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Non-respect de décisions de Justice par l’Etat: attention à ne pas fragiliser le 3e pouvoir !

• Des décisions de Justice non encore exécutées

• Eviter un fonctionnement en vase clos

• Des citoyens pourraient prendre prétexte pour défier la Justice

L’Avocat, Guy Hervé Kam, humera-t-il un jour l’air de la liberté ? La question reste posée jusqu’au moment où ces lignes étaient tracées et sans doute toujours à celui où vous les lisez. Malgré deux décisions de Justice ordonnant sa remise en liberté, dont la dernière date du 23 avril 2024, il est toujours en détention. L’Etat, qui le détient depuis son interpellation à sa descente d’avion à l’aéroport de Ouagadougou, le 24 janvier 2024, ne s’est toujours pas exécuté. Pourtant, on pensait qu’il allait se soumettre à la décision de la Justice, après avoir relevé appel du verdict du jugement en référé du 7 mars 2024, qui a ordonné la libération de l’Avocat qui, pour rappel, a été alpagué pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Autrement dit, pour déstabilisation du régime militaire en place.

Outre l’affaire Guy Hervé Kam, l’Etat a fait la sourde oreille dans d’autres dossiers d’enlèvements, d’enrôlements forcés de citoyens. C’est le cas, par exemple, dans l’affaire d’enlèvement de Sansan Anselme Kambou, enlevé en 2023, à Ouagadougou et dont la remise en liberté, ordonnée par la Justice, est restée lettre morte jusqu’à présent. Il y a aussi les réquisitions des militants du Balai citoyen, Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, malgré une décision de Justice.

A la lumière de ces exemples, l’on en vient à se demander si l’Etat de droit prévaut toujours au Burkina. C’est lui qui permet la séparation des pouvoirs et leur collaboration pour éviter un fonctionnement en vase clos. Mais avec ce qui se passe, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas comme il se doit. Au constat, ce n’est plus le parfait amour entre l’Exécutif et le judiciaire. On peut situer l’origine du désamour à l’affaire dite de la guérisseuse de Komsilga, exfiltrée du Tribunal de Grande instance (TGI) Ouaga II, en juillet 2023, par un commando armé, alors qu’un mandat de dépôt avait été décerné contre elle. Il y a aussi les dernières réformes votées par l’Assemblée législative de transition (ALT), le 26 avril 2024, qui sont loin de rapprocher les positions. En effet, la loi organique sur la magistrature et celle sur le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sont perçues par les magistrats comme une mainmise de l’Exécutif sur leur corps, une remise en cause de l’indépendance de la Justice favorisée par les textes adoptés en 2015, sous la première Transition.

C’est dans ce contexte que l’Etat s’inscrit dans un déni de justice en refusant d’exécuter des décisions qui ne lui sont pas favorables. Le cas le plus illustratif restant jusqu’à ce jour l’affaire Me Guy Hervé Kam. L’Etat devrait veiller à ne pas être le premier à fragiliser le pouvoir judiciaire. Il renvoie un mauvais signal aux citoyens en se comportant de la sorte. A quoi sert une Justice dont les décisions ne sont pas respectées par l’entité, dont le premier responsable, à savoir le chef de l’Etat, a pourtant juré sur la loi fondamentale de respecter et de faire respecter la loi ?

Quelle serait l’image de la Justice auprès des justiciables, avec ses décisions foulées aux pieds sans aucune crainte ? « La Justice sans la force est impuissante, mais la force sans la Justice est tyrannique », disait Blaise Pascal. Si on veut le paraphraser, on peut dire que la Justice dont les décisions ne sont pas exécutées est impuissante, fragilisée.

L’Etat a intérêt à se ressaisir s’il ne veut pas être lui-même la cause de l’affaissement de l’institution Justice, de sa perte d’autorité et de crédit au sein de l’opinion. Ce qui est encore plus inquiétant, des citoyens pourraient bien prendre prétexte de ce précédent pour défier la Justice. Le contexte de lutte contre le terrorisme avec le tour de vis donné à certaines libertés, la raison d’Etat invoquée dans certaines situations ne sauraient justifier un tel comportement. Idem concernant la mobilisation générale et la mise en garde qui ont été décrétées. Jusqu’à preuve du contraire, la Constitution du 02 juin 1991 est toujours en vigueur. On est dans un Etat de droit avec ses exigences comme, par exemple, le respect de la loi par tout le monde.

Basibiri BAZONGO (Collaborateur)

 

Encadré

Le coup de gueule de Me Ambroise Farama, Avocat de

Me Hervé Kam, après le verdict du 23 avril 2024

«S’il y a des agents de l’Etat qui refusent d’exécuter les décisions de Justice, nous aviserons. La responsabilité individuelle de ceux-là qui refusent d’exécuter des décisions de Justice peut être engagée et je pense qu’il sera de notre devoir d’envisager d’engager des responsabilités individuelles et personnelles contre tous ceux-là qui contribuent à retenir Me Kam dans l’arbitraire et en violation de toutes les règles de la République. »

Source : site Faso7

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