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Marché de Sankaryaré: le «difficile» quotidien des sinistrés après l’incendie

• Le marché reste fermé

• Affaires au ralenti, les commerçants s’impatientent quant à la réouverture

• Jusqu’à 20 millions FCFA de manque à gagner pour la Commune de Ouaga

Deux mois plus tôt, Sankaryaré était l’un des marchés les plus animés de Ouagadougou. C’était plutôt un vaste centre d’affaires de 1400 hangars où il était difficile de se frayer un passage dans les allées, tant celles-ci grouillaient de monde. Mais depuis l’incendie qui a ravagé une bonne partie du marché, le 29 janvier dernier, puis la décision de sa fermeture par les autorités, presque plus rien n’y est encore comme avant. C’est du moins le constat que nous avons fait en cette matinée du 14 mars, soit un mois et demi après le sinistre.

Faute de clientèle, Salam Soré (1er plan) et d’autres commerçants restés sur le site se tournent les pouces à longueur de journée. (Ph: BK)

Après le drame de fin janvier, deux propositions ont été émises pour la réhabilitation de l’infrastructure. L’une par les commerçants du marché, l’autre par l’autorité communale. Les commerçants ont proposé de reconstruire par eux-mêmes le marché. Alors que cette proposition a été vue comme susceptible de reconduire des « insuffisances » telles que l’encombrement des allées, l’impossibilité d’alimenter les kiosques en électricité ou des problèmes d’assainissement, celle des autorités l’a finalement emporté. Pour l’autorité communale, c’est toute une procédure qui commence par la mise en place d’une Commission technique de réflexion sur cette réhabilitation.

Puis, l’identification de sites provisoires de relocalisation des commerçants, le déplacement de tous les occupants du site sinistré, le nettoyage du marché, l’adoption d’un plan consensuel de réhabilitation, la réalisation des travaux de réhabilitation et enfin, la réinstallation des commerçants. Pour tout cela, un délai prévisionnel de 4 à 5 mois est nécessaire, selon l’Agence de développement économique urbain (ADEU).

Mais où en est-on avec cette réhabilitation un mois et demi après le sinistre ? Selon Rosalie Kaboré, Directrice générale de l’ADEU, au moins six étapes ont déjà été franchies.

Et d’énumérer : la mise en place de la Commission technique ; l’identification des sites d’accueil provisoires ; l’enlèvement des biens restants des commerçants et leur déplacement ; le début du nettoyage du marché ; l’élaboration du plan de réhabilitation. En effet, sur le site du sinistre, les portes en barreaux du marché, qui restent closes, laissent entrevoir une vaste et plate étendue de débris qui a remplacé les kiosques et les hangars à l’intérieur où quelques ouvriers s’activent à démolir à la main les dernières poutres et couches de briques. L’infrastructure devrait être reprise à l’identique avec des boutiques en lieu et place des hangars.

En attendant la réhabilitation et une réouverture prochaine, l’impact de la fermeture du marché, l’un des plus importants de la capitale, est difficilement vécu par les commerçants. Certains d’entre eux se sont convertis en vendeurs ambulants, quand ils n’ont pas rejoint les sites d’accueil provisoires identifiés ou investi les alentours de Sankaryaré.

Assis sur un banc et adossé au mur du marché brûlé, Abdoul Hamid Kouanda se tourne les pouces, tout comme le reste d’un groupe qui devise. Il fait partie de ces nombreux sinistrés qui, en lieu et place des sites de relocalisation, ont préféré rester non loin de leurs anciens étals en élisant…boutique aux alentours. A l’en croire, sa situation financière n’est guère rose depuis le sinistre.

Pour le prouver, ce quadragénaire, vendeur d’articles divers, compare ses revenus d’avant l’incendie à ceux d’après : « avant la survenue du drame, j’avais comme chiffre d’affaires minimal d’un million FCFA par jour. Maintenant, il faut se lever tôt pour avoir 1.000 F le jour. Et même là, la condition d’avoir le peu est de souvent baisser le prix de la marchandise et de vendre à perte », témoigne-t-il. « Maintenant, quand on vient au marché, c’est comme juste pour papoter et rentrer le soir à la maison.

Le manque à gagner est inestimable », déplore, pour sa part, Yacouba Zidwemba, gérant d’une boutique Orange money. Salam Soré, vendeur de chaussures, décrit le quotidien des sinistrés restés sur le site en ces termes : « depuis l’incendie, Sankaryaré est devenu comme un musée où on vient juste visiter et repartir. Cela, pour dire que les clients sont devenus rares ».

Béranger KABRE

 

Encadré 1

Pourquoi des sinistrés occupent les alentours malgré leur relocalisation

Si des sinistrés préfèrent le commerce ambulant ou la réinstallation aux alentours de Sankaryaré aux sites d’accueil provisoires, c’est pour diverses raisons. Pour certains sinistrés, à l’instar d’Omar Tiemtoré, il s’agit là d’un choix stratégique. Et le vendeur d’appareils électroniques d’expliquer : « en réalité, chaque marché a ses spécificités. Sankaryaré est différent de Paglayiri ou Mankougoudougou. Selon le marché, la rapidité dans l’écoulement d’un produit par rapport à l’autre est différente. D’autres pointent, eux, « l’exiguïté » des hangars provisoirement attribués.

Plutôt que des raisons d’écoulement des marchandises, c’est la peur de perdre les hangars qui animent certains autres commerçants. En effet, une rumeur passée par là a fait croire que les bénéficiaires de sites d’accueil provisoires seront dépossédés de leurs hangars de Sankaryaré. A ce propos, Rosalie Kaboré rassure : « Tout commerçant qui avait un contrat de location avec l’ADEU aura sa boutique après la réhabilitation ».

 

Encadré 2

Les angoisses financières de l’après-réhabilitation déjà vécues

S’il y a réouverture, ce sera sans une bonne partie des sinistrés. C’est du moins ce que pense Salam Soré, arguments à l’appui : « ce ne sera pas évident pour certains commerçants, au moins un quart d’entre eux, de pouvoir relancer leurs affaires. Que fera, par exemple, quelqu’un qui n’a plus rien à vendre ? Beaucoup ayant vu leur marchandise complètement brûlée.

Certains ont déjà épuisé leurs économies. A l’heure où je vous parle, il y a des commerçants qui ont des difficultés pour se nourrir ou nourrir leurs familles. Surtout dans un contexte de renchérissement de la vie. Imaginez quelqu’un qui laissait chaque jour 2.000 FCFA à sa femme pour la popote et qui n’arrive même plus à faire une recette journalière de 2.000 F. Il y a problème ».

Encadré 3

Ce que perd la Commune de Ouaga, le temps de rouvrir le marché

Alors que les travaux de réhabilitation attendent d’être démarrés, un vœu unit les sinistrés, à savoir une réouverture dans de brefs délais, impatients qu’ils soient de regagner leurs étals. A l’ADEU, on comprend cette impatience et on ne cache pas l’intérêt aussi pour la Commune de voir rouvrir rapidement l’infrastructure ; car, en termes de recouvrement de taxes, ce n’est pas moins de 50 millions FCFA que Sankaryaré rapporte aux caisses de la Commune de Ouagadougou.

Un petit calcul donne un manque à gagner de 16,6 à 20,8 millions FCFA, si toutefois la réhabilitation doit s’étendre sur 4 à 5 mois comme prévu. A cela, il faut ajouter le coût de la réhabilitation qui reste, pour le moment, à déterminer, à en croire la Directrice générale de l’ADEU.

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