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Marché du change: près de 150 ambulants à Ouaga

 

Euro, dollar, dinar, dirham, cedi, naira, peso, yen; ils échangent tout type de monnaies en F CFA et vice versa. Eux ce sont les changeurs ambulants ou manuels. Vite fait, bien fait et sans trace. Beaucoup de clients y trouvent pourtant leurs comptes au mépris de la législation.
La scène fait désormais partie du décor devant l’aéroport international de Ouagadougou.
Des jeunes hommes, sac au dos ou en bandoulière, claquant les doigts (Ndlr: symbole de l’argent), ils invitent les voyageurs et les usagers de la route à s’arrêter.
Ce spectacle est donné à voir de jour comme de nuit devant l’aéroport du pays des «Hommes intègres». Ils sont nombreux des jeunes, voire des pères de famille, qui gagnent ainsi leur vie à travers cette activité.
Euro, c’est le surnom de l’un entre eux qui a voulu garder l’anonymat. Il ne se plaint pas de ce travail. «On m’appelle Euro parce que j’échange beaucoup les Euros, il y en a qu’on a surnommé Dollar, Yen, Cedi, Naira, etc, cela nous amuse et nous permet de nous distinguer. Puisque nous sommes au moins 150 personnes ici», révèle-t-il. Selon Euro, ils sont organisés de façon informelle. Certains travaillent uniquement les matins, d’autres les soirs et y en a aussi qui y passent toute leur journée. «Nous sommes solidaires. Par exemple, si un client vient et que tu n’as pas assez d’argent, tu prends avec un autre changeur. Nous sommes des pères de famille et nous sommes des personnes honnêtes», explique-t-il.

«Nous ne sommes pas déconnectés du monde …»
Le cercle des changeurs ambulants de monnaies est un milieu restreint, à en croire Euro, tous les changeurs se connaissent. «Si tu voles un client et qu’il revient avec les descriptions, on peut facilement t’identifier», rassure le jeune homme. Ce dernier laisse entendre que cela fait plus de 5 ans qu’il vit de ce travail qui n’est pas facile puisqu’il faut rester aux aguets pour intercepter les éventuels clients.
A la question de savoir comment les changeurs ambulants monnaient les devises sans surtaxer, Hamado Dollar, un autre changeur, répond: «Nous ne sommes pas déconnectés du monde. Chaque matin, on se connecte sur internet pour regarder le taux de change. En plus, le client lui-même en venant vérifie le taux. Donc, c’est difficile de surenchérir. On ajoute juste un petit truc pour notre bénéfice», affirme Hamado Dollar avec un sourire malicieux.

Les changeurs manuels ambulants sont fiers du travail qu’ils font. (L’Economiste du Faso)
Les changeurs manuels ambulants sont fiers du travail qu’ils font. (L’Economiste du Faso)

Cette activité fait le bonheur de certains usagers. Félix Ouédraogo, un homme d’affaires, est venu convertir le F CFA en Dollar chez Hamado. «Je suis en train d’aller aux USA pour un séminaire. Je n’ai vraiment pas le temps. Chaque fois que je voyage, je convertis mon argent ici. C’est rapide, simple et efficace», déclare cet homme d’affaires. Dans les bureaux de change ou en banque, y a «trop de paperasses à remplir, trop de monde, trop de protocoles» selon M. Ouédraogo. «Ici, c’est ni vu, ni connu», a-t-il ajouté. Fadel Nikiéma est du même avis: «Quelle que soit l’heure à laquelle tu viens ici, tu peux convertir sans souci ton argent».
Pourtant, en début d’année, les autorités avaient interdit tout change d’argent par des personnes ambulantes et/ou sans agrément. «Toute personne qui défierait cette interdiction serait sanctionnée», disait l’annonce. «Nous aussi on a appris cette interdiction à la télévision. On n’a pas arrêté nos activités. Et personne n’est venu nous sensibiliser ni nous contraindre», a confié un changeur sous l’anonymat. Il ajoute que le fait que les clients continuent de venir faire le change avec eux est le signe que leur travail est important et qu’«ils ont confiance en nous». Et en ce qui concerne les relations avec le Trésor public et les textes régissant le change de devises, notre anonyme est «bleu». «Textes ? Personnellement, je n’ai rien à faire avec eux, j’ai mon argent, je viens échanger avec ceux qui veulent, point», s’est-il exclamé.

Et les textes?
De par le passé, l’activité de change manuel était exclusivement réservée aux banques. La libéralisation de ce secteur est intervenue avec le règlement N0 O9/98/CM/UEMOA du 20/12/1998 relatif aux financements extérieurs des Etats membres de l’UEMOA. Cette règle stipule dans son article 10 de l’annexe I que «les personnes physiques ou morales ayant le statut de commerçant, autre que les banques intermédiaires agréées, établies ou résidentes dans les Etats membres de l’UEMOA peuvent être autorisés à effectuer les opérations de change manuel».
En plus de cette règle, le ministère a précisé certaines conditions (voir encadré).
Autre réglementation en la matière, il y a l’article 5 du règlement du Trésor public qui exige que les agréés de change fassent à chaque fin du mois un compte rendu global des opérations effectuées durant le mois.
Et ce compte rendu doit être adressé le 10 mois après au maximum à la Direction nationale de la BCEAO et à la Direction générale du Trésor et de la comptabilité publique (DAMOF). Sans oublier que les agréés de change manuel sont tenus de respecter la limite de 2 millions pour à chaque opération.
En règle ou pas, une chose est sûre, cette activité arrange aussi bien les consommateurs que les changeurs ambulants eux-mêmes. Cela dit, les propriétaires des bureaux de change qui pullulent dans la capitale ne voient pas cette concurrence d’un bon œil.

J.B.K.


Comment constituer un dossier de demande d’agrément de change manuel?

Il faut:
L’acte de constitution, notamment pour les personnes morales ou un extrait de naissance en ce qui concerne les personnes physique.
Un extrait de casier judiciaire datant de moins de 3 mois de la personne physique ou des dirigeants sociaux, la date et le numéro d’inscription au Registre de commerce et du crédit mobilier
Une photocopie légalisée de la carte d’identité
Par ailleurs, suite à l’arrêté N° 2001-374MEF/SG/DGTCP/DAMOF du 29/10/2001 portant conditions additionnelles d’octroi d’agréments pour l’ouverture de bureaux de change manuel, les autorisations du ministère en charge des Finances ne sont accordées qu’à la suite:
D’une enquête de moralité
D’une appréciation de la capacité financière
D’une appréciation de la situation du requérant vis-à-vis des impôts et de la Direction des affaires contentieuses et du recouvrement (DACR)
A cet effet, le requérant devra fournir outre les pièces ci-dessous énumérées:
Une attestation de capacité financière délivrée par sa banque
Une attestation de situation fiscale en cours de validité
Une attestation de la Direction des affaires contentieuses et du recouvrement (DACR)
Aussi le ministère en charge des Finances et la BCEAO pourront requérir la fourniture d’autres documents ou informations nécessaires à l’instruction du dossier.

(Source : Trésor public)


Avantages ou inconvénients ?

En termes d’avantages, la prolifération de bureaux de change manuel répond à l’objectif visé par les Etats membres de l’UEMOA, c’est-à-dire libéraliser le secteur. Aussi, plus il y a la concurrence plus, plus cela est profitable aux consommateurs. Sans oublier la création d’emplois.
En termes d’inconvénients, il faut noter que le Trésor public ne gagne rien en termes de finance. Puisque aucune contrepartie financière n’est demandée pour l’instruction de dossier.

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