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Dénonciation de la convention fiscale avec la France : « ce que gagne le Burkina (Moumouni Lougue, ancien DGI, gérant du Cabinet NOVID international Sarl)

Le Burkina vient de dénoncer sa convention fiscale avec la France. Pouvez-vous nous rappeler le principe des conventions fiscales ?

Pour répondre directement à la question, je dirais que les conventions fiscales sont des accords bilatéraux ou internationaux visant essentiellement trois objectifs qui sont :

  • éviter la double imposition internationale;
  • éviter la fraude et l’évasion fiscales internationales ;
  • permettre et favoriser la coopération entre les Administrations fiscales.

Il est important de préciser certaines notions pour faciliter la compréhension.

1.La convention fiscale est bilatérale quand elle met en présence deux Etats. C’est le cas de la convention fiscale entre le Burkina et la France, la convention fiscale entre le Burkina Faso et la Tunisie. Il existe une convention fiscale entre le Burkina Faso et le Royaume du Maroc qui n’a pas encore été ratifiée ; d’autres conventions fiscales sont en négociation notamment avec l’Arabie Saoudite, le Luxembourg, etc.

La convention fiscale est dite multilatérale lorsqu’elle est conclue dans le cadre des organisations sous-régionale qui regroupent plusieurs Etats. C’est le cas de la convention fiscale conclue sous l’égide de l’UEMOA et coulée sous forme de Règlement. Il faut préciser qu’au sein des organisations internationales les instances prennent des décisions, appelées entre autres « directives et règlements ». Les directives doivent être internalisées (intégrées à l’ordre juridique interne) tandis que les Règlement s’appliquent ipso facto.

Le cœur de la convention, c’est d’éviter la double imposition. Qu’est ce que c’est  ?

La double imposition peut être juridique ou économique. C’est principalement la double imposition juridique qui est l’objet des conventions fiscale. En effet, la double imposition juridique est internationale (elle met en présence au moins deux Etats) tandis que la double imposition économique qui n’est pas forcément internationale (elle peut mettre en présence un seul Etat ou plusieurs Etats).

Il y a double imposition juridique lorsqu’un même contribuable se trouve atteint, au titre d’une même base imposable et d’une même période, par des impôts de nature comparable appliqués par deux ou plusieurs Etats, dans des conditions telles que la charge fiscale s’avère supérieure à celle qui résulterait de l’application d’un seul pouvoir fiscal dans les conditions de droit commun.

La double imposition économique nationale est parfois souhaitée, il s’agit de l’application à une même matière imposable d’impôts successifs atteignant des contribuables distincts (par exemple :le même bénéfice sera soumis à l’Impôt sur les Société à la charge de la personne morale et l’Impôt sur le Revenu Capitaux Mobilier à la charge des associés)

La double imposition économique internationale concerne les redressements sur les prix de transfert ; par exemple une entreprise filiale burkinabè qui paie à sa société mère étrangère le prix d’une prestation de service dont le montant est jugé excessif par le FISC burkinabè. Dans le cas d’espèce, le montant sera imposé au Burkina car la charge jugée excessive sera rejetée alors que le même montant aura été déclaré et imposé comme produit  à l’étranger. Ainsi, la même somme aura-t-elle été imposée par deux pays différents.

L’Afrique a perdu au cours des 50 dernières années 1.000 milliards de dollars (environ 500 milliards de FCFA). Un chiffre équivalent à l’ensemble de l’aide publique au développement reçue par l’Afrique durant la même période. (DR)

Revenons sur la fraude et l’évasions fiscale que la convention est censée limiter.

ces deux vocables sont des notions voisines et ont les mêmes conséquences qui sont « échapper ou minimiser l’impôt ».

La fraude fiscale est une violation de la loi consistant en l’utilisation de manœuvres frauduleuses pour minimiser son impôt ou pour échapper totalement à l’impôt. Elle se caractérise par des fausses déclarations, une manipulation de la comptabilité etc.

L’évasion fiscale est l’utilisation des failles, insuffisances, imprécision de la loi pour minimiser son impôt ou pour échapper totalement à l’impôt. Certains l’assimilent à l’optimisation fiscale.

La coopération administrative prévue dans les conventions consiste en l’assistance administrative dans les domaines suivants : Echange de renseignements, Vérification conjointe, Assistance en matière de recouvrement des impôts, Mesures conservatoires, Contrôle des opérations commerciales etc.

 

Quelles sont les conséquences de cette dénonciation ?

La Convention fiscale entre le Gouvernement [du Burkina Faso] et le Gouvernement de la République française signée à Ouagadougou le 11 août 1965 (ratifiée par décret 67-34 du 10 février 1967, J.O.HV. du 2 mars 1967, p. 138) ; complété par un avenant du 3 juin 1971 (J.O.RHV. du 18 avril 1974, p. 254) prévoit à son article  44 les termes de sa dénonciation qu’il convient de respecter.

Lorsque la convention est régulièrement dénoncée, elle cesse de s’appliquer à compter du 1er janvier de l’année suivant sa date de dénonciation. Les parties Etats reprennent l’intégralité de leurs prérogatives et imposent normalement les différents revenus, opérations et biens sans tenir compte de l’évitement de la double imposition, l’assistance fiscale administrative également prend fin.

La conséquence générale et immédiate est le renchérissement de la charge fiscale sur les entreprises et les personnes physiques des deux Etats.

Ainsi par exemple :

1.les revenus des immeubles situés en France appartenant à des résidents du Burkina Faso qui étaient uniquement imposés en France le seront aussi au Burkina Faso.

2.Les Entreprises dont le siège social est établi en France de même que les personnes physiques dont le domicile fiscal est situé en France qui exécutent des prestations au Burkina Faso, seront désormais soumises à la retenue à la source de 20%. Cette retenue est appliquée aux personnes physique et morale non résidentes au Burkina Faso et non domiciliées dans un Etat qui n’a pas de convention fiscale avec le Burkina Faso.

Les conventions fiscales visent in fine à faciliter le commerce international, les conventions se sont multipliées avec le développement du commerce international, en leur absence il y a double imposition sauf disposition nationale contraire. Or, les doubles impositions constituent des entraves au développement des échanges, qui contribuent à la croissance mondiale. Chaque Etat veut protéger ses entreprises vis-à-vis des autres pays par la multiplication des conventions fiscales. De nombreux pays totalisent plus de cent (100) conventions fiscales bilatérales.  En facilitant l’internationalisation de ses entreprises, l’Etat tire des profits énormes.

Que perd le Burkina Faso ?

Pour moi, le Burkina Faso gagne énormément. Et je préfère répondre plutôt à la question : que gagne le Burkina Faso ?Comme indiqué plus haut, en raison de la convention fiscale, toutes les entreprises individuelles et les sociétés ayant leur domicile fiscal en France échappent à l’impôt sur le revenu. Il ne leur est pas appliqué la retenue de 20% prévue à l’article 210 du Code Général des Impôts pour les prestataires étrangers ; de sorte que le Burkina Faso perd beaucoup de recettes.

Cette situation a donné lieu à de nombreux cas de fraude que j’ai personnellement vécus.La relation de ces situations vous permettra de comprendre. Cependant, il faut expliquer préalablement des concepts.Il savoir que c’est la notion d’établissement stable qui permet la répartition du pouvoir d’imposer les bénéfices des entreprises. L’établissement stable désigne une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.

A l’égard des bénéfices d’une entreprise ayant des activités internationales, la répartition des compétences fiscales entre les Etats liés par une convention fiscale contre la double imposition repose sur le critère de l’établissement stable : l’Etat de résidence de l’entreprise impose tous les bénéfices de celle-ci, sauf lorsque le mode d’exercice de ses activités dans l’autre Etat contractant conduit à y reconnaître la présence d’un établissement stable. En ce cas, l’Etat d’accueil des activités extérieures de l’entreprise est investi du pouvoir d’imposer les bénéfices qui sont rattachables à sa juridiction fiscale à raison de la présence de l’établissement stable.

Dans les conventions fiscales, on distingue entre l’Etat de Source et l’Etat de Résidence. L’Etat de source est celui ou le revenu est généré alors que l’Etat de Résidence est l’Etat où se situe le domicile ou siège social du titulaire du revenu. Les deux Etats peuvent ne pas coïncider.

Par ailleurs il y a deux principaux modèles de convention fiscale celui de l’OCDE qui favorise les Etats du nord et le modèle de l’ONU favorable aux Etats en développement car il utilise une notion large de l’établissement stable.

Cela expliqué, je vais me limiter à trois cas seulement qui ne sont pas les plus emblématiques.

1.La DGI a imposé à la retenue à la source au début des années 2000 la succursale installée en Côte d’Ivoire d’une importante entreprise de presse française ayant effectué des prestations de service au Burkina Faso. Le règlement n°8 qui date de 2008 n’était pas en vigueur. L’entreprise française a invoqué successivement la convention franco-burkinabè et la convention de CEAO pour ne pas payer l’impôt. En réponse, la DGI avait maintenu l’imposition en démontrant que la succursale de l’entreprise française était un établissement stable en Côte d’Ivoire ou elle est inscrite au RCCM et partant elle ne peut  se prévaloir de la convention France Burkina Faso, d’une part et d’autre part que la convention fiscale de non double imposition n’est plus en vigueur suite à la dissolution de la CEAO.

2.Dans une autre affaire, la filiale d’une société française établie en Côte d’Ivoire qui a effectué des prestations au profit de sa succursale au Burkina Faso a repris les factures au nom de la société mère établie en France à l’effet de bénéficier de la protection de la convention France Burkina Faso.  Car le service des impôts ont réclamé la retenue de 20%. La brigade de vérification s’est déportée sur place et a constaté une fraude plus importante. Le Fisc du Burkina Faso a mis en œuvre la disposition relative à l’assistance fiscale. Après plusieurs relances, il a été informé que la société mère avait cessé ses activités en France.

3.Dans une troisième affaire, l’Etat a bénéficié du financement d’un important équipements clé en main par des partenaires techniques et financiers. Le marché, de plus de 20 milliards de francs CFA, a été attribué à une entreprise française qui a crée pour la circonstance une succursale au Burkina Faso. Au cours d’un contrôle, la brigade de vérification de la DGI a constaté que sur le montant total moins d’un milliard a été exécuté et soumis à l’impôt au Burkina. Elle a procédé à un redressement fiscal qui a été contesté par l’entreprise se fondant sur la convention fiscale.

Pour me résumer, c’est la France qui a plus intérêt à l’existence de cette convention fiscale car ce sont les entreprises et citoyens français qui viennent toujours effectuer des prestations de services au Burkina Faso. En dehors du domaine culturel, on verra rarement une entreprise burkinabè ou une personne physique faire des prestations de service en France.

Propos recueillis par FW

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