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Boureima Ouédraogo, DG INSD: «Les statistiques coûtent cher, mais sont un investissement utile»

Boureima Ouédraogo, DG de l’INSD, et son équipe entendent devélopper le système statistique national et vulgariser l’information statistique auprès du public. (DR)

L’Economiste du Faso : Comment présenteriez-vous l’INSD à nos lecteurs ?
Boureima Ouédraogo, Directeur général de l’Institut national de la statistique et de la démographie : L’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) est la structure officielle en matière de production statistique au niveau national. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autres structures qui en produisent. Mais l’INSD est cette structure centrale chargée de produire des statistiques, notamment, économiques, sociales, environnementales, etc., et de les mettre à la disposition des utilisateurs. Nous avons un certain nombre d’activités de collecte de données et de diffusion des informations statistiques à travers plusieurs canaux. L’institut a également pour mission d’assurer la coordination du système statistique national en tant qu’acteur central. Il est chargé de l’animation du Conseil national de la statistique (CNS) dont il est le secrétariat technique et d’accompagner l’ensemble des structures qui interviennent dans le système statistique national. Il les appuie techniquement pour la réalisation des activités de collecte de données, de production statistique. Il est chargé aussi d’assurer des formations au profit des acteurs du système statistique national et d’élaborer et de mettre des normes à la disposition des structures produisant des statistiques. Enfin, l’INSD est également chargé d’assurer la diffusion et la visibilité des statistiques en ce sens qu’il centralise un certain nombre de statistiques au-delà de sa propre production. Il les met à la disposition des utilisateurs qui en ont besoin.

Vous centralisez les statistiques d’autres organismes à votre niveau. Est-ce seulement dans le cadre de la diffusion ?
Non, pas seulement dans le cadre de la diffusion. En tant qu’acteur central du système statistique national, l’INSD est souvent appelé à répondre à certaines demandes d’informations statistiques émanant soit de l’Etat, soit des partenaires extérieurs comme le système des Nations unies qui ont souvent besoin de certaines informations. Il y a aussi le besoin de conservation. Il peut arriver qu’on ne retrouve pas les statistiques dans les structures qui les produisent. L’INSD, ayant des capacités plus importantes pour assurer cet archivage, centralise des informations d’autres structures. Nous avons une plateforme : la page web du Conseil national de la statistique, à travers laquelle nous diffusons régulièrement les productions statistiques de l’ensemble des structures. Vous pouvez y retrouver les différentes productions des ministères, notamment, les annuaires statistiques, les tableaux de bord et d’autres productions. Nous avons également une salle de documentation ouverte au public.

Le DG de l’INSD et son équipe ont posé pour la traditionnelle photo de famille. (DR)

La page web est-elle régulièrement mise à jour ?
Oui, le site web est mis à jour. Peut-être que par moments, nous pouvons ne pas recevoir régulièrement les documents produits par d’autres structures. Mais dès qu’ils sont disponibles, nous mettons à jour le site web.

Nous avons remarqué qu’il y a beaucoup d’activités de coordination. En matière de statistique, que faites-vous en solo, directement ?
Nous menons beaucoup d’activités. Ce sont les grosses opérations d’enquêtes qui sont connues de l’INSD. L’une d’elles est le recensement général de la population et de l’habitation que nous réalisons chaque 10 ans. Le premier a eu lieu en 1975. Depuis lors, nous le réalisons avec une périodicité plus ou moins respectée. A part cela, nous avons d’autres grandes enquêtes comme l’enquête démographique et de santé actuellement en cours, les enquêtes sur les conditions de vie et des ménages (réalisées avec une périodicité de 3-5 ans), le recensement général des entreprises pour pouvoir avoir une photographie des entreprises intervenant dans les grandes villes, mais nous espérons pouvoir l’étendre à l’ensemble du pays. Nous avons également des enquêtes de moindre envergure parfois au profit de l’Etat ou de ses démembrements ou d’autres partenaires. Nous avons beaucoup d’activités appelées « activités courantes ». Elles nécessitent de petites collectes de données ou parfois l’exploitation des données déjà existantes.
Dans ce sens, nous produisons un certain nombre de bulletins, à savoir l’Indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC), l’Indice harmonisé de la production industrielle (IHPI), les notes de conjonctures économiques, des tableaux de bord, des annuaires statistiques et d’autres productions que nous élaborons de façon régulière.

Est-ce vous qui réalisez les enquêtes du secteur de l’agriculture ?
Le ministère en charge de l’Agriculture a un dispositif de production de statistiques agricoles. L’INSD y participe mais les opérations sont conduites essentiellement par la Direction générale des études et des statistiques sectorielles du ministère en charge de l’Agriculture. Mais nous pouvons, par exemple, prendre l’une des opérations importantes de l’agriculture qu’est le recensement général de l’agriculture. Il permet de disposer de bases de sondage pour la réalisation des enquêtes annuelles faites par ledit ministère.

Que cherche-t-on en faisant ce recensement ?
Nous sommes à notre deuxième recensement général de l’agriculture. Il a chaque fois été couplé au recensement général de la population et de l’habitation en 2006 et en 2019. Nous voulons avoir une photographie complète des exploitations agricoles (quelles sont les populations qui pratiquent des activités agricoles, quelle est la couverture nationale de ces activités, quels sont les types d’activités agricoles pratiquées par les populations, si c’est l’élevage, par exemple quels sont les types d’animaux qu’elles élèvent, les types de plantations qu’elles ont). Ces informations permettent de mener des enquêtes beaucoup plus détaillées afin de mesurer la production agricole.

Les paysans acceptent-ils de donner les informations dont vous avez besoin ?
En général, il n’y a pas de problème. Les ménages, surtout dans le milieu rural, répondent de façon franche. Parfois, c’est en ville qu’il y a des difficultés. Les populations n’ont pas souvent le temps, elles ont souvent une mauvaise compréhension des enquêtes statistiques ou il y a parfois des gens de mauvaise intention qui peuvent donner des chiffres pas très exacts. Mais globalement, ces cas sont mineurs. Nous avons aussi des techniques de traitement des données qui permettent de déceler ces genres de situations afin d’y apporter les corrections nécessaires.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ? Comment arrivez-vous à interagir avec les populations ?
Effectivement, nous rencontrons des difficultés. Actuellement, il existe beaucoup de structures qui collectent des données. Les difficultés peuvent être dues à une insuffisance de communication. Nous sensibilisons les populations pour leur faire comprendre ce que nous faisons afin qu’elles puissent répondre aux questions. Nous associons également les leaders communautaires, les responsables de l’administration et les autorités pour faciliter les échanges avec les populations. Vous verrez qu’avant de faire une opération, l’INSD mène des campagnes de communication au niveau des médias nationaux et des radios locales. L’objectif est de rassurer les populations sur les raisons de l’opération. Nous donnons des formations aux agents pour leur permettre de mieux aborder les populations, leur donner l’information exacte, ne pas faire de fausses promesses et surtout convaincre les populations d’aider l’Etat à produire ces chiffres.

Souvent, il y a une différence entre les statistiques du Burkina et celles des organismes internationaux. Comment est votre collaboration avec les partenaires (financiers, internationaux…) ?
La coopération est très bonne. Une statistique dépend de plusieurs paramètres. Elle dépend de la définition, des concepts, des approches méthodologiques autour des chiffres, et également de la collecte de l’information. Il peut arriver que pour toutes ces raisons, nous ayons quelques différences de chiffres entre nous et ce que d’autres structures produisent. Il peut arriver aussi que nous n’ayons pas, au niveau national, d’informations fraîches disponibles. Donc au niveau national, nous n’arrivons pas à rendre l’information disponible. Cela amène les institutions internationales comme la Banque mondiale et le FMI à faire des estimations pour compléter les informations manquantes. Mais ces structures collectent toujours leurs premières informations au niveau des structures nationales et en particulier, auprès de l’INSD. Elles collectent aussi des informations dans plusieurs pays. Il peut arriver que pour des besoins d’harmonisation et de comparaison, ces institutions retraitent les données collectées au niveau des pays pour calculer les statistiques qu’elles publient.
Généralement, on dit que les pays africains, notamment, le Burkina, disposent de très peu de statistiques. En cette année 2021, avec toutes les capacitations de l’INSD et le système statistique mis en place par le Burkina, peut-on dire que le Burkina est au top de la production statistique ?
Je peux dire qu’il y a des progrès. En comparant la situation d’aujourd’hui et celle d’il y a 10 ans ou 20 ans, on peut dire que le pays a fait des progrès importants. Il y a 10 ans par exemple, il n’y avait que quelques ministères qui pouvaient produire régulièrement des annuaires statistiques. Mais aujourd’hui, presque tous les ministères en produisent régulièrement, même si c’est avec un retard parfois.
Cette production de statistiques administratives est assez développée aujourd’hui. Et dans presque tous les secteurs, il existe des annuaires statistiques, des tableaux de bord et des enquêtes réalisées régulièrement. Cela est dû à un renforcement institutionnel avec la création de la Direction générale des études et des statistiques sectorielles, des recrutements de personnels statisticiens au profit des ministères.
Les structures du système statistique national ont réalisé depuis un certain nombre d’années, de grosses opérations statistiques comme l’enquête sur les conditions de vie des ménages en 2018/2019, l’enquête régionale sur l’emploi et le secteur informel, l’enquête sur la nutrition, les enquêtes sur la préparation et la disponibilité des services de santé.

Des enquêtes sont également menées chaque année dans le secteur agricole.
Y a-t-il encore des brebis galeuses parmi les ministères et les institutions ?
Il y a beaucoup de choses à améliorer à tous les niveaux, en commençant par l’INSD et également au niveau des autres structures. Il faut peut-être approfondir la production des différentes statistiques, rendre ces opérations assez régulières. Il y a encore des efforts à faire pour pouvoir parfaire notre système d’information statistique.

Les enquêtes coûtent cher. Le problème ne réside-t-il pas à ce niveau des outils mis en œuvre ? Est-il possible d’avoir un dispositif permettant de rendre disponibles les statistiques à peine l’année écoulée ?
Les statistiques coûtent cher, en même temps, il faut savoir que c’est un investissement utile. A ce niveau, notre pays est aidé par des partenaires qui reconnaissent que c’est un investissement important dans lequel il faut mettre les moyens. En ce qui concerne la disponibilité des informations de façon régulière, nous ne disposons pas suffisamment de la ressource humaine à tous les niveaux, notamment, dans les ministères. Il y a très peu de cadres supérieurs pour porter les activités statistiques. Cela peut justifier les retards dont vous parlez. Il y a aussi une insuffisance d’outils de travail. Au 21e siècle, nous collectons toujours les données sur papier, cela est dépassé dans d’autres pays. Il existe des systèmes électroniques qui permettent de remonter les données de façon régulière. Par exemple, pour la production des données sur l’indice des prix, dans d’autres pays, les informations sont reçues automatiquement des supermarchés, des alimentations pour une production régulière des données. Au niveau des entreprises, nous pouvons mettre en place des systèmes pour faciliter cette remontée des données. Nous avons des efforts à faire à ce niveau pour disposer de ces genres d’outils.

Comment touchez-vous les consommateurs au niveau local ?
A l’institut, nous mettons l’accent sur les besoins de l’Etat, car c’est notre mission essentielle de pouvoir satisfaire la demande de l’Etat pour le suivi des politiques, l’élaboration des différents programmes, etc. Nous essayons également de répondre aux attentes des partenaires. Nous rendons aussi les informations à tous en les publiant.
A tout moment, une personne, une entreprise ou n’importe quel acteur peut solliciter l’INSD pour demander des informations. Toutes ces informations sont mises à disposition de façon gratuite. Par contre, pour des demandes spéciales, les structures nous approchent et financent ces opérations.
Etant donné que nous avons une mission de service public, nous ne focalisons pas nos objectifs sur la recherche de profit financier au risque d’être détournés de notre mission principale. Mais quand ces demandes se présentent, nous prenons toutes les dispositions pour les satisfaire. On nous demande d’améliorer notre autofinancement. Cela est très difficile pour un institut de statistiques. C’est peut-être inapproprié, car si vous prenez une enquête, par exemple, celle sur les conditions de vie des ménages, elle peut coûter des centaines de millions. Vous ne pouvez pas demander à un privé de financer des opérations de ce genre.

La Rédaction

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