
• 5 sociétés concernées
• La SOPAMIB, fer de lance de la souveraineté minière
• Afin de maximiser les retombées économiques pour les populations
Guidé par la volonté du chef de l’Etat de reconquérir sa souveraineté sur les ressources naturelles, le gouvernement du Burkina Faso vient de franchir une nouvelle étape. En Conseil des ministres du 11 juin 2025, un décret a été adopté pour officialiser le transfert des anciens actifs miniers de cinq sociétés à la Société de participation minière du Burkina (SOPAMIB). Les sociétés concernées sont : Wahgnion Gold SA, SEMAFO Boungou SA, Ressources Ferké SARL, Gryphon Minerals Burkina Faso SARL et Lilium Mining Services Burkina Faso SARL.
Ce transfert intervient après une opération de cession directe d’actions et de parts sociales, intervenue le 24 août 2024, entre l’État burkinabè et deux groupes miniers internationaux : Endeavour Mining, l’un des plus gros producteurs d’or d’Afrique de l’Ouest, et Lilium Mining, une société plus récente dans le paysage régional. À travers cette opération, l’État est devenu pleinement propriétaire des participations de ces groupes dans les sociétés minières citées.
Un recentrage stratégique sur les ressources nationales
Les autorités burkinabè affichent leur volonté de reprendre le contrôle sur l’exploitation de leurs ressources naturelles, longtemps dominée par des multinationales. Cette orientation s’est accélérée sous la Transition, avec l’adoption du nouveau Code minier en juillet 2024 (loi n°016-2024/ALT), qui consacre l’État comme acteur central dans la gouvernance minière.
L’objectif est multiple : maximiser les retombées économiques pour les populations, mieux contrôler la gestion environnementale des sites miniers, mais aussi renforcer la transparence et la redistribution des revenus issus de l’or, ressource stratégique pour l’économie burkinabè.
Le cas de Gryphon Minerals Burkina Faso SARL, ex-filiale d’un groupe australien racheté par Teranga Gold en 2016 puis absorbé par Endeavour, est plus ancien, mais figure tout de même dans le décret. Cela témoigne de la volonté d’englober dans cette politique tous les actifs historiques non pleinement valorisés, y compris ceux ayant changé de propriétaire ou été mis en sommeil.
SOPAMIB, fer de lance de la souveraineté minière
La Société de participation minière du Burkina (SOPAMIB), créée en 2023, est l’instrument institutionnel par lequel l’État entend désormais peser davantage dans le secteur minier industriel. Sa mission principale : détenir et gérer les participations de l’État dans les sociétés minières d’exploitation ou de recherche, tout en s’assurant de leur performance économique.
La SOPAMIB est également chargée de valoriser les projets miniers, en favorisant des partenariats techniques ou financiers, et de percevoir les dividendes revenant à l’État actionnaire.
Sous la direction de Lamissa Barro, Directeur général depuis septembre 2024, et avec Doulaye Sanou, Secrétaire général du ministère des Mines comme président de son Conseil d’administration, la SOPAMIB se positionne comme un véritable bras économique et stratégique de l’État dans le secteur extractif. Elle devra, notamment, établir une gouvernance robuste et assurer une gestion transparente des nouveaux actifs placés sous son contrôle.
Un enjeu économique et politique
Le transfert des actifs miniers à la SOPAMIB représente donc bien plus qu’un simple changement d’actionnariat. Il incarne une stratégie de réappropriation nationale et de redéfinition des rapports de force dans un secteur crucial pour les finances publiques.
En 2023, les recettes minières représentaient près de 15 % des recettes budgétaires du pays, et l’or pesait pour plus de 75 % des exportations.
Reste désormais à la SOPAMIB de démontrer sa capacité à gérer efficacement ces actifs, à assurer leur relance ou leur valorisation dans un contexte sécuritaire complexe, et à faire de ces actifs un véritable levier de développement local.
ESS
Encadré
SOPAMIB vs SONASP, des rôles distincts
Cette montée en puissance de la SOPAMIB ne doit pas être confondue avec le rôle de la SONASP (Société nationale des substances précieuses), créée en 2023 également, et dont les missions sont bien distinctes.
Alors que la SOPAMIB agit dans le secteur minier industriel et de carrières, la SONASP intervient dans le circuit artisanal et semi-mécanisé. Sa mission est triple : acheter l’or issu de l’artisanat, le traiter et le commercialiser, afin de lutter contre la fraude et de mieux canaliser les flux d’or vers le secteur formel. Elle joue également un rôle crucial dans la traçabilité et la sécurisation des transactions aurifères artisanales, particulièrement vulnérables aux réseaux informels.
Dirigée par le Commandant Sougrinoma Basile Zongo, la SONASP opère souvent sur le terrain, en lien avec les comités locaux de commercialisation de l’or.
Filet
La solution finale à un différend
En juin 2023, Endeavour Mining a vendu ses participations (90 %) dans les mines de Boungou et Wahgnion à Lilium Mining, filiale du groupe du Burkinabè Simon Tiemtoré, pour un montant supérieur à 300 M USD. A la suite de la transaction, un différend nait entre les deux sociétés. S’en suit une procédure d’arbitrage. En août 2024, l’État est intervenu comme médiateur. Résultat, trois conventions ont été signées. La première impliquant Lilium Mining qui devait procéder au transfert des mines de Boungou et Wahgnion à l’État. Avec Endeavour Mining, la convention portait sur un accord de paiement de 60 M USD en espèces, répartis comme suit : 15 M USD à la signature, 15 M USD fin Q3 2024, 30 M USD fin 2024. Enfin, le 3e point, une redevance de 3 % sur la production de Wahgnion. Cet accord a mis fin aux litiges. On note qu’en mars 2025, la société Endeavour Mining a annoncé avoir reçu 40,2 millions de dollars USD de l’Etat, auxquels s’ajoutent les royalties déjà versées.