

Peut-on prévenir le cancer ?

Nous avons des cellules dans notre corps qui sont toujours prêtes au moindre stimulus à déclencher le cancer. Il faut donc éviter les facteurs favorisants. Quand on sait qu’un membre de la famille a fait le cancer de l’œil, on surveille la lignée de cette personne, parce qu’il y aura une chance sur deux qu’un de ses descendants fasse un cancer de l’œil…

Pourquoi une Journée mondiale de lutte contre le cancer de l’enfant ?

Cette Journée est  nécessaire parce que dans l’esprit des gens, un enfant ne devrait pas avoir le cancer. Et cette Journée nous permet de parler de ce cancer, de sa prise en charge, d’évoquer la survenue de ce cancer par l’action des facteurs favorisants, par l’action des facteurs génétiques, ça nous permet de faire savoir ce qui se passe, comment on travaille. Peut-être que les gens seront sensibles et vont nous soutenir.o

Haniffa SAWADOGO

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