
• Selon les conclusions de la Cour des comptes
• Point sur les mesures fiscales incitatives
• Une mesure politique à « double tranchant »
A la date d’aujourd’hui, le Burkina Faso compte près d’une vingtaine de sociétés minières industrielles. Mais quelle est exactement leur part contributive aux recettes fiscales, surtout l’impôt sur les sociétés (IS), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les droits de douanes (DD) ? A travers « l’audit de performance du cadre juridique et institutionnel de la mobilisation des droits et taxes issus de l›activité extractive de l›or et des autres substances précieuses de 2017 à 2022 », rendu public le 3 avril 2025, à Ouagadougou, la Cour des comptes s’est intéressée essentiellement à la perception de l’IS, la TVA et les droits de douanes collectés par la Direction générale des Impôts (DGI) et la Direction générale des Douanes (DGD). Il ressort du rapport que de 2018 à 2022, le Trésor public a perçu, au titre de la TVA, un montant total de 114.728.722.251 FCFA. Au titre de l’IS, les régies financières ont encaissé la somme totale de 399.752.936.750 FCFA de 2018 à 2022 et ont perçu la somme de 283.520.096.128 FCFA au titre des DD de 2018 à 2022.

Le total général de tous les impôts, taxes et droits de 2018 à 2022 donne un montant de 798.001.755.129 FCFA pour le Trésor public (voir tableau 1 et 2). La Cour note une progression constante des revenus miniers recouvrés sur la période. Tous les impôts, taxes et droits ont connu une croissance d’année en année, sauf en 2019 où l’IS a connu une baisse de 7,20%. Ces statistiques dénotent l’importance du secteur minier dans la mobilisation des ressources endogènes indispensables au développement.
Pour une meilleure perception de l’IS, des DD et de la TVA, afin de permettre au gouvernement d’améliorer les conditions de vie des Burkinabè, la Cour fait deux recommandations fortes aux ministres chargés des finances et des mines. Il s’agit, d’une part, de dématérialiser le processus de perception et de suivi des droits et taxes pour un meilleur suivi des obligations de paiement, et d’autre part, de rehausser la qualité de la participation de l’Etat aux Conseils d’administration des sociétés minières.
Des exonérations généreuses accordées aux sociétés minières ?
L’Etat burkinabè accorde-t-il trop de mesures fiscales incitatives encore appelées exonérations aux sociétés minières qui exploitent l’or ? La Cour des comptes (CC) est sans ambages sur cette question, en répondant par l’affirmative en la jugeant découvrable pour les caisses de l’Etat. Cette conviction découle du rapport intitulé : « L’audit de performance du cadre juridique et institutionnel de la mobilisation des droits et taxes issus de l’activité extractive de l’or et des autres substances précieuses de 2017 à 2022».
Elle dit en vouloir pour preuve que le régime des exonérations fait largement la part belle aux compagnies minières en leur accordant des avantages importants à toutes les étapes de la vie de la mine, de la recherche à la fermeture, en passant par la construction et l’exploitation (tableau 3). Et la Cour d’expliquer qu’outre le fait que leur efficacité n’est pas prouvée, ces incitations occasionnent un énorme manque à gagner pour l’Etat.
Sur ce manque à gagner, la CC a eu recours au Secrétariat permanent du comité de politique fiscale (SP-CPF) qui a fait une évaluation des dépenses fiscales sur la période 2017-2022. Cette institution révèle que les exonérations fiscales ont plus que doublé en 5 ans, passant de 40 milliards à 98 milliards FCFA. La Cour a aussi constaté que malgré que le Code minier et le Code des douanes octroient des avantages douaniers aux sociétés minières, notamment, le bénéfice de taux réduits de droits de douanes à l’importation de certains équipements, certaines sociétés abusent du bénéfice de ces exonérations.
De surcroît, la possibilité de revente de ce matériel à des entités liées favorise la perte de recettes. En outre, la Cour constate que le matériel exonéré en phase de recherches ne fait pas suffisamment l’objet de suivi ou de contrôle, de sorte que des présomptions raisonnables sur l’utilisation de ce matériel à d’autres fins (location de matériel technique spécifique, mise à disposition d’ingénieurs, placement de fonds, …) existent, générant des revenus qui échappent à la taxation, car ils sont exonérés.
L’abus des exonérations résulte de la maladresse dans la rédaction de certaines clauses sous des formulations générales qui se prêtent à une large interprétation. En effet, des motifs de l’article 138.2 du Code des douanes tels que « Demandes d’introduction présentant un caractère individuel et exceptionnel non susceptibles d’être généralisées » ou « Demandes d’introduction de matériels d’entreprises pour des travaux présentant un caractère incontestable d’utilité publique » peuvent donner lieu à interprétation. Le rapport note aussi le manque de vigilance et de suivi des structures de recouvrements, et l’absence d’outil d’analyse des mesures incitatives. La Cour des comptes conclut que toutes ces failles du Code minier ont pour conséquences la perte de recettes.
Synthèse de Ambéternifa Crépin SOMDA
Encadré
Mesures fiscales incitatives ?
Dans le souci de continuer à attirer des potentiels investisseurs dans le secteur minier, l’Etat burkinabè accorde des mesures fiscales incitatives encore désignées exonérations. En d’autres mots, les mesures fiscales sont destinées à réduire le coût de l’investissement en diminuant l’impôt que l’investisseur doit payer. Cette politique à “double tranchant” a été jugée défavorable pour les caisses de l’Etat burkinabè par la Cour des comptes.
Encadré
Pour des exonérations justes, la Cour recommande aux ministres chargés des finances et des mines de :
– rationaliser la dépense fiscale sur la base d’études ex ante et ex post (l’évaluation des coûts budgétaires des dépenses fiscales et l’évaluation des impacts socioéconomiques);
– élaborer un outil d’analyse comparée des mesures incitatives régionales et sectorielles ;
– relire les dispositions législatives et règlementaires pouvant donner lieu à interprétation ;
– développer et formaliser des méthodes alternatives de traçage du matériel exonéré et du suivi de sa destination finale.