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Pôle de croissance de Bagré: « La Société est en difficulté et nous travaillons à nous en sortir », Patarbtalé Joseph Nikiema,  DG de Bagré Pôle

  Des terres attribuées depuis dix ans mais non encore exploitées

• Variétés de riz et unités de transformation non encore sous contrôle

  Fermes avicoles et porcines en léthargie

« Force est de constater que la demande est forte et dans le même temps, toutes les terres qui ont été allouées aux entrepreneurs agricoles ne sont pas encore mises en valeur ». (DR)

La mission essentielle de la Maîtrise d’ouvrage de Bagré (MOB), en 2008, était la mise en œuvre du Projet Bagré qui comprend un volet agricole et un volet électrique. Depuis le 1er novembre 2011, la Maitrise d’ouvrage de Bagré a évolué vers le « Projet pôle de croissance de Bagré ».  Même si le statut et les moyens ont évolué, la mission reste  globalement la même : donner de la valeur ajoutée à cette partie du Burkina pour que cela puisse profiter à tout le pays. Avec l’actuel Directeur général de Bagré Pôle, Patarbtalé Joseph Nikiema, L’Economiste du Faso a fait le bilan de ses différents secteurs d’intervention dans l’après-midi du mardi 14 mai 2024. Au milieu des difficultés tous azimuts, l’homme pense mener à bien la mission à lui confiée : « faire en sorte que la société Bagré Pôle soit rentable et viable ».

L’Economiste du Faso : Monsieur le Directeur général, si on vous demandait de présenter Bagré Pôle, comment définirez-vous ce pôle de croissance ?

DG de Bagré Pôle, Patarbtalé Joseph Nikiema : Bagré Pôle, c’est le premier pôle de croissance de notre pays qui a vu le jour en 2012. C’est une société d’économie mixte avec un capital social d’un milliard FCFA, une zone d’utilité publique d’environ 500 000 ha. A ce jour, nous avons des infrastructures structurantes qui sont déjà présentes et qui permettent la production à maitrise totale d’eau. Bagré Pôle, c’est aussi un processus en cours pour arriver à donner à son potentiel toutes ses dimensions : production végétale, production animale, production piscicole. Beaucoup a été fait, certes, mais les effets des investissements depuis le début gagneraient à être mieux valorisés.

Vous êtes à la tête de Bagré Pôle depuis le 21 février 2024, quels sont les défis qui sont les vôtres et que vous comptez relever ?

J’ai été nommé le 21 février 2024 et j’ai pris service une semaine plus tard, soit le 29 février. La mission qui m’a emmené est de faire en sorte que la société Bagré Pôle soit rentable et viable. Pour cela, il y a un certain nombre de réformes qui ont été pensées et  je suis chargé de la mise en œuvre.

La Direction générale de Bagré Pôle était à Ouaga jusqu’à une date récente. A quoi répond cette délocalisation de la capitale vers la Commune de Bagré ? Quels sont les acquis déjà engrangés ?

On va rénover les infrastructures et les équipements du CET, à commencer par la piscine, les chambres, la qualité de la restauration..

Cette délocalisation est antérieure à ma nomination et je n’ai pas reçu d’explications officielles. Mais je pense personnellement que cela est lié aux différents challenges auxquels le pays est confronté depuis l’avènement de la présente Transition pour laquelle la souveraineté est un défi phare. Et comme depuis que Bagré Pôle existe, le siège est à Ouagadougou, et les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, c’est probablement ce rendement qui justifiait le fait que les autorités actuelles instruisent que le siège soit délocalisé ici à Bagré, en espérant, ce faisant, qu’il y aura de meilleurs résultats.

Pour une personne qui dispose de ressources financières et qui veut investir à Bagré, quel est le processus à suivre pour avoir de la terre, des intrants et du personnel pour lancer son business ?

La procédure pour disposer de terrain est la participation à l’ « appel public à location de terre ». Le premier et l’unique qui a été fait date de 2014 et a abouti à l’installation d’une dizaine d’entrepreneurs agricoles sur les terres de Bagré. Force est de constater que la demande est forte et dans le même temps, toutes les terres qui ont été allouées aux entrepreneurs agricoles ne sont pas encore mises en valeur. Cela constitue évidemment un manque à gagner. Dans le cadre des réformes à venir, nous envisageons la possibilité d’alléger les conditions d’attribution des terres, de clarifier les engagements des différentes parties et de procéder à des évaluations périodiques, afin de corriger d’éventuels dysfonctionnements.

Pour l’appui-conseil et les intrants, il suffit d’être établi dans la plaine et de faire la preuve qu’on exploite des terres ici. Si ces conditions sont réunies, il y a des facilités pour accéder aux semences, à l’engrais et aux autres prestations agricoles.

On sait que plus de 10.000ha de terres ont été identifiés dans le Pôle de croissance de Bagré (PCB) comme ayant fait l’objet d’études techniques, et de dédommagement des habitats et des biens des personnes affectées. La campagne humide 2024/2025 se présente comme une opportunité d’exploitation optimum de ces surfaces. A ce jour, où en êtes-vous avec le processus des travaux d’aménagement ?

Une petite rectification avant tout : il y a 10 648 ha qui font partie de la zone d’utilité publique de Bagré Pôle pour lesquels le processus de purges foncières a été engagé mais n’a pas été achevé. Les contraintes de quête de la souveraineté alimentaire ont fait que les autorités ont décidé de mobiliser ces terres dès cette campagne humide et de les mettre à la production. En concertation avec la population, nous avons engagé cela. Les travaux de préparation des sols sont en cours, particulièrement le nettoyage et le labour. A terme, ces terres doivent être exploitées en partie par les populations et en partie pour Bagré Pôle pour le compte de l’Etat.

Quelle est la surface qui reviendra à Bagré Pôle ?

On va bientôt engager les évaluations des superficies de façon fine, parce que ce sont des espaces qui abritent encore des activités humaines (Ndlr : ces évaluations ont débuté le jeudi 16 mai 2024). Nous ne connaissons donc pas encore l’étendue réelle de nos terres, mais les projections de surface nette sont de 5 500 ha à emblaver sur les 10 648ha.

Il existe une convention de partenariat entre Bagré Pôle et la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS) qui vise à produire 100ha de riz pour la campagne sèche et 100 autres hectares de maïs pour la campagne humide. Nous tirons vers la fin de la campagne sèche, le contrat a-t-il été respecté pour ce qui est de la production de riz ?

La production de riz suit son cours sur la plaine.  Les premières récoltes doivent être faites dans la dernière décade de mai, représentant 10 à 15% des superficies emblavées. Le plus gros lot se fera dans le mois de juin. Nous avons une convention de 100 ha avec la SONAGESS. Cette superficie est largement atteinte. On espère seulement faire de bons rendements pour que la production qui en est attendu soit à la hauteur.

Le riz, justement, occupe la grande partie de la production à Bagré. Mais les résultats ne sont pas encore à la hauteur des attentes. Par exemple, les transformateurs engagent la responsabilité de Bagré Pôle sur l’utilisation de plusieurs variétés et l’installation d’unités de transformation tous azimuts. Reconnaissez-vous les faits ? Quelles sont les mesures de Bagré Pôle pour l’encadrement de la production du riz ?

Comme je viens à peine d’arriver, je n’ai pas la pleine mesure de toutes les difficultés qu’on rencontre sur la plaine. Cependant, j’ai entendu de mes propres oreilles les récriminations relatives à la multitude de variétés qui sont utilisées mais pas encore les réserves sur l’installation des unités de transformation tous azimuts. Tout cela gagnerait à être mieux encadré. C’est aussi un des axes de réformes que nous portons. Dans les jours à venir, nous allons concerter les différents acteurs pour mieux organiser l’ensemble des activités de production et de transformation sur la plaine. J’attends particulièrement pour le riz et toutes les spéculations qui seront pratiquées ici, un minimum sur les variétés, un minimum sur les calendriers culturaux et un minimum sur les campagnes qui seront conduites. A ce titre, on aura des sessions de travail de programmation et des sessions de travail de bilan pour permettre à chacun à son niveau d’avoir la meilleure visibilité possible de tout ce qui se fait sur la pleine.

Sur le riz Bagré, la bonne volonté du consommateur se heurte souvent à la présence de résidus et de cailloux dans le riz conditionné dans les sacs des différentes unités de production. Quelles dispositions sont prises pour améliorer la qualité du riz ?

En termes de norme, il en existe déjà au niveau national sur les qualités de riz qui doivent être commercialisés. Il faudrait peut-être, à notre niveau, que nous veillions à ce que les acteurs qui sont dans ce maillon s’y conforment. Du reste, je ne suis pas sûr que ce soit une prérogative qui soit propre à Bagré Pôle seule en tant que société. Il est vrai que jusqu’à présent, Bagré Pôle a voulu faire un peu du tout tant et si bien qu’à certains endroits, ça a dû pécher. Il faudrait vraiment que nous nous recentrions sur nos activités phares, en accord avec notre vocation commerciale. Pour le reste, le pays dispose d’instruments législatifs, règlementaires pour que l’activité économique se passe dans de meilleures conditions.

Quand on parle de Bagré Pôle, on a tendance à voir uniquement la production agricole, alors qu’il y existe une station piscicole, comprenant une écloserie, onze bassins et un point de vente de poissons.  La production annuelle est estimée à 50 tonnes pour une capacité de 120 tonnes jusque-là. Qu’est-ce qui explique ce fonctionnement au rabais ? Des mesures sont-elles prises pour inverser la tendance ? 

Nous sommes en train de réviser notre programme d’activités 2024 pour faire en sorte que le poisson qui sera élevé dans les bassins soit plus disponible plus rapidement. En plus de cela, il y aura prochainement la pisciculture dans le lac du barrage de Bagré par des promoteurs qui seront sélectionnés à cet effet.

En plus du poisson, une ferme porcine a été créée en 2017, avec huit truies et un verrat. Comment se porte ce projet ?

La ferme porcine a actuellement d’énormes difficultés liées à l’approvisionnement en aliment, subséquent aux difficultés financières que nous traversons. Une fois que le programme d’activités 2024 sera validé, on aura plus de moyens pour permettre à la ferme porcine de repartir de plus belle. Nous escomptons que d’ici fin 2024, la ferme porcine se porte mieux qu’elle ne l’est aujourd’hui. C’est du reste valable aussi pour l’aviculture. Nous ambitionnons cette année d’engager une production de masse de poulet local amélioré. Tout cela doit contribuer à renforcer la rentabilité de la société et lui permettre d’avoir des ressources propres conséquentes.

Bagré Pôle, c’est aussi l’expertise agricole à travers l’Institut de formation en développement rural (IFODER). Comment intègre-t-on cet institut et quelles sont les offres en matière de formation ?

L’IFODER est le fer de lance de la société en matière de formation en développement rural. Au départ, comme son nom l’indique, on a voulu un institut, c’est-à-dire, une institution de recherche, une société savante, un établissement d’enseignement supérieur indépendant ou annexé à une Faculté. Mais la réalité aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Les pensionnaires de l’IFODER sont des appelés du Service national pour le développement (SND) avec qui  nous avons une convention. Tous les deux ans, il lève des promotions qui viennent rester pendant deux années. Quand ils finissent leur formation, d’autres pensionnaires arrivent. Nous imaginons la possibilité d’ouvrir l’IFODER à des apprenants venant d’autres horizons, mais cela n’est pas encore formalisé.

Il y a quelques années, Bagré était une attraction grâce au Centre eco-touristique (CET). Mais la fièvre semble avoir baissé. Est-ce réellement le cas ? Quels sont les projets prévus concrètement pour développer ce secteur ?

C’est toute la Société qui est en difficulté depuis peu. Je vous avais cité la ferme porcine, l’aviculture et maintenant, le CET. Toutes ces difficultés sont emblématiques de la mauvaise passe qu’on a au niveau de la Société et nous travaillons à nous en sortir. A en croise ceux qui l’ont vécu, il semble que l’affluence au CET a baissé, parce qu’il a eu des périodes plus fastes. Les explications sont de plusieurs ordres. L’insécurité a beaucoup impacté la zone et a contribué à décourager certaines personnes de venir ici comme elles le faisaient de par le passé. La qualité des prestations au sein du CET, notamment, l’hôtellerie, est telle que c’est la clientèle qui entretient le niveau de confort. Quand la fréquentation baisse, les équipements s’en ressentent, les gens viennent, ils ne sont pas satisfaits et ils ne reviennent plus.  Finalement, quand vous êtes au creux de la vague, il est difficile de s’en sortir. Voilà le cycle infernal dans lequel le CET était rentré. Par bonheur, on est en train d’en sortir. On va rénover les infrastructures et les équipements, à commencer par la piscine, les chambres, la qualité de la restauration…, en espérant que des nouveaux clients viendront nous rendre visite et que des anciens clients reviendront.

Avec les incursions terroristes dans la région du Centre-Est, la zone de Bagré est-elle épargnée ?

L’ensemble du personnel de Bagré Pôle est à Bagré. Nous vivons et travaillons ici. Le Pôle de croissance reste un havre de paix. Dans la limite des terres disponibles, j’invite tous ceux qui sont intéressés à venir s’installer et nous accompagner à atteindre la souveraineté alimentaire. o

Moumouni SIMPORE

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