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Ministère de la Sécurité : Incivisme dans la gestion des marchés publics

 

«Inacceptables»! C’est ce que juge l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC) à propos des pratiques de gestion des marchés au ministère en charge de la Sécurité. Cette appréciation est contenue dans le dernier rapport de l’ASCE-LC qui porte sur les activités de contrôle menées au cours de l’année 2015. L’Autorité indique que les comportements concernant la passation des marchés au sein de ce département ministériel «sont aux antipodes de l’orthodoxie administrative et financière en matière de commande publique ».« Toute chose qui crée des conditions propices à des collusions, fraudes, détournements et enrichissements illicites », ajoute-t-elle. C’est pourquoi le rapport estime, sans ambages, que « de telles pratiques doivent impérativement être arrêtées ». Au ministère en charge de la Sécurité, l’objectif de la mission de contrôle de l’ASCE-LC était de « s’assurer de la conformité des procédures de planification, d’attribution et d’exécution des marchés avec les dispositions de la réglementation générale des marchés publics et des délégations de service public». Pour ce faire, le contrôle a tenu à vérifier des principes comme « la liberté d’accès à la commande publique », « l’égalité de traitement des candidats », « la transparence des procédures », «l’économie, l’efficacité, l’éthique, l’équité, l’efficience dans l’acquisition des biens et services ».
Au bout des vérifications, les résultats sont largement négatifs. On dénombre en moyenne une douzaine d’irrégularités de nature différente dans la gestion de chaque marché.
Il y a, entre autres, « le non-respect des principes de la mise en concurrence », la «non-approbation préalable des contrats par le Conseil des ministres », la « non-validité des Numéros d’identifiant fiscal unique (IFU) des titulaires de marchés », le « non-enregistrement des contrats au niveau de la DGI », le « non-respect des dispositions du contrat qui prévoient le dédouanement en Toutes taxes comprises (TTC) des marchandises importées», «l’absence des avis des Comités d’examen des marchés de gré à gré placés sous la tutelle du ministre délégué chargé au Budget », « l’absence des états de répartition des biens aux bénéficiaires finaux », les « surfacturations des produits commandés », la « non-inscription des marchés dans le Plan de passation des marchés (PPM) », « l’absence de lettres d’autorisation de procédures de gré à gré de la part du ministre de l’Economie et des Finances », des « fournisseurs non-représentés au niveau local et sans adresse locale», etc. Ces constats sont transversaux à tous les marchés contrôlés.
Pour l’ASCE-LC, rien ne justifie ces pratiques dans les marchés passés par le département en charge de la Sécurité. Même pas l’argument sécuritaire, car même s’il est vrai qu’il s’agit d’un matériel spécifique, la concurrence devrait être ouverte à tous les fournisseurs spécialisés dans ce domaine. Par ailleurs, il ne devrait pas avoir d’opacité dans la gestion des fonds alloués au ministère. Les cas de non-enregistrements des marchés aux impôts et le non-dédouanement (non-paiement des droits des douanes) constituent surtout des actes d’incivisme.
Quant au flou dans la gestion des fonds du ministère, il s’est notamment manifesté à travers la présence de comptes spéciaux dédiés aux paiements des titulaires des marchés. Ce sont des comptes de dépôts ouverts à l’agence comptable centrale du Trésor au nom de la direction de l’administration et des finances du MATDS. Ils sont dénommés «appui à la sécurité», «équipement d’urgence/MATS », «mesures sociales/MATS ». S’agit-il de moyens pour dissimuler la corruption, les détournements et autres enrichissements illicites? L’ASCE-LC ne le confirme pas, étant donné qu’elle n’a pas mené des investigations spécialement dans ce sens. Toutefois, l’Autorité estime fortement qu’il pourrait y avoir des actes indélicats à travers ces façons de procéder. Les suites à donner à ces dossiers permettront certainement d’en savoir davantage.

Karim GADIAGA


100% de cas irréguliers

Les marchés ayant fait l’objet du contrôle sont pour la plupart des cas dénoncés par des anonymes. Une dizaine de cas qui portent sur l’acquisition de biens tels que des gilets pare-balles, des effets d’habillement et des chaussures, etc. Ce sont des marchés qui ont été exécutés sur les gestions (budgétaires) 2010, 2013 et 2014, correspondant à la période où Jérôme Bougma était à la tête du ministère. 100% de ces marchés passés par le ministère de la Sécurité ne présentent pas de conformité avec les dispositions réglementaires relatives aux procédures de planification, d’attribution et d’exécution des marchés. Il y a donc eu des violations de la réglementation sous plusieurs formes dans chaque marché contrôlé.

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