La Banque africaine de développement (BAD) a rendu public, mi-mars 2021, son rapport annuel sur les perspectives économiques des pays africains. Ce document dresse les évolutions économiques et financières, les perspectives et les risques mais aussi les questions et options de financement.
Sur ce dernier point, la BAD a fait le point de la dette du pays. « Le Burkina Faso continue de présenter un risque modéré de surendettement », affirment les experts de la BAD. Selon eux, les ressources financières nécessaires pour faire face aux problèmes actuels en matière d’économie, de santé et de sécurité devraient accroître la dette publique totale à 50,1 % du PIB d’ici la fin 2021, alors qu’elle était de 46,4 % du PIB en 2019. La dette extérieure est passée de 22 % du PIB en 2017 à 25 % en 2020 et la dette intérieure de 15,5 % du PIB en 2017 à 25,1 % en 2020, en raison de l’augmentation des émissions de bons du Trésor. Résultat, le service de la dette publique s’est élevé à 345,1 milliards de francs CFA en 2019, soit une augmentation de 34,8 % par rapport à 2018. Le service de la dette intérieure représente 76,7 % du service total de la dette.
Sur les options de financement, l’institut a rappelé qu’environ 30,4 % du portefeuille de la dette était libellé en devises flottantes, en particulier, le dollar américain, ce qui expose le Burkina Faso au risque de volatilité des taux de change.
Selon ces perspectives, les indicateurs de soutenabilité de la dette sont susceptibles de se détériorer si le pays n’adopte pas d’urgence une stratégie visant à allonger la durée moyenne de sa dette intérieure. De plus, avec un ratio recettes fiscales/PIB de seulement 15,5 % du PIB en 2020, la mobilisation accrue des ressources intérieures reste un enjeu central pour que le pays finance ses infrastructures de développement.
Enfin, les réformes visant à contenir et à ramener les dépenses en salaire sur une trajectoire durable sont très importantes. Sur ce point, la tendance à la hausse de la masse salariale, qui est estimée à 62,4 % des recettes fiscales en 2020, risque de réduire considérablement la marge de manœuvre fiscale de financement des investissements intérieurs, interpelle l’institution.
Baisse du PIB réel en 2020
En ce qui concerne les évolutions macroéconomiques et financières récentes du pays. Le PIB réel du Burkina Faso s’est contracté à 0,2% en 2020, alors qu’il avait augmenté de 5,7% en 2019. Une baisse que la BAD explique par le ralentissement de l’activité dans le commerce, les transports, le tourisme et l’hôtellerie, qui résulte en grande partie des mesures prises pour contenir la propagation de la Covid-19.
Autres mauvaises nouvelles : l’augmentation du taux d’inflation à 1,4% en 2020, surtout en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et la détérioration du déficit budgétaire. Selon les experts de la BAD, cet état de fait s’explique par l’augmentation des dépenses publiques, combinée à la baisse des recettes. Ainsi, le déficit budgétaire est passé de 3,5% du PIB à 5,4% du PIB en 2020.
Dans ces évolutions financières, une performance est à noter. Elle vient de la balance des comptes courants. Celle-ci a enregistré un excédent de 1,2% du PIB en 2020, après un déficit de 3,4% du PIB en 2019. Une performance qui est le résultat d’une augmentation de la valeur des exportations d’or de 21 % et de coton de 13 %, alors que la valeur des importations de produits pétroliers a chuté de 20 % en raison de la baisse de l’activité économique.
En tenant compte de toutes ces évolutions, la BAD affirme dans son rapport que « si la pandémie était maîtrisée d’ici le début du second semestre 2021, le PIB réel du Burkina Faso augmenterait de 5,1 % en 2021 et de 5,2 % en 2022, à mesure que le secteur des services se redresserait et que les investissements publics augmenteraient ».
Cependant, avertit la BAD, le taux d’inflation devrait passer de 2,1% en 2021 et à 2,7% en 2022, en raison de l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Quant au déficit budgétaire, il devrait continuer de se détériorer, pour atteindre 6,3 % du PIB en 2021, en raison d’une augmentation des investissements publics visant à stimuler la reprise économique post-COVID-19, avant de diminuer à 5,3 % en 2022.
La reprise attendue des importations aggraverait la balance des comptes courants, mais celle-ci devrait rester excédentaire en 2021 et 2022. Un bon point pour le pays, même si pour la BAD, il existe deux principaux facteurs de risque de ce scénario optimiste. Il s’agit d’une détérioration de la situation sécuritaire – en raison des activités terroristes dans le pays- ainsi qu’une poursuite de la pandémie au second semestre de 2021, ce qui retarderait la reprise économique mondiale.o
NK
Encadré
L’adresse de Dr Akinwumi A. Adesina, président de la Banque africaine de développement
«Le continent devrait connaître une croissance économique de 3,4 % en 2021. Cependant, le choc de la pandémie et la crise économique qu’il a provoquée ont eu des implications directes sur les soldes budgétaires et le fardeau de la dette des pays. Par conséquent, l’Afrique pourrait se voir confrontée à de graves problèmes de dette, et les défauts de paiement et les résolutions prolongées pourraient entraver les progrès de l’Afrique vers la prospérité.
Pour éviter de « perdre encore une décennie » et pour bâtir des économies résilientes, nous devons relever les défis de la dette et du financement du développement de l’Afrique, en partenariat avec la communauté internationale. Des efforts de partenariats mondiaux sont actuellement mis en œuvre par le G20 pour soutenir l’allègement temporaire de la dette des pays en développement, par le biais de l’Initiative de suspension du service de la dette. Cependant, celle-ci ne fait que différer les remboursements de la dette, et l’initiative ne couvre qu’une petite partie de la dette bilatérale totale de l’Afrique. Plus important encore, le moment est venu d’alléger une dernière fois la dette de l’Afrique. Mais un tel allègement exigerait que les pays africains s’engagent de manière crédible à respecter leur part de l’accord, en menant des réformes audacieuses de la gouvernance. C’est ainsi qu’ils devront éliminer les fuites de ressources publiques sous toutes leurs formes, améliorer la mobilisation des ressources nationales et renforcer la transparence, notamment, en matière de dette et de ressources naturelles ». o