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Terrorisme au Burkina: l’autofinancement comme principale source

Le rapport 2020 du Conseil économique et social (CES) a été remis au président du Faso le 24 février 2020. Il porte sur le thème «Mécanismes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en zone UEMOA : cas du Burkina Faso».

Depuis 2016, le phénomène terroriste est devenu une réalité au Burkina Faso. Depuis lors, l’insécurité s’y est installée, gagnant un grand nombre de régions.

Quel est son ampleur ?

Le rapport 2020 du Conseil économique et social (CES),  remis au président du Faso le 24 février 2020 et qui porte sur le thème « Mécanismes de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en zone UEMOA : cas du Burkina Faso », a documenté le phénomène.

Depuis 2016, tour à tour, les régions du Sahel, de l’Est, de la Boucle du Mouhoun, du Nord et du Centre-Nord sont désormais éprouvées par les assassinats de civils et par des attaques tragiques qui endeuillent les Forces de défense et de sécurité (FDS). Quelques chiffres du rapport de mission des rencontres entre les parlementaires et les populations de ces régions frappées par le terrorisme sont assez illustratifs de l’ampleur du phénomène.

Plus de 800.000 personnes déplacées internes, créant une situation humanitaire inédite, 1.665 personnes tuées, dont 1.229 civils et 436 tués parmi les Forces de défense et de sécurité (FDS) entre janvier 2016 et juillet 2020. Pour la seule année 2020, de janvier à juin, 465 civils et 163 agents des FDS tués, 2 Maires de Communes tués et 3 portés disparus, plusieurs Conseillers municipaux tués ou enlevés. Une centaine de Communes où l’administration publique est inexistante et contrainte à quitter les lieux à cause du risque très élevé.

Le phénomène terroriste n’a pas la même ampleur dans les différents pays de l’UEMOA. Le trio constitué du Mali, du Niger et du Burkina Faso est le plus touché, même si quelques incidents isolés en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Togo sont à signaler. Dans la zone G5 Sahel, la menace terroriste reste très forte, dans un contexte où la faiblesse de certains gouvernements et la porosité des frontières favorisent l’implantation et le maintien de plusieurs organisations terroristes. Au Mali, environ 25 % du territoire n’est pas contrôlé par le pays, tandis que le Burkina Faso apparaît comme de plus en plus vulnérable face à la propagation du terrorisme sur son sol. Les forces militaires françaises au Mali ont été ciblées à plusieurs reprises en 2018, en avril et en juillet, tandis que le 8 mai 2018, AQMI a appelé à s’en prendre aux entreprises privées françaises. Si l’État islamique au Grand Sahara, qui ne bénéficie pas du soutien de sa structure centrale, apparaît comme une menace moins forte, il n’en est pas moins une source de déstabilisation pour le Sahel.

Quels sont les potentielles sources de financement ?

Le financement du terrorisme est évolutif. Selon un récent rapport, établi par Interpol, le RHIPTO et la Global Initiative Against Transnational Organized Crime, les ressources des sept principaux groupes rebelles / terroristes actifs dans le monde s’établiraient, selon les dernières données connues, entre 1 et 1,39 milliard de dollars. En 2017, les parlementaires français ont réalisé une mission d’information sur le financement du terrorisme à l’échelle internationale. Selon ce rapport, les terroristes utilisent tous les moyens possibles pour se financer, mais le rapport relève toutefois des tendances dominantes que l’on retrouve d’ailleurs dans d’autres littératures similaires sur le sujet. Une synthèse de la littérature permet de retenir aujourd’hui quatre principales sources de financement du terrorisme qui sont les donations et financements extérieurs, le développement des microfinancements extérieurs, l’autofinancement et l’imbrication entre financement du terrorisme et criminalité.

Les donations et financements extérieurs ont été largement observés dans le cas du groupe Al-Qaida. Une autre dimension de cette première source est celle relative au financement du prosélytisme religieux, qui peut nourrir des courants comme le salafisme pouvant à leur tour devenir un terreau pour les terroristes. Sur ce sujet, le rapport des parlementaires français en 2017 révélait : « Aujourd’hui, le financement par l’Arabie Saoudite de certaines mosquées dans des États tiers, y compris la France dans le cas par exemple de la mosquée de Cannes, et le rôle prêté à ce pays dans le financement d’un islam radical hors de ses frontières, restent des sujets sensibles ».

Selon ce rapport, l’Arabie Saoudite dépenserait jusqu’à 4 milliards de dollars chaque année dans le monde pour promouvoir le wahabisme, avec, dans le cas du Royaume-Uni, l’apport de financements pour des mosquées ou des écoles. Pour le cas spécifique du Burkina Faso, l’association Ansarul Islam de Malam Dicko semble au début avoir bénéficié de financement d’ONG ou de Fondations avant de se radicaliser.

L’analyse du mode de fonctionnement de certaines organisations, en l’occurrence l’Etat islamique, a révélé l’existence de transferts de fonds plus modestes. Ces transferts sont généralement émis par des sympathisants de l’organisation ou des familles de combattants étrangers partis sur la zone. Afin d’en garantir l’anonymat et d’échapper aux contrôles, ces transferts se font essentiellement en dehors du système bancaire, via des systèmes informels comme la hawala11. La mission d’information des parlementaires français affirme à ce sujet « la cellule de renseignement financier française, Tracfin, à ainsi travailler à l’identification de filières de financement de djihadistes français partis combattre dans les rangs de l’État islamique. Ces investigations ont permis d’identifier plus de 300 « collecteurs » situés dans les pays frontaliers de la zone irako-syrienne, essentiellement la Turquie et le Liban, et plus de 400 individus présents sur le territoire français contributeurs à ces filières de financement. Ce financement, estimé à hauteur du millions d’euros pour le seul territoire national, a permis les départs, l’entretien des djihadistes dans les zones de combats et l’organisation de leurs retours.

Vol de bétail, braquage armé, braconnage, trafic de drogues

L’autofinancement du terrorisme est l’une des principales forces des organisations terroristes actives aujourd’hui. L’État islamique, qui demeure un cas singulier, a porté ce modèle à son paroxysme du fait de l’emprise territoriale acquise. Ce modèle d’autofinancement s’appuie sur plusieurs types de ressources, en l’occurrence les ressources naturelles. La mise en place d’un système d’impôts et de redevances a également permis à certains groupes de générer de très importants revenus comme ce fut le cas au Nord du Mali, lors de la période d’occupation des principales villes du Nord par le MUJAO et Ansardine. Dans le Sahel burkinabè particulièrement, les investigations montrent des pratiques de prélèvement de la « Zakat » auprès de la population des zones sous emprise, des droits de pâturage dans des forêts abandonnées par les Forces de défense et de sécurité, du ravitaillement en vivres par des parents et autres adeptes à leurs causes ou des dons en espèces provenant de ces adeptes.

A côté de ces principales sources de revenus, d’autres sources telles que les enlèvements contre rançons et le trafic des antiquités et autres biens culturels ont été largement observées dans la zone UEMOA, notamment, au Mali et au Niger. Dans la région de l’Est, le terrorisme semble s’être développé par endroits autour de l’exploitation artisanale de l’or, notamment, dans la localité de Kabonga. Les ressources issues de l’exploitation minière artisanale auraient servi non seulement au recrutement de combattants locaux, mais aussi à l’enrôlement de mercenaires étrangers et enfin à l’acquisition de matériels de combat.

Enfin, les organisations terroristes ont souvent recours à des pratiques criminelles pour financer leurs activités terroristes. Il s’agira pour elles de participer à des trafics illégaux ou à d’autres activités criminelles comme les pillages, les extorsions ou les enlèvements contre rançons ou encore des vols à mains armées ou la contrebande. Ainsi, les terroristes se procurent eux-mêmes des armes sur le marché noir et par d’autres moyens tels que des vivres, soit pour enrôler des adeptes en les payant des sommes d’argent en vue d’opérer des attaques. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) compte parmi ses sources principales de financement les rançons, la contrebande de cigarettes et de drogues, le prélèvement illégal de taxes ou encore les revenus liés au trafic de migrants.

Le trafic de drogues, notamment de cocaïne, est ainsi de plus en plus utilisé par le groupe, qui génère des revenus en prélevant des taxes en échange de sa protection. Ce mode de financement est aujourd’hui privilégié par le groupe, qui continue, dans une moindre mesure, à pratiquer des enlèvements contre rançons.

L’autofinancement du terrorisme pourrait aussi s’analyser dans le fait pour certains terroristes d’utiliser des fonds propres pour financer leurs activités terroristes. Il est question ici de fonds d’origine licite utilisés pour financer une activité criminelle. Ainsi, au Burkina Faso, l’exploitation des sites aurifères procure aux terroristes d’énormes sources de financement de leurs activités criminelles.

Il est ressorti des entretiens avec les structures spécialisées dans le cadre de cette étude que les potentielles sources de financement des attaques terroristes dans le Sahel, en général, et en particulier au Burkina Faso, sont constituées pour la plupart d’activités criminelles telles que le vol de bétail, le braconnage, le trafic de drogues. Dès lors, lutter contre la criminalité, c’est lutter contre le terrorisme et suivre les traces de l’argent est un très bon moyen d’identifier et de neutraliser les terroristes.

Le défi sécuritaire lié à la recrudescence des attaques terroristes depuis 2015, la crise sanitaire du fait de la pandémie de Covid-19, la corruption et la vague de revendications sociales ont mis à rude épreuve l’économie burkinabè ces dernières années.

Dans un tel contexte, le Conseil économique et social, en tant que force de propositions, a choisi ce thème parce qu’aucun pays de l’espace UEMOA n’est épargné par le phénomène dont les conséquences à tous les niveaux sont visibles et affectent les efforts de développement économique et social.o

Synthèse de Elie KABORE

 

 

Encadré

L’attaque de l’Etat-Major le 2 mars 2018 a été précédée

d’un braquage de boutiques Orange Money

A titre illustratif, pour le cas du Burkina Faso, il est ressorti des entretiens au niveau du pôle judiciaire du Tribunal de Grande instance de Ouagadougou, spécialisé sur la lutte contre le terrorisme, que les attaques de Ouagadougou du 2 mars 2018 à l’Etat-Major général des armées et à l’Ambassade de France ont été précédées de vols à mains armées de boutiques Orange Money et de caisses populaires par les auteurs.o

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