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Creusage des tombes et activités connexes: un business qui nourrit son homme

• Une tombe à 125.000 FCFA

• Un service plus social que lucratif 

• Leur cri du cœur

Assami Ouédraogo, responsable de l’entreprise Pompe funèbre locale de Ouagadougou.(Ph: Yvan SAMA)

A l’entrée de cette vaste cour, la signalétique indique qu’à droite, se trouve le carré militaire, et la sphère dédiée aux martyrs à gauche. Règne dans cet espace une ambiance funéraire, les symboles et les images renvoient sans équivoque et simplement à la mort. Sur une longue étendue, des tombes sont construites, chacune avec une architecture particulière, des caveaux familiaux aussi. Pendant que certains sont joliment bâtis, au point de faire pâlir d’envie certains vivants, d’autres sont en état de délabrement, parfois très avancé. Nous sommes au cimetière municipal de Gounghin. Extraordinairement, dans ce milieu où l’on est vite saisi de résignation, de désespoir, de pessimisme, des jeunes gens se sont créé des activités et des opportunités pour se faire  de l’argent. Ces derniers s’adonnent au creusage des tombes, construction de tombes et maisonnettes, nettoyage, entretien et exhumation. En contrepartie, ces prestataires de services reçoivent de leurs clients une rémunération dont le niveau est fixé par les termes du contrat.

Ce dimanche, ces jeunes nettoient les tombes des proches des visiteurs pour avoir de l’argent.(Ph: Yvan SAMA)

Assami Ouédraogo, jeune d’une trentaine d’années, teint noir, de taille moyenne, est très sympathique. Il dit s’être jeté dans cette activité depuis 2007. « À nos débuts, nombre de guides religieux, imams, pasteurs nous ont approché pour nous dissuader d’entreprendre de telles activités qu’ils jugeaient indécentes et incompatibles avec certaines valeurs. Cela n’a pas entamé notre volonté de faire ce que nous voulions. Et plus tard, ils ont fait volte-face pour nous encourager et nous ont même fait savoir qu’au-delà de l’argent que nous gagnons, nous acquerons des bénédictions, parce que l’œuvre est fort appréciable du point de vue religieux. Notre ambition n’est pas de tirer profit des morts, mais d’apporter notre aide aux personnes qui sont en détresse et en font la demande », nous raconte ce jeune homme, ce 12 février 2023. Aujourd’hui responsable de l’entreprise Pompe funèbre locale de Ouagadougou.  Ce dernier intervient dans plusieurs cimetières pour les mêmes activités.Mais avant de se lancer  dans ces activités, c’était plutôt l’affaire   des gens d’autres nationalités, et ce, à des coûts onéreux, déclare Assami Ouédraogo. Progressivement, nous avons récupéré les marchés, et ils ne viennent presque plus, poursuit-il.

Aujourd’hui, le nombre de personnes qui s’intéressent à ces activités a augmenté. On  dénombre plusieurs dizaines de jeunes actifs et constitués en plusieurs équipes, foi d’Assami Ouédraogo.

Pour creuser une tombe, M. Ouédraogo emploie 8 personnes. Du reste, il fait savoir que trois personnes peuvent le faire, mais il prend 8 pour accélérer le travail. Selon lui, ses clients sont quelques fois des familles d’étrangers, des familles dont les membres ne sont pas trop impliqués dans les faits et évènements sociaux, des familles aisées, les Ambassades et les pompes funèbres. Il compte parmi ses clients, la Direction générale de la Police nationale (DGPN). Le creusage des tombes des policiers tombés pour la défense de la patrie lui est confié par cette institution.Outre le creusage, les équipes de Ouédraogo construisent  des tombes selon les besoins des clients, des caveaux familiaux, et entretiennent des tombes et caveaux dont leur chef  tient les clés des maisonnettes. Autre prestation de service : l’exhumation des tombes, surtout se trouvant dans des cours familiales dont les propriétaires veulent vendre. Il dit être de ceux qui ont exhumé le corps de Thomas Sankara pour des fins d’autopsie. A travers ces activités, Assami Ouédraogo dit gagner sa vie et prend en charge neuf personnes.

Felix Bazié fait partie du groupe de jeunes qui se livrent à ces activités depuis 2011. « Je n’ai pas fréquenté l’école, du coup, mes possibilités étaient réduites. A mon retour de Côte d’Ivoire, c’est cette activité qui s’est offerte à moi, et je l’ai saisie. Franchement, je m’adonne  à cette tâche pour gagner ma vie en attendant d’autres opportunités », a confié ce jeune. Pour chaque tombe qu’il creuse, la somme qu’il encaisse varie de 15.000 à 25.000 FCFA, ça dépend vraiment des patrons, dit-il.

Rahim OUEDRAOGO (Collaborateur)

 

Encadré 1

Quelques tarifs en vigueur

Les différents tarifs appliqués par Assami Ouédraogo

Creusage de tombe pour cercueil : 175.000 FCFA sans matériel

Creusage de tombe sans cercueil : 125.000 FCFA plus deux dalles

Carrelage de la petite fosse : 115.000 FCFA

Crépissage de la petite fosse : 30.000 FCFA

Caveau familial (six places plus maisonnette) : 9.000.000 FCFA

Entretien et nettoyage : laisser au libre choix du client

Exhumation : minimum 800.000 FCFA

Matériel : 60.000 FCFA

L’enterrement, si la famille le souhaite, se fait gratuitement.

 

Encadré 2

Cri du cœur d’Assami Ouédraogo

Ce jeune ne fait que du business, il se préoccupe de l’aménagement du cimetière, de sa sécurité et sa propreté. Il lance, à cet effet, un appel à l’endroit de ceux qui le peuvent,  de bien vouloir jeter  un regard attentif sur l’état des cimetières, car nous finirons certainement tous ici, a-t-il dit. Nous avions reçu un financement à hauteur de 10 millions de la part d’un particulier pour désherber le cimetière et frayer des chemins pour permettre la circulation. L’auteur de cette œuvre de charité a la tombe de sa mère ici, à Gounghin, c’est à l’occasion de son enterrement qu’il a découvert l’état du cimetière, explique Assami Ouédraogo. « Un dimanche, nous étions à l’intérieur du cimetière, un homme et son chauffeur sont entrés pour visiter le cimetière. L’homme dont il est question souffrait de tension. Après sa visite, il nous a remis un million pour que nous reconstruisions des tombes de personnes en situation de dégradation avancée et qu’il ne connaissait pas. Après travail fait, nous l’avons contacté pour qu’il vienne faire le constat. Il était bien heureux, et nous aussi », raconte Assami Ouédraogo.o

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