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Sanctions contre le Mali: les chefs d’Etat vont-ils défier la Justice ?

Le 15 février 2022, le gouvernement du Mali introduisait un référé devant la Cour de justice de l’UEMOA à Ouagadougou, pour faire suspendre les sanctions prises par la Conférence des chefs d’Etat.
Le 24 mars 2022, cette Cour avait suivi le gouvernement du Mali dans sa requête en enjoignant la Conférence des chefs d’Etat à suspendre les sanctions, en attendant le jugement au fond. L’argumentaire du réfère se base sur le caractère grave et irréversible des conséquences des sanctions infligées au pays en attendant le jugement au fond qui pourrait prendre du temps. Le Mali conteste la légalité des sanctions et demande tout simplement leur annulation par la Cour de justice.
Mais voilà, depuis cette décision de Justice, ceux qui s’attendaient à une suspension immédiate des sanctions commencent à déchanter. Et, le gouvernement malien en premier lieu. Le ministre en charge de l’administration du territoire, à travers un communiqué, dénonçait que la décision de la Justice soit restée sans suite qui, du reste, est « d’application immédiate et insusceptible de recours ». Le gouvernement malien estime que cette attitude de la Conférence des chefs d’Etat de l’UEMOA est « un déni de justice » et invite les organes de la CEDEAO et de l’UEMOA à se conformer à la décision de Justice.
Il faut rappeler que la décision date de moins d’un mois, la Cour de justice et le gouvernement du Mali l’ont notifié à la Conférence des chefs d’Etat immédiatement. Le dernier Sommet de la CEDEAO tenu le 25 mars n’a pas abordé le sujet. Trop juste pour étudier, estiment certains observateurs. Il faudrait donc que les autorités maliennes patientent jusqu’au prochain Sommet des chefs d’Etat de l’UEMOA, extraordinaire probablement. C’est cette instance qui a pris les sanctions lors de son Sommet extraordinaire à Accra, le 9 janvier 2022, directement visée par le sursis à exécution, qui peut donner une suite adéquate à la décision de Justice. Encore faut-il que les chefs d’Etat en aient la volonté politique. Car, il y a un précédent : l’affaire Eugène Yaï contre la Conférence des chefs d’Etat.
Ce commissaire ivoirien a attaqué et gagné devant la Cour de justice de l’Union, par trois fois, un acte additionnel pris par le président de la Conférence des chefs d’Etat d’alors, Mamadou Tandja, qui le remplaçait avant le terme de son mandat. C’était en 2014. Quand le gouvernement de Gbagbo voulait placer Jérôme Bro Gregbe
La Justice avait conclu que l’acte additionnel le remplaçant violait les articles 16, 27, 28 et 30 du Traité instituant l’UEMOA. Mais les chefs d’Etat n’ont jamais voulu dédire leur président de la Conférence, ni faire un affront au président ivoirien d’alors. Finalement, La Côte d’Ivoire a pu faire installer Bro Grebge au forceps avant la fin de son mandat. Eugène Yai, considéré comme révoqué et à qui l’on devait payer des droits et des indemnités à hauteur de 266 millions FCFA à titre de dommages et intérêts puis 1,5 milliard FCFA pour préjudice moral. Jusqu’en 2017, l’homme n’avait rien reçu, selon nos recherches.
C’est dire donc que la Conférence des chefs d’Etat n’est pas toujours prompte à appliquer les décisions de Justice contre son autorité. Le Mali va en faire peut-être l’amère expérience.
Un pays comme le Burkina, qui est sous la menace des mêmes sanctions infligées au Mali, suit de près l’attitude de la Conférence. Il a jusqu’au 25 avril 2022 pour trouver un arrangement avec la CEDEAO. Si l’UEMOA se ravisait, le Faso pourrait alors être épargné des sanctions de même nature. o

FW

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