«Je n’ai plus de fonds pour relancer ». Devant ses poulaillers vides dans la matinée du mercredi 09 février 2022, Awa Compaoré/Kombéogo ne sait plus où donner de la tête. En activité depuis 2003 au quartier Nagrin, dans l’Arrondissement 07 de Ouagadougou, c’est la première fois qu’elle assiste impuissante à la mort d’un si important effectif dans sa ferme : 6300 têtes de volailles. Son calvaire date du début d’année où elle a vu périr son cheptel qu’elle avait introduit deux mois plus tôt. « Le 10 janvier 2022, je suis venue trouver les poulets faisant la fièvre. Certains sautaient, tombaient et mouraient avec un écoulement nasal de sang, surtout les plus gros. Comme les symptômes n’avaient rien de ce que j’avais l’habitude de voir, j’ai donc emmené 4 sujets pour une autopsie chez le vétérinaire qui me suit et celui-ci m’a prescrit des antibiotiques en attendant les résultats. Trois jours après, il m’a dit que mon poulailler était attaqué par la grippe aviaire », raconte-t-elle. Le temps d’attente des résultats, elle perd malheureusement la population de deux poulaillers : 4.200 poulets. Le 17 janvier 2022, elle reçoit une équipe du ministère en charge des ressources animales qui procède, à son tour, à des prélèvements et des analyses pour lui dire ce qu’elle savait déjà : la présence de la grippe aviaire sur son site. Elle perd également les 2.100 poulets restants. Le 05 février 2022, le ministère en charge des ressources animales dépêche une équipe avec des produits pour aider à faire la désinfection du site qu’elle avait déjà entamée.
C’est la souche hautement pathogène H5N1 de l’influenza aviaire qui a été détectée au Burkina Faso. C’était l’annonce, le jeudi 13 janvier, à l’issue du Conseil des ministres. Le lendemain, le ministre en charge des ressources animales et halieutiques, Moussa Kaboré, a précisé, lors d’un point de presse, que le Centre, le Centre-Nord, le Centre-Sud, le Centre-Ouest, le Nord, les Cascades et la Boucle du Mouhoun figuraient parmi les régions touchées par l’épidémie de grippe aviaire, car les services vétérinaires ont constaté une forte mortalité au sein des sites d’élevage depuis la fin du mois de décembre. Ce sont au total quarante-deux foyers d’élevage, répartis dans sept régions du pays, qui ont été recensés, entrainant la mort de 500 000 volailles et la perte 1,3 million d’œufs. Le préjudice est estimé à environ 4,78 milliards FCFA, toutes espèces de volailles confondues.
Face à la progression de l’épizootie, un plan de riposte a été mis en place. Il comporte la surveillance des sites de rassemblement des oiseaux sauvages et la capture d’oiseaux malades ou blessés, à des fins de prélèvements biologiques pour des analyses de laboratoire. « Un point d’honneur est mis dans l’indemnisation des producteurs dont les volailles ont fait l’objet d’abattage constaté par un procès-verbal rédigé par les services compétents, conformément aux textes en vigueur (…) environ 3,8 milliards FCFA seront affectés aux indemnisations », a laissé entendre Moussa Kaboré.
La gestion de la grippe aviaire nécessite donc la mobilisation d’importants moyens humains et matériels tels que les équipements de protection, des consommables de laboratoire, des moyens d’incinération et de désinfection…mais également l’indemnisation des éleveurs. Sur ce dernier point particulièrement, les inquiétudes se font fortes chez les victimes. Entre le déclenchement de la maladie, l’incinération des animaux par les services compétents, en passant par les prélèvements et la confirmation des examens, le décompte des têtes d’oiseaux, un éleveur a le temps de perdre tout son cheptel sans avoir un procès-verbal pour le notifier. « Quand on sait que, comme l’a dit l’ancien ministre des ressources animales, Moussa Kaboré, « seules les volailles abattues par les services sanitaires seront comptabilisées et dédommagées par l’Etat », il y a lieu de se demander à quel jeu jouent les techniciens et autorités chargés de la mise en œuvre du dispositif », s’est interrogé l’associé gérant de la Ferme Bio Nat Prod de Ouarmini, dans une correspondance qu’il a fait diffuser dans la presse. « Ils m’ont dit qu’ils ne savent pas comment cela va se passer pour le moment », répond Awa Compaoré, quand on lui demande si les agents qu’elle a reçus chez elle l’ont rassurée d’une indemnisation pour reprendre ses activités. Toujours sous le choc, elle avoue n’avoir pas encore eu le courage d’évaluer ses pertes. « Si vous multipliez 6.300 par 2.500, par exemple, vous pourrez avoir une idée », lâche-t-elle.
La grippe aviaire menace le cheptel à hauteur de 52 millions de têtes. La perte globale de 90% de ce cheptel pourrait s’estimer à 163,8 milliards FCFA de pertes directes, sans compter les pertes en production d’œufs.
Martin SAMA
Encadré
Mesures d’urgence
«Pour empêcher l’introduction de la maladie dans les sites d’élevage et sa propagation, il est recommandé aux producteurs d’éviter les contacts de la volaille entre différents élevages et avec d’autres animaux (chiens, porcs, chats, rongeurs, etc.), de rassembler et détruire les volailles mortes sous le contrôle des agents vétérinaires, de se garder de vendre de la volaille ou tout produit issu d’un élevage infecté. »