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Procès Dabo Boukari: 32 ans après les faits

• Les coupables sont connus

• Le Général Diendéré , le Colonel Mamadou Bamba et Magloire Victor Yougbaré

• 20 ans, 10 ans et 30 ans fermes

« Le chef de l’Etat n’est pas au-dessus de la loi, mais il est au-dessus de moi. Et lorsqu’il me donne des ordres, je me dois de les exécuter », déclare Diendéré Gilbert à son tour, à la barre. (DR)

Le procès Dabo Boukari s’est tenu les 19, 20 et 21 septembre 2022. Cette affaire a été longuement débattue devant la Chambre criminelle de la Cour d’Appel de Ouagadougou, en session délocalisée au Tribunal de Grande instance Ouaga 2. Durant ces trois jours, la Cour a entendu l’accusation portée par le Procureur général près la Cour d’appel, les accusés, les témoins, les parties civiles et la défense, avant de rendre son verdict.
Le procès inaugural de la troisième session de la Chambre criminelle de l’année judiciaire 2021-2022, tenu en audience foraine, implique trois accusés pour les faits qui se sont produits en mai 1990. Diendéré Gilbert, jeune capitaine, chef de corps du Centre national d’entrainement commando (CNEC) et adjoint du commandant de la cinquième région militaire au moment des faits, poursuivi pour complicité d’arrestation illégale, séquestration aggravée, complicité de coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans l’intention de la donner et de recel de cadavre. Bamba Mamadou, président du Comité révolutionnaire (CR) à l’époque, poursuivi pour complicité d’arrestation illégale et de complicité de séquestration aggravée. Yougbaré Magloire Victor, militaire du CNEC, pour complicité d’arrestation illégale et pour complicité de séquestration aggravée. Enfin, l’Etat du Burkina Faso, civilement responsable, a été représenté par les agents judiciaires de l’Etat.
L’accusé, Yougbaré Magloire Victor, n’a pas comparu à l’audience. Son Avocat, Me Ouédraogo A. Résé, a expliqué que son client n’avait pas comparu pour raisons de santé. Pendant ce temps, le Procureur général a fait observer que l’accusé Yougbaré est en état de fuite. Et que selon la procédure pénale, l’accusé en état de fuite n’a pas de statut et a demandé à la Cour de le juger et le condamner par contumace. La Cour a déféré à ses réquisitions en n’autorisant pas son Avocat à le défendre.

Début des interrogatoires après l’observation de procédures classiques
« Lorsque tu rôdes avec des lions, tu es chassé au même titre qu’eux », clame Bamba Mamadou à la barre. Certes, les faits se sont déroulés sous un régime que je supportais, mais je n’ai pas aidé ni assisté, ni participé à l’arrestation des étudiants sur le campus, a-t-il affirmé. L’accusé poursuit en disant qu’il n’a pas participé à l’établissement de la liste des étudiants exclus, et n’a pas indiqué les domiciles des étudiants, puisqu’il ne connaissait pas les étudiants grévistes, encore moins indiquer leurs photos.
« Le chef de l’Etat n’est pas au-dessus de la loi, mais il est au-dessus de moi. Et lorsqu’il me donne des ordres, je me dois de les exécuter », déclare Diendéré Gilbert à son tour, à la barre. Le chef du CNEC d’alors dit n’avoir pas donné d’ordres de l’arrestation illégale d’étudiants. Les militaires du CNEC ont obéi sûrement à une autorité civile. Diendéré dit être informé aux environs de 23h qu’un civil était décédé à la Permanence du Conseil de l’entente. Il se rendit immédiatement sur les lieux et décide après d’aller rendre compte au chef de l’Etat. Blaise Compaoré l’instruit de prendre des dispositions pour enterrer le corps à Pô, d’y convoyer les autres étudiants détenus, et que Salif Diallo, Directeur de cabinet du chef de l’Etat, allait entrer en contact avec la famille de la victime. Certains de mes hommes qui se prenaient faiseurs de rois pour avoir porté Blaise Compaoré au pouvoir se croyaient tout permis, en l’occurrence Somé Gaspard, adjoint de Diendéré au commandement du CNEC. Telles sont les déclarations de l’accusé.

Dépositions de témoins et confrontations avec les accusés et parties civiles
De nombreux témoins ont défilé à la barre pour dire ce qu’ils savent des faits reprochés aux accusés. Plus d’une vingtaine cités dans le dossier, quelques-uns seulement ont pu comparaître. Certains témoins sont décédés et d’autres pour raisons diverses n’ont pas comparu. Parmi les témoins ayant comparu figurent Yaméogo Louis Joanny, commandant du haut commandement de l’armée, Somda Bertin, chef d’Etat-Major, de la gendarmerie, Bationo Omer, actuel ministre de l’Administration territoriale, Me Halidou Ouédraogo, leader du MBDHP, Pr Yonaba Salif et bien d’autres. Les parties civiles, Tougouma Abel, Kouanda Albert, Somé Nigbé et Ouattara Sambéré ont expliqué ce qu’ils ont vécu comme tortures, agressions physiques à l’époque. Cette phase a été jalonnée de nombreuses interrogations, questionnements, doutes et de contestations de dires de part et d’autre.

Plaidoiries et réquisitions du ministère public
Me Kaboré, Avocat de la partie civile, a comparé le Conseil de l’Entente à un camp de concentration et a expliqué par la suite que Diendéré était complice pour inobservation d’une obligation professionnelle en tant que chef militaire des faits commis par ses subordonnés et pour le fait qu’il n’a pas sanctionné ces derniers. Également, il soutient que l’accusé Diendéré a joué un rôle actif en envoyant des étudiants à Pô et qu’il est coupable de recel de malfaiteurs. A la suite de cette plaidoirie, Me Ambroise Farama, Avocat de la partie civile, soutient que la lecture du communiqué en mai 1990, par Bamba Mamadou comme il sait bien le faire, à la Télévision nationale, annonçait les couleurs de la répression des étudiants. De ce fait, il estime que sa complicité est établie et qu’en outre, la lecture de la liste d’étudiants exclus de l’Université dans le même journal démontre que l’accusé avait connaissance de la liste et se rend complice. « Mamadou Bamba est Colonel aujourd’hui, grâce à la mort de Dabo Boukari », a soutenu Me Prosper Farama. Concernant l’accusé Diendéré, il dit ne pas faire de différence entre celui qui tue et celui qui regarde tuer. Des militaires du CNEC, des véhicules du CNEC, des locaux du CNEC… pourquoi pas le chef de corps du CNEC, s’interroge Me Sandwidi.
Pour le Procureur général près la Cour d’appel, la culpabilité de Bamba Mamadou n’est pas contestable. A cet effet, il requiert à la Cour de le reconnaître coupable des faits et de le condamner à une peine de 10 ans d’emprisonnement et d’une peine d’amende d’un million, le tout ferme. Concernant l’accusé Diendéré, le Procureur général affirme : « La responsabilité de Diendéré nous parait beaucoup plus complexe ». Par ces motifs, il a requis à son encontre la disqualification des infractions de complicité d’arrestation illégale, de complicité de séquestration aggravée, de complicité de coups et blessures volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner, de renvoyer l’infraction recel de cadavre pour cause de prescription. Et de retenir, par contre, l’infraction de séquestration, de le condamner à une peine de 7 ans d’emprisonnement et d’une peine d’amende d’un million, le tout ferme.

Enfin, le Parquet a requis la prison à vie et une peine d’amende d’un million pour l’accusé Magloire Victor Yougbaré.
La défense de Bamba Mamadou réplique en disant qu’il y a des non-dits et des non-faits dans le dossier. Pour elle, l’enquête a été bâclée et qu’on pouvait mieux faire. Pour cela, toute la vérité ne sera pas dite. Il argue qu’il n’y a pas un chemin juridico-factuel qui aboutit à sa culpabilité. Ce ne sont que des déclarations que son client a niées. « On a cédé à la facilité pour contenter ce beau peuple », déplore-t-il. Pour Me Saba, trois Codes pénaux sont susceptibles de s’appliquer aux faits de mai 1990, le Code pénal de 1984, celui de 1996 et celui de 2018. Les faits sont prescrits d’après ces analyses et l’accusé Diendéré doit être relaxé pour prescription. Me Dabo clame « justice, non vengeance ». Dans la plaidoirie de ce jeune Avocat, s’est invité le droit pénal international sur la responsabilité du chef militaire du fait des subordonnés. Il conclut en disant que les conditions pour que sa responsabilité soit engagée ne sont pas réunies, et que par extraordinaire, s’il y a condamnation de l’assortir de sursis. Me Somé estime qu’il n’existe pas de preuves matérielles de culpabilité contre l’accusé et a évoqué des raisons pour lesquelles la procédure ne devrait pas avoir lieu. Il a aussi demandé d’assortir la peine de sursis si par extraordinaire, il y avait condamnation.
Rahim OUEDRAOGO (Stagiaire)

 

Encadré

Verdict du tribunal après clôture des débats

La Cour a reconnu les accusés coupables des faits à eux reprochés. En conséquence, condamne Diendéré Gilbert à 20 ans d’emprisonnement ferme et d’une peine d’amende d’un million. L’accusé Bamba Mamadou écope de la peine de 10 ans d’emprisonnement et d’un million d’amende. Enfin, la plus lourde peine est prononcée contre l’accusé Yougbaré Magloire Victor, 30 ans d’emprisonnement ferme et d’une peine d’amende de 5 millions.
32 ans après la mort de Dabo Boukari, étudiant en septième année de médecine, trois personnes sont reconnues coupables et condamnées. Ces condamnations signifient-elles rendre justice à l’illustre disparu ? La question reste posée. De plus, des contestations peuvent s’élever contre cette décision. Au moins, à travers ce procès, l’on a pu découvrir l’état de la terreur et de la répression qui prévalait à l’époque. Ce procès inaugure la troisième session, d’autres sont attendus, notamment, l’affaire Ousmane Guiro.

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RAF

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