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« Reconstruction » du marché de Sankar-yaaré: « L’Etat peut recourir au mode PPP », selon Roch Donatien Nagalo, président du SYNACOM-B

• Permet d’aller vite et bien

• Penser à un parking souterrain

• L’Etat doit sauver vite les jeunes chômeurs

Le 29 janvier 2023, l’un des grands marchés de Ouagadougou, Sankar-yaaré, a pris feu. Conséquence, « près de 800 boutiques » parties en feu, laissant des commerçants dans le désarroi total. Quelles solutions immédiates peut-on apporter ? Quels types d’infrastructures  sont-ils  appropriés dans le futur ? Le président du Syndicat national des commerçants du Burkina (SYNACOM-B), Roch Donatien Nagalo, interrogé le 31 janvier 2023, donne quelques réponses. Lisez plutôt !

L’Economiste du Faso : la communauté des commerçants a été dévastée le 29 janvier, en voyant le marché de Sankar Yaaré parti en fumé, aviez-vous été surpris?

Roch Donatien Nagalo : J’ai été profondément surpris de voir l’un des marchés les plus rentables économiquement (c’est le plus grand marché en négoce de crus) partir en fumée, c’est une grande perte pour l’économie burkinabè. Près de 800 boutiques parties en fumée, avec des conséquences économiques, pertes d’argent et sociales, des commerçants ne pourront plus se relever.

Aviez-vous une idée de combien de commerçants touchés ?

A l’étape actuelle, nous ne pouvons pas anticiper pour donner des chiffres exacts. Mais à travers les propos du ministre en charge du commerce, qui a fait une visite le 30 janvier 2023 sur le site du marché, nous apprenons qu’il y a eu au moins 800 magasins qui sont partis en fumée. Imaginez 800 magasins, ce sont des milliers d’emplois perdus.

Une estimation des pertes financières déjà ?

D’emblée, nous ne pouvons donner de chiffres exacts, mais il y a de fortes chances que les pertes financières soient évaluées en termes de milliards FCFA.

Enregistrez-vous déjà des cas sociaux, car beaucoup de commerçants exerçaient dans ce marché depuis  au moins 40 ans ?

Vous avez raison, car le jour où le marché a pris feu, nous avions vu des femmes s’évanouir, nous les avions assistées, pour leur dire que la richesse, c’est Dieu qui donne et la vie d’abord. Dieu merci, il n’y a pas eu de pertes en vies humaines. Néanmoins, nous allons travailler, de concert avec le gouvernement, pour voir quelle assistance psychologie apporter aux sinistrés.

En attendant que les enquêtes situent  l’origine de cet incendie, des riverains disent avoir entendu des détonations. Lesquelles détonations seraient parties d’un entrepôt d’engins explosifs. Si cela est vrai, certains commerçants ne sont-ils pas la cause du malheur d’autres commerçants, car l’importation, le stockage et l’usage d’engins explosifs sont règlementés au Burkina Faso ?

C’est vraiment une situation qui a causé préjudice à des milliers de commerçants. Il faut dire que la règlementation et le contrôle des marchés et yaars ne sont   malheureusement pas bien appliqués. Si ces choses étaient faites avec rigueur, certainement qu’on n’assisterait pas à ce cas malheureux. Sinon, nous ne pouvons pas comprendre que dans un marché où on vend des vivres, des vêtements et d’autres articles, nous puissions retrouver des engins explosifs manipulés par certains commerçants. Si  cela est révélé, c’est  une pratique dangereuse à bannir.

Le marché de Sankar yaaré n’est pas un cas isolé, il y a eu d’autres marchés partis en fumée, tels que Rood Woko, et récemment, le marché de Nioko, cela a commencé à faire beaucoup et suscite des questions. Avec votre expérience dans le secteur des commerçants, avez-vous des explications ?

Nous, en tant que syndicat, notre objectif est de défendre les intérêts moraux et matériels des membres de notre syndicat. Face à ces interrogations, notre syndicat ne peut que proposer des solutions au gouvernement, afin d’anticiper d’éventuels sinistres. Le SYNACOM-B avait proposé des solutions aux différentes autorités passées, malheureusement, elles n’ont pas été prises en compte.   Mais nous continuons à œuvrer à ce que nos suggestions, les  réformes du secteur du commerce et le  modèle des marchés que nous prévoyons soient un jour acceptés ; parce qu’au final, c’est nous les commerçants qui connaissons les réalités du secteur et c’est nous qui pouvions proposer des solutions efficaces et idoines. Ces réformes déjà réfléchies peuvent permettre à l’Etat burkinabè de mieux améliorer l’assiette fiscale et faciliter un meilleur développement du secteur économique du pays.

Concrètement, quelles sont les réformes que préconisent le SYNACOM-B ?

Par exemple, nous demandons que chaque secteur d’activité commerciale soit organisé en filière. Nous avions travaillé à mettre une brigade de veille citoyenne et de contrôle anti-fraude. Si l’Etat nous avait accompagnés et que notre brigade était en activité, nous ne serions pas à ce stade. Le rôle de la brigade était d’aider l’Etat à règlementer l’activité commerciale avec l’usage de la force publique. Malheureusement, nous ne sommes pas écoutés et nous continuons à plaider. Nous avions aussi proposé la création de faîtière des organisations socioprofessionnelles. Sur cette question, nous avions travaillé avec toutes les  entités de la chaîne de l’économie burkinabè : bétail-viande, volaille moderne, volaille locale, karité, filière lait, filière miel, ainsi que les professionnels de l’importation-exportation. C’était l’occasion de mettre chaque composante en filière et que chaque acteur en dehors du registre de commerce ait une carte professionnelle qui sera donnée par la filière mère. Les producteurs depuis les villages seront organisés en coopératives et dotés de leurs cartes professionnelles. Au niveau des Communes, nous avions prévu de mettre en place des centrales d’achat qui allaient avoir pour rôle de contrôler les flux d’entrée et de sortie des marchandises. Toute chose qui allait permettre de percevoir plus de recettes fiscales et partant, augmenter les caisses de l’Etat. Une telle réforme va éviter qu’un commerçant fasse rentrer dans un marché, des engins explosifs. Celui-ci est obligé de s’aligner derrière sa filière et ils auront leur marché exclusif à eux. Malheureusement, nous ne rencontrons pas un interlocuteur qui a la même vision que nous. Sinon, sans ces réformes, ce sont les grandes firmes qui profitent des retombées de notre pays. Si le secteur est mieux structuré, même le secteur informel va en profiter. Un exemple : combien le Burkina Faso injecte comme ressources financières dans l’importation du poisson par an ? Pendant ce temps, l’Etat peut favoriser le développement de la pisciculture dans les villages et diminuer, par ricochet, le volume de poisson importé. Une telle politique va permettre que depuis les villages jusqu’à la capitale, tous les acteurs de la chaîne de pisciculture gagnent quelques dividendes. L’Etat profite ainsi règlementer les produits importés et mettre fin à la transhumance du bétail. Le chômage va se réduire et il y aura moins de jeunes à se faire enrôler par les terroristes, car chacun peut avoir du travail. Rendre l’orpaillage en semi-mécanisé pour mieux contrôler le flux de la commercialisation de l’or. Les caisses de l’Etat s’en trouveraient mieux renflouées. Sinon il y a une évasion énorme de nos ressources financières.

Dans votre conférence de presse du 30 janvier 2023, vous aviez souhaité un accompagnement des autorités envers les commerçants sinistrés. De quel type d’accompagnement s’agit-il ?

Premièrement, nous souhaitons un accompagnement technique qui va concerner la prise des textes règlementaires régissant l’activité commerciale.  Deuxièmement, nous souhaitons un accompagnement en garantie. L’Etat peut ne pas avoir des ressources financières mais peut décider de reconstruire le marché de Sankar yaaré en mode PPP.

L’Etat trouve des bailleurs financiers qui s’engagent en joint-venture avec des locaux, pour rebâtir le marché en respectant les nouvelles normes. Si cela est ok, l’Etat est obligé d’accorder des garanties à ces partenaires, pour qu’ils puissent rentrer dans leurs fonds. L’Etat n’a pas besoin de nous donner de l’argent. Notre vision sur la reconstruction est qu’on puisse doter le nouveau marché d’un parking souterrain, cela va réguler le problème de désengorgement des voies d’accès. Si l’Etat fait comme il l’entend, cela peut ne pas être conforme à la vision des commerçants. Il y a de l’argent dans l’activité commerciale, mais le désordre fait que l’Etat perd cet argent. Imaginez quelqu’un qui exporte des noix de karité pour aller vendre à l’extérieur, c’est un crime économique ; parce que la noix de karité transformée, nous pouvons obtenir l’huile raffinée qui coûte plus cher que l’huile d’olive, nous avons la gomme et d’autres dérivés. Le Burkina Faso est un pays riche, il faut de la volonté politique et un sursaut patriotique.

Y a-t-il un moyen de mettre en place un système d’assurance pour protéger les commerçants en cas de tel sinistre ?

Cet aspect avait été abordé avec la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), pour permettre aux commerçants d’avoir leur retraite. Faire en sorte que les boutiques soient assurées. Avec ce sinistre, les boutiques non assurées seront dans des situations complexes.

Les commerçants veulent rouvrir tout de suite, cela est-il faisable ? Et si oui, à quelle condition ?

Le gouvernement doit prendre ses responsabilités, car nous avons sous la main, des milliers de chômeurs avec ce sinistre. Ils sont aujourd’hui considérés comme des personnes déplacées internes. Ces nouveaux chômeurs, s’ils ne basculent pas dans la vulnérabilité et que l’Etat ne réagit pas à temps, cela va créer d’autres problèmes sociaux.

L’Etat doit recenser ces nouveaux chômeurs et tenter d’y trouver des solutions urgentes. Pour la réouverture, il faut une étude préalable pour éviter d’autres désagréments. Une fois cela fait, l’Etat peut, tout en reconstruisant, laisser certains commerçants sur place ou les déplacer vers d’autres marchés riverains.

Interview réalisée par Ambéternifa Crépin SOMDA

 

Encadré

800 boutiques parties en fumée, le marché de Sankar-yaaré va-t-il renaître de ses cendres ?

Je préfère être optimiste. Nous devons profiter de ce sinistre pour revoir toute la structuration et le fonctionnement des marchés et yaars au Burkina Faso. Aussi, nous pouvons profiter de ce sinistre pour rebâtir un marché moderne. Nous pouvons envisager la création d’un corps de policiers pour superviser et contrôler les marchés, surtout en ces temps d’insécurité. 

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