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Production de la fraise: niche d’argent cherche preneurs

• Un rendement de 8 à 10 tonnes l’hectare

• Largement en deçà des possibilités de la plante

• Un marché qui n’absorbe pas encore toute la production

«La fraise, c’est comme la crème glacée, une fois que vous la sortez de son environnement, il faut vite la consommer, sinon les dégâts seront importants ». Ces propos du premier responsable des producteurs du barrage de Boulmiougou résument les complexités dans la production d’une spéculation qui attend toujours de livrer tous ses secrets depuis son introduction au Burkina il y a plus d’une cinquantaine d’années.

Le président de la coopérative « Namalzanga », Zakaria Zagré, en pleine récolte. (Ph: Yvan SAMA)

Autour de cette retenue d’eau, dans l’Arrondissement 7 de la capitale burkinabè, le président de la coopérative « Namalzanga », Zakaria Zagré ou « barrage naaba », et ses collègues utilisent environ 25 hectares sur les 80 disponibles pour produire la fraise. Sur une vingtaine de variétés de fraise existantes, seulement deux sont produites au Burkina Faso. Il s’agit des variétés Festival et Camarose dont la période de récolte s’étend de janvier à avril de chaque année. Zakaria Zagré estime à 1.000 le nombre de personnes disposant d’un lopin de terre pour exploitation sur les berges du barrage. Si on y ajoute les employés, il faut au moins tripler ce nombre pour avoir le chiffre de ceux qui tirent leur pitance quotidienne autour de cette retenue d’eau.

Dans la pratique, les producteurs n’utilisent pas de semences mais procèdent par bouturage ; la fraise est d’ailleurs considérée comme une culture pérenne. Un débutant doit débourser en moyenne entre 100 et 200 FCFA pour un pied à repiquer sur la surface à exploiter. Cette surface est ensuite délimitée en planches de 10 m de longueur sur 1 mètre de largeur pouvant prendre au moins 70 pieds.

Pour les anciens producteurs, après les récoltes, ils conservent un petit lot de leurs fraisiers qu’ils arrosent jusqu’à la saison des pluies. Durant la saison pluvieuse, ces fraisiers sont déracinés et plantés en pépinière pour les préserver de l’inondation. Après l’hivernage, les pépinières vont commencer à faire la bouture avec les feuilles, elles sont alors séparées pour qu’elles ne s’étouffent pas. Le repiquage au niveau des planches se fait entre septembre et novembre.

Ousmane Nikièma, producteur de fraises depuis la sédentarisation des producteurs sur le site du barrage depuis 1976.

Une fois le repiquage fait, il faut labourer, désherber, enlever les anciennes feuilles, afin de permettre à la plante de respirer pour produire beaucoup de bourgeons axillaires. Les bourgeons axillaires sont les points de croissance de la plante qui peuvent devenir des parties végétatives (feuilles, tiges et racines) et génératives (fleurs et fruits).

Si l’entretien est bon, le rendement peut aller de 8 à 10 tonnes à l’hectare. « C’est un travail de patience, parce que les plantes produisent la fraise durant trois mois seulement et nous l’arrosons pendant 8-9 mois…il faut beaucoup plus d’endurance pour cultiver de la fraise, contrairement aux autres », affirme d’ailleurs M. Zagré.

Il est soutenu dans ses propos par Ousmane Nikièma, producteur de fraises depuis la sédentarisation des producteurs sur le site du barrage depuis 1976 (voir encadré).  Même si les deux personnes se satisfont de leur travail, le rendement obtenu reste largement en deçà des potentialités de la plante. La fraise, dans les bonnes conditions, peut donner entre 20 et 25 tonnes à l’hectare.  « Notre expertise et surtout le climat ne nous permettent pas encore d’atteindre les performances réelles des espèces de fraise que nous cultivons », reconnait Ousmane.

Avec Boulmiougou, Roumtenga et Bika constituent les trois sites de production dans la région du Centre. Sur une cinquantaine d’hectares, les producteurs disent sortir entre 500 et 1.000 tonnes de fruits et estiment que les pertes post-récolte peuvent atteindre entre 10 % et 20 % de la production.

Le « bord champ » comme principale voie d’écoulement

A l’image d’Asséta Ouédraogo, les nombreuses femmes disent être obligées, le soir de la récolte, de casser les prix pour que la fraise ne s’abime entre leurs mains. (Ph: Yvan SAMA)

Au début des années 80, les producteurs bénéficiaient de l’expertise de l’Union des coopératives et maraîchers du Burkina (UCOBAM) pour l’écoulement de la fraise. Pendant plus d’une décennie, la collaboration entre les deux parties a permis de maintenir le marché. Mais à partir de 1993, les producteurs se sont retrouvés seuls.

Ils déversent leurs productions dans la consommation nationale. Certains exportateurs arrivent à envoyer une infime partie des récoltes dans des capitales de la sous-région, notamment Abidjan, Accra et Lomé. 

Le prix de cession de la fraise dépend de plusieurs facteurs, certes, mais les deux plus importants restent la disponibilité du produit et la qualité de l’acheteur. En effet, pour le mois de février 2023, le kilogramme est cédé à 2.000 FCFA aux grossistes et 2.500 FCFA à ceux qui viennent prendre pour leur consommation personnelle. « Comme nous sommes presqu’au cœur de Ouagadougou, il est facile pour les habitants de se déplacer sur le site pour se procurer la fraise, mais cela pourrait créer la mévente chez tous ceux qui sont dans la vente de fruits et légumes qui s’approvisionnent chez nous. Nous avons établi cette règle pour permettre aux femmes qui nous aident à ne pas se décourager. Celui qui vient ici paie donc le même prix qu’au niveau des étables », indique Ousmane. 

Les grossistes, ce sont les femmes qui arpentent les berges du barrage chaque matin pour cueillir et enlever la fraise. Bien qu’elles soient nombreuses, elles n’arrivent pas encore à absorber une grande quantité de la production. « Nous ne pouvons pas prendre beaucoup de kilogrammes. Le soir de la cueillette même, nous sommes obligés de casser les prix pour que la fraise ne s’abime entre nos mains. Ces clients qui ont pris à demi-tarif ou même moins reviennent le lendemain avec les mêmes montants ou les communiquent à leurs proches. Cela rend le marché très instable », explique Asséta Ouédraogo. Elle qui emballe des tas de demi-kilo qu’elle livre aux occupants des bureaux du centre-ville dit ne même pas pouvoir évacuer 20 kg par jour.   

Avec sa riche expérience dans le domaine, Ousmane Nikièma a réussi à nouer des contacts pour exporter directement des champs vers la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Mali par avion. Il rassemble la fraise de plusieurs producteurs pour faire des envois groupés. Par ce canal, c’est entre 500 kg et une tonne par semaine en 4 expéditions. Même là, la place dans l’avion n’est pas toujours garantie et le produit peut être refoulé une fois à destination pour mauvaise qualité. 

L’expertise de la transformation se fait attendre

Pour les producteurs, il n’y a pas de doute : l’écoulement de la fraise n’est pas encore au stade qu’ils le souhaitent.  « Si nous avons un problème pour faire sortir toute notre fraise, c’est la preuve que nous produisons beaucoup peut-être ?», se demande leur premier responsable.  « L’idéal serait d’avoir une usine de transformation en jus et en confiture », propose l’ancien, Nikièma.

En la matière, il y a eu des initiatives, certes, mais les réalités du terrain ont fait reculer certains. C’est le cas d’Amandine Kéré, promotrice de Agro Conversion Home (ACH), une entreprise de transformation agroalimentaire. Son expérience avec la fraise a vite tourné court.  « Je n’ai pas trop duré avec la fraise, parce qu’elle s’oxyde rapidement », avoue-t-elle. En attendant de renforcer ses capacités pour mieux maîtriser le produit, elle est passée à autre chose.  Le promoteur du restaurant mobile Teeb Keta à Ziniaré, dans la région du Plateau central, Vincent Konvelebo, est dans les confitures de fruits de saison depuis 1996. Il pense que la fraise est difficile à rentabiliser pour le moment. En 2021, il s’était déjà rendu à cette évidence : « Pour un kg de fraise, on se retrouve seulement avec 2 pots de 240 ml et demi, ce qui rend le produit cher au niveau du consommateur ».

En plus des difficultés d’écoulement, les producteurs sont aussi confrontés à la disponibilité des terres cultivables. Ils ne sont pas propriétaires des terres qu’ils utilisent et peuvent les voir retirées à tout moment. Le tarissement précoce des points d’eau et le manque de canalisation ne leur permettent pas non plus de travailler sereinement. L’une dans l’autre, les contraintes dans la production de la fraise sont nombreuses… les solutions aussi, heureusement.

Moumouni SIMPORE

 

Encadré

L’arrivée de la fraise au Burkina Faso

Le Mogho Naaba Kom II (1906- 1946), reconnu comme un grand diplomate qui a su collaborer sans heurt majeur avec le colon, a reçu les premiers fraisiers de ses amis européens. Ces derniers les avaient importés d’Europe et les faisaient cultiver dans le jardin du gouverneur, alors situé dans l’actuel Arrondissement 04 de la ville de Ouagadougou, pour conserver leurs habitudes alimentaires.

Le Mogho Naaba, pour disséminer le nouveau produit dans son royaume, a confié des pieds à chaque ministre de sa cour. C’est ainsi qu’on retrouvait de la fraise dans le ressort territorial de chacun de ses ministres et dans la cour du souverain dont le site de production était aux alentours du barrage de Boulmiougou.

Avec l’évolution de la ville, les sites de production ont progressivement disparu dans les quartiers comme Ouidi, Gounghin, Larlé, Tanghin… mais les producteurs de la cour ont maintenu le flambeau. Avec la construction de la route reliant Ouagadougou à Bobo-Dioulasso, et surtout l’aménagement de la digue du barrage au début des années 70, les producteurs de fraise se sont définitivement installés au barrage de Boulmiougou et ont augmenté leur production à partir de 1976.

Source : Producteurs de Boulmiougou

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RAF

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