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Enfants en conflit avec la loi: parcours brisés, espoirs à reconstruire

• Entre larcins, viol, drogue et banditisme

• Ces enfants se retrouvent dans les maisons de correction

• Certains ont du mal à se relever, d’autres se reconstruisent

Parmi les infractions contre les particuliers, les viols, les coups et blessures volontaires et les vols aggravés sont les infractions les plus récurrentes. (Ph: Yvan SAMA)

«Il y a des mois où je ne me retrouve pas, je ne peux pas oublier… les mois de mars-avril sont toujours difficiles à vivre … quand je partais rendre visite à mon enfant, c’était des pleurs seulement… »
« Tu ne vas pas recommencer à pleurer devant moi et tu veux que j’assiste à ce spectacle. Je suis parti ».
En voyant sa mère essuyer une larme, O.I. claque la porte et quitte la scène de l’entretien en cette matinée d’une journée ensoleillée d’avril 2025. Au milieu de cette zone non lotie de l’Arrondissement 7, la mélancolie habite toujours le couple Ouédraogo, près de cinq ans après les faits. Les regrets sont d’autant plus grands pour ses parents que l’avenir du jeune adolescent semblait très prometteur. Très bon footballeur, il avait réussi à faire ses preuves dans un centre de formation qu’il a intégré grâce aux économies de son père et devait partir en Europe pour la suite de sa carrière. Hélas ! O.I., alors en classe de 4e, avec son binôme, multiplie des actes déviants : vol, fugue. Cela finit par les conduire à la Maison d’arrêt. Tous les projets autour de lui prennent donc un coup : prison, déscolarisation, exclusion du centre de formation…. Le ciel s’est assombri. Aujourd’hui, il rallie le grand marché, distant de son domicile d’une vingtaine de kilomètres, parfois à pied, pour aider un homme à tenir son commerce. Si O.I. bénéficie du cocon familial pour se reconstruire, tous les enfants ayant connu la Maison d’arrêt n’ont pas cette chance. C’est le cas de K.A.

Une histoire d’amour qui conduit en prison

« La mécanique est un métier salissant, certes, mais elle salit moins que le banditisme ».

« Je sens un traumatisme qui ne peut jamais finir. Je ne sais pas si c’est normal ou c’est moi-même qui développe ça ». K.A. fête son vingtième anniversaire en 2025. A cet âge où les organes du corps humain sont en plein développement, la mémoire de la jeune fille lui joue pourtant des tours. Baignant entre le chagrin et l’affliction, elle perd le fil de ses idées quand elle se lance dans une conversation. Comme les vagues de la mer, seules ses larmes, telles une marée haute, viennent emporter momentanément avec elle les séquelles d’un passage douloureux de sa vie et lui redonner la parole. Alors âgée de 14 ans, une histoire d’amour juvénile avec un garçon de son âge provoque la rupture entre la jeune fille et son père. Ce dernier, l’accusant d’avoir soutiré ses sous pour son ami, décide de la châtier. Après avoir passé quatre à six mois dans les mains des Kolgweogo (groupes d’auto-défense) où elle est battue et affamée, elle croyait voir le bout du tunnel quand ceux-ci ont décidé de clore son dossier en se déclarant incompétents pour le traiter.

A ce jour, l’Association LYDIE que coordonne YempabouNamoano a pu accompagner soixante-quinze enfants libérés de la prison. (Ph: Yvan SAMA)

Son père opte alors pour les institutions républicaines. Son passage devant le juge se passe mal. Elle écope de trois ans à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Après avoir purgé sa peine, elle a dû s’éloigner de la cour familiale, son père l’ayant déclarée « persona non grata ». « S’il me voit, il peut me tuer, car il a un gros cœur », avoue-t-elle. Elle trouve refuge chez sa grand-mère maternelle. Celle-ci devient alors sa confidente, sa psychologue. La reconstruction de sa vie est tout sauf aisée. Sa réputation la rattrape à chaque fois, malgré le changement de quartier. Elle obtient 8 postes comme aide vendeuse dans des boutiques, surfaces ou magasins, mais difficile de rester plus de deux semaines en place. Les colporteurs parviennent toujours à toucher ses employeurs avec la même rengaine : « Si tu ne fais pas attention, elle va vider ta boutique  ». Dans le quartier, difficile de se joindre aux enfants de son âge. Les parents font le tri. « Certains me ferment la porte au nez. On dirait que je mange les enfants ou que je vais les contaminer par ce que j’ai fait », lâche-t-elle, en sanglot. Elle vit alors recluse, dans les jupons de sa grand-mère.

De la correction à la Maison d’arrêt

Les produits issus des ateliers sont exposés et vendus aux visiteurs de la MACO.

La Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) accueille des enfants « qui ont atteint l’âge minimum de responsabilité pénale mais qui n’ont pas encore l’âge de la majorité pénale et ont donc moins de 18 ans » pour purger leur peine. Il s’agit des « enfants en conflit avec la loi ». Leur nombre varie fréquemment dans cet établissement pénitentiaire en fonction des peines et de la commission de nouveaux délits. En mars 2025, on y comptait une cinquantaine. Les enfants qui s’y retrouvent bénéficient d’un traitement particulier. Ils ont le choix, par exemple, dans la limite des places disponibles, de rejoindre un atelier pour apprendre un métier ou se perfectionner en mécanique, couture, savonnerie, tissage, menuiserie, ou en soudure…
L’atelier de couture, ouvert en 2016, accueillait quatorze (14) personnes, triées sur la base du volontariat comme l’explique l’Assistant de sécurité pénitentiaire, Lassané Compaoré, moniteur de l’atelier : « Nous rentrons dans les cellules les sensibiliser sur le bien-fondé d’apprendre un métier. Ceux qui sont sensibles se proposent et en fonction des capacités d’accueil, on les affecte ». Avec une quinzaine de machines, les deux responsables ont pour mission de « former les mineurs en coupe-couture ». Dans le quotidien, les nouveaux venus sont chargés de la propreté des lieux et des B.A.BA du métier, les plus expérimentés les encadrent et font l’assemblage. Le mercredi 5 mars 2025, c’était le cas. « Pour le moment, je ne sais pas encore découper un habit mais si on découpe me donner je peux faire l’assemblage et coudre. J’ai demandé à travailler, car cela peut me permettre d’avoir une bonne occupation une fois dehors », confie W.T., un garçon de 17 ans, qui a intégré l’atelier il y a 2 mois à peine. « Je voulais la couture mais il n’y avait plus de places, donc je suis parti en tissage où j’ai appris à concevoir des pagnes et des sacs en perles…l’essentiel, c’est apprendre et savoir-faire quelque chose qui peut m’aider demain », explique J.E.S. sur ses motivations à l’atelier de tissage. Là, sous la conduite de l’Assistante principale de sécurité pénitentiaire, Aminata Compaoré/Guigma, les 8 enfants apprennent à tisser des pagnes Faso Danfani, des sacs à l’aide de cordes et de perles, des porte-clés… « Il y a un partenaire qui nous appuie pour l’encadrement avec les métiers à tisser mais cela ne permet pas encore de prendre beaucoup d’enfants et on épuise rapidement notre stock de fil par trimestre. Pour les sacs, leur vente permet de payer des cordes et de continuer le travail », dit-elle. Cette section, ouverte en 2018 avec le tissage en perle, s’est agrandie en 2022 avec 10 métiers à tisser pour la confection des pagnes mais 5seulement sont fonctionnels.

« Il y a un partenaire qui nous appuie pour l’encadrement avec les métiers à tisser mais cela ne permet pas encore de prendre beaucoup d’enfants ». (Ph: Yvan SAMA)

A l’atelier de mécanique auto-moto, il existe le minimum pour assurer la formation en mécanique moto, mais les pièces de rechange font souvent défaut et les apprenants n’ont pas encore du matériel de vulcanisation ou de collage des capots dans leurs trousseaux. Même si le garage a les compétences pour prendre en charge tout type de véhicule, son emplacement ne milite pas en sa faveur. Les apprenants se retrouvent alors confinés à s’exercer avec le matériel roulant pédagogie ou par moment celui du personnel de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Ce n’est pas pour autant qu’ils prennent à la légère leur passage en ces lieux. « La mécanique est un métier salissant, certes, mais elle salit moins que le banditisme. Je souhaite donc laisser le banditisme pour ce métier.
Pour le moment, je sais changer le filtre à huile, les roues et les disques des plaquettes. C’est par étape et j’espère apprendre davantage avec le temps que je vais passer ici », se réjouit F.I., jeune garçon de 17 ans. Et du temps, il en aura, car il avait encore près de 30 mois de peine à purger. Onze (11) personnes y sont, triées au regard de leur conduite et la durée de leur peine pour les majeurs et l’expression de leurs besoins pour les mineurs.

L’apport des organisations de la société civile

I. C. tente désormais de se faire un nom dans la coupe-couture pour homme.

Aux côtés du ministère en charge de la justice, plusieurs organisations de la société civile participent à l’effort de récupération et de réinsertion des enfants en conflit avec la loi. Au niveau de la MACO, plusieurs équipements sont le fruit de cette collaboration. Le quartier des mineurs a été rénové en 2021 par l’ONG Terre des Hommes Lausanne qui a permis la réhabilitation de points d’eau et d’électricité, de même que la rénovation des dortoirs et des toilettes du quartier des mineurs. Terre des Hommes Lausanne a également fait un don de tables-bancs au quartier des mineurs, pour favoriser l’alphabétisation et l’apprentissage scolaire, ainsi que des bureaux et des chaises pour favoriser la tenue des Commissions d’application des peines pour mineures.
L’association SOS Pénitencier a procédé au lancement des activités de formation professionnelle en mécanique automobile, en électricité automobile et en électronique des détenus de la MACO à la même période. C’était le début d’un projet de formation diversifiée au profit des mineurs et une contribution à la réinsertion socioéconomique des détenus par l’apprentissage à un métier.
L’association Prisonniers sans frontières (PRSF), en collaboration avec ses partenaires, a offert un atelier de couture pour les détenus mineurs et jeunes adultes en décembre 2022. Il s’agit de 18 machines (manuelles et électriques) de couture, deux tables de coupure, des fers à repasser et d’autres accessoires. Cette activité rentrait dans le cadre du projet Promotion des droits humains et d’amélioration des conditions carcérales (PRODHACC). En plus de l’atelier de couture du jour, leur consortium a implanté d’autres ateliers de production dans les Maisons d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso, Fada N’Gourma et Ouagadougou. Le soutien des partenaires concerne le jardinage, l’aviculture et l’élevage des petits ruminants. L’Association LYDIE est une structure qui contribue au bien-être des couches sociales défavorisées à travers des initiatives de développement au Burkina Faso.
Concernant la protection de l’enfance, elle œuvre beaucoup plus à la réinsertion sociale des mineurs en conflit avec la loi. Tous les mineurs toujours en détention bénéficient des activités de soutien psychosocial, de sensibilisation, de formation, de loisirs que l’Association LYDIE mène. Pour l’accompagnement post-carcéral (après libération), il existe des critères dans le choix des mineurs : être libéré de la prison ou en liberté provisoire ; avoir un âge compris entre 15 à 18 ans ; résider dans la Commune de Ouagadougou ; être issu de famille vulnérable ; accepter d’être formé dans les métiers de courte durée (lavage moto, petit élevage, couture, coiffure, petit commerce…).
Entre 2020 et 2025, 75 enfants de Ouagadougou ont pu bénéficier, entre autres, de prise en charge psychosociale ; formation professionnelle ; octroi de kits d’installation … « Plus de cinquante enfants et jeunes sont permanemment en famille. Ils entretiennent de bonnes relations avec les parents et mènent régulièrement leurs activités. Certains ont fondé leur famille. 05 sont retournées en prison. Plus d’une dizaine sont perdus de vue. L’Association n’a plus de leur nouvelle et même leurs parents », rassure Yempabou Namoano, coordonnateur sur l’impact de leurs actions en faveur des enfants.
Moumouni SIMPORE

Encadré

De l’enfant en conflit avec la loi

L’Observation générale no 24 (2019) sur les droits de l›enfant dans le système de justice pour enfants des Nation unies définit un « enfant en conflit avec la loi » comme une personne qui a atteint l’âge minimum de responsabilité pénale mais qui n’a pas encore l’âge de la majorité pénale et a donc moins de 18 ans, et qui est soupçonné·e ou accusé·e d’avoir commis un délit en vertu des lois pénales nationales (CRC/C/GC/24).
Au Burkina Faso, l’article 9 de la loi N° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger précise que : « L’âge de la responsabilité pénale est fixé à treize ans. L’âge de la majorité pénale est fixé à dix-huit ans révolus. Cet âge s’apprécie au jour de la commission des faits. ». La même loi précise que par enfant on entend tout être humain âgé de moins de dix-huit ans. L’âge de l’enfant est déterminé par la production des actes de naissance, jugements déclaratifs ou tous autres documents corroborés par une expertise médicale.
Dans le « Guide de bonnes pratiques pour la protection des mineurs en conflit avec la loi au Togo », l’enfant en conflit avec la loi est l’enfant présumé ou déclaré coupable d’une infraction contre une personne ou contre un bien ou encore contre l’ordre public. On parle aussi de délinquance juvénile. Selon la gravité des faits, on parle de crime, de délit ou de contravention.
La loi N° 015-2014/AN distingue l’enfant en conflit avec la loi de l’enfant en danger en ces termes : « L’enfant est considéré comme étant en danger lorsque sa condition de vie ne lui permet pas un bon développement physique ou psychologique. Les cas de danger sont, entre autres, les violences, les abus physiques ou les risques sérieux d’abus physiques, les abus sexuels ou risques sérieux d’abus sexuels, les mauvais traitements psychologiques, l’inceste, l’abandon, le délaissement, la privation du milieu familial, l’exposition à la traite ou à l’exploitation dans le travail, les carences éducatives des parents, la fugue, l’absentéisme scolaire, le risque de suicide, la toxicomanie, la prostitution, la mendicité, le vagabondage ».

 

Encadré 2

Dans les juridictions…

Les chiffres concernant les enfants en conflit avec la loi, s’ils sont actualisés systématiquement, ne sont pas rendus publics au même rythme. Il faut se référer au « Livret sur les mineurs en conflit avec la loi ou en danger-2021 » du ministère de la Justice et des Droits humains, chargé des relations avec les institutions pour avoir une situation exacte dans les juridictions, les Maisons d’arrêt et de correction et les centres de réinsertion sociale ou de formation professionnelle. On en retient donc qu’au cours de l’année 2021, les Maisons d’arrêt et de correction ont accueilli 485 mineurs, dont 23 filles, contre 328 (dont 4 filles) en 2020.

Répartition par tranche d’âge (2021)
Parmi les 485 mineurs incarcérés :
• 15 à 17 ans : ~75%, soit environ 364 mineurs
• 13 à 15 ans : 24,5%, soit environ 119 mineurs
Moins de 13 ans : 0,4%, soit environ 2 mineurs
Au cours de cette même année, l’ensemble des parquets des Tribunaux de Grande instance ont reçu 597 mineurs impliqués dans les affaires pénales. Les Chambres des mineurs de ces tribunaux ont rendu 580 décisions concernant les mineurs en conflit avec la loi et 117 décisions concernant les mineurs en danger. Les cabinets d’instruction, quant à eux, ont reçu 49 affaires en 2021. Le nombre total d’affaires clôturées au 31 décembre se chiffre à 34. Pour une capacité d’accueil totale de 1 018 places, l’effectif des mineurs dans les centres se chiffrait à 911 au 31 décembre 2021, soit un taux d’occupation de 89,5%.

Situation au 31 décembre 2021
• Mineurs présents dans les MAC : 125
• Mineurs dans les centres (capacité : 1 018) : 911
• Taux d’occupation : 89,5%
De 2017 à 2021, sur 10 mineurs impliqués dans les affaires de crimes et délits contre les biens, 9 le sont pour des cas de vols ou d’extorsions. On note également quelques mineurs impliqués dans d’autres infractions telles que les destructions et dégradations de biens, le grand banditisme, les recels et les abus de confiance. Parmi les infractions contre les particuliers, les viols, les coups et blessures volontaires et les vols aggravés sont les infractions les plus récurrentes.
Crimes/délits contre les personnes (472 mineurs concernés) :
• Viols : 26,5%
• Coups et blessures volontaires : 25,8%
• Vols aggravés : 25,2%
• Coups mortels : 6,8%
• Homicides/blessures involontaires : 5,1%
• Homicides volontaires ou empoisonnements : 3,6%

Sur la période 2017-2021, au total 472 mineurs sont impliqués dans les affaires de crimes et délits contre les particuliers. On y enregistre 26,5% de mineurs déférés pour les cas de viols, 25,8% pour les cas de coups et blessures volontaires et 25,2% pour les cas de vols aggravés. Les coups mortels sont la quatrième cause de déferrement des mineurs et représentent 6,8% des crimes contre les particuliers. D’autres infractions sont enregistrées mais dans une moindre proportion : 5,1% des mineurs sont impliqués dans des infractions d’homicides/blessures involontaires et 3,6 % dans des infractions d’homicides/blessures volontaires ou d’empoisonnement. Tous ces chiffres datent de 2021 et la situation doit avoir bien évolué en 2025. Bien que les données actualisées soient disponibles au niveau du ministère en charge de la justice, la production des livrets et leur publication sont souvent soutenues par des partenaires financiers et cela ne se fait pas systématiquement.

 

Filet

Le long chemin vers la reconstruction

Après le séjour carcéral, la Maison d’arrêt continue l’encadrement de ses désormais ex-pensionnaires. Cela passe surtout par le plaidoyer auprès des maîtres artisans et des ateliers pour les intégrer dans le circuit de perfectionnement, d’une part, et d’autre part, auprès des parents et des potentiels partenaires pour leur accompagnement moral et financier. Malheureusement, la MACO propose et la vie à l’extérieur dispose. « Les réalités de la ville ne facilite pas toujours les choses. La plupart des enfants ont juste reçu une initiation ici et ont besoin de se perfectionner dans des ateliers dehors. Si l’enfant loge à Tanghin et l’atelier se trouve à Pissy (NDLR : deux quartiers de Ouagadougou distants l’un de l’autre d’une dizaine de km), le déplacement va devenir un frein pour la suite de sa formation. A la MACO au moins, ils sont sur place et cela facilite vraiment les choses », reconnait Vincent Ilboudo, chef service Action sociale, chargé du suivi post-carcéral. N’empêche ! Au milieu de toutes ces vicissitudes, il y a des cas heureux.
« Certains de nos anciens pensionnaires reviennent nous rendre visite et ils ont réussi à intégrer des ateliers », confie l’Assistant de sécurité pénitentiaire, Nicolas Ouédraogo, un des responsables de la formation en mécanique. « Certains sont dans des ateliers et d’autres ont pu créer leurs propres ateliers avec l’appui de leurs parents », renchérit Lassané Compaoré, le moniteur de l’atelier de couture. I. C. fait partie de ces exemples. Après trois ans à la MACO, entre 2017 et 2020, il est aujourd’hui installé à son propre compte. Durant son séjour, il a bénéficié de cours de couture et à sa sortie, il a pu mettre en pratique les connaissances acquises. Dans une maison de 12 m², dans le quartier Karpaala, dans l’Arrondissement N°11 de Ouagadougou, il tente désormais de se faire un nom dans la coupe-couture pour homme.
Le travail des OSC porte également fruit. La mère de O.I., cet ancien mineur en conflit avec la loi, qui n’a pas voulu voir une fois de plus sa génitrice en larmes, se dit reconnaissante pour avoir sauvé sa progéniture. « Les séances de causerie, les conseils qui en sortaient et la dotation en matériel et en fonds de roulement ont permis de récupérer des enfants. L’association a fait beaucoup pour mon enfant et je ne sais pas ce que je pourrai lui donner pour qu’elle soit contente», affirme-t-elle.
K.A. a pu aussi trouver une boutique de prêt à porter pour homme depuis près d’une année. Avec la compréhension de son patron et grâce à un fonds de roulement de 60.000 FCFA, elle a acquis des habits pour femmes qu’elle expose dans la même boutique, à son propre compte. Si cette stabilité lui permet de prendre le chemin de la reconstruction, la route semble toujours longue. Au fond d’elle, et malgré le décès de sa grand-mère depuis quelques mois, elle tire espoir dans la possibilité de se réconcilier avec son géniteur « J’ai la ferme conviction que je vais m’en sortir et j’espère que j’aurais la somme nécessaire pour laquelle mon père m’en veut pour lui remettre, afin qu’on puisse faire la paix de son vivant et qu’il ressente la joie qu’il eut le jour où je suis venue au monde », se dit-elle.

 

Encadré 3

Vincent Konombo, Inspecteur de sécurité pénitentiaire principal, Directeur de la MACO
«La place de ces enfants se trouve dans le centre de réinsertion»

L’Economiste du Faso : En termes de statistiques, combien d’enfants ont déjà été accueillis par vos services habilités depuis sa création et combien d’enfants y sont actuellement ?
Vincent Konombo, Inspecteur de sécurité pénitentiaire principal, Directeur de la MACO : Aujourd’hui (Ndlr : 05 mars 2025), nous avons 54 mineurs, tous de sexe masculin. Mais il peut arriver parfois aussi que la MACO enregistre dans ses effectifs des détenues mineures. Les chiffres en la matière varient rapidement en fonction des nouvelles arrivées et des sorties. Les effectifs évoluent donc tous les jours.

Quelle est la nature des infractions qui ont conduit les enfants ici ? Quelles peuvent en être les causes ?
Les infractions sont liées aux biens, notamment, le vol. Les causes sont variées mais la principale pourrait être la pauvreté. Les familles désunies, monoparentales, décomposées ou encore recomposées ; le chômage, l’absence de perspectives personnelles, le défaut d’accompagnement de la part des parents, la négligence sont aussi des causes directes.
Actuellement, il y a un phénomène nouveau, lié au contexte sécuritaire qu’on appelle EROST : Enfants rencontrés lors de la sécurisation du territoire.Il existe depuis septembre 2022, un Protocole d’accord entre le système des Nations unies au Burkina Faso et le gouvernement du Burkina Faso sur le transfert et la prise en charge de ces enfants. Ce Protocole d’accord offre une protection particulière aux enfants rencontrés lors des opérations de sécurisation du territoire. Ils doivent être traités conformément au droit international dans le cadre de justice réparatrice et de réinsertion sociale. Il prévoit le transfert ou la remise de ces enfants par les Forces de défense et de sécurité (FDS) aux services sociaux en charge de la protection de l’enfant dans un délai bien défini. Des enfants peuvent se retrouver donc dans nos locaux dans ce cadre.

Dans l’optique de la réinsertion sociale, ces enfants sont initiés à plusieurs métiers au sein de la MACO. Cela permet-il d’éviter les récidives une fois que les bénéficiaires finissent de purger leurs peines ? A quel taux ?
Pas à 100%. Et cela est en partie dû au cycle de détention des enfants dont le séjour ne permet pas souvent de finir la formation dans un domaine. Généralement, ce sont des enfants qui ne restent pas assez longtemps ici, parce que l’objectif, in fine, c’est de pouvoir les placer dans les centres d’éducation. La prison, c’est vraiment l’exception. Je pense qu’au bout de l’année 2024, on a fait placer au moins plus d’une demi-douzaine d’enfants dans ces centres-là. Cette instabilité peut être un facteur menant aux récidives.

Les infrastructures et le matériel à votre disposition permettent-ils d’atteindre vos objectifs ?
Non. La place qui convient aux enfants se trouve dans les centres de rééducation ou encore dans les centres de réinsertion. Ici, c’est vraiment un melting pot où les moyens ne suivent pas. Les enfants se retrouvent dans le même milieu de vie que les majeurs, et l’Administration a tendance à vouloir appliquer les mêmes mesures de sécurité aux majeurs et aux mineurs. Cela rend donc leur encadrement plus difficile.
Entretien réalisé par MS

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