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Baisse des taux directeurs de la BCEAO, la répercussion en question

Par Abdou DIAW,
journaliste économique

La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a pris la décision, le 22 juin 2020, à l’occasion de la réunion de son Comité de politique monétaire (CPM), de baisser de 50 points de base les deux outils de ses taux directeurs. En termes simples, le taux d’intérêt minimum de soumission aux opérations d’appels d’offres passe de 2,50% à 2,00% et le taux d’intérêt du guichet de prêt marginal est ramené de 4,50% à 4,00%. En procédant à la diminution de ces deux taux d’intérêts, qui constituent les taux directeurs, la Banque centrale vient de passer à une vitesse supérieure et réitère sa volonté d’accompagner davantage les économies de l’Union, surtout en cette période où des pans entiers de l’économie sont durement touchés par la pandémie de  Covid-19. Cette décision vient compléter le package de dispositifs pris par la BCEAO depuis l’apparition de la pandémie dans les pays de l’Union.

Entre autres, les autorités monétaires ont pris des mesures relatives aux modalités de mise en œuvre du dispositif des accords de classement pour les entreprises non financières. S’y ajoutent le report d’échéances des créances des entreprises affectées par la pandémie de Covid-19 et l’accès des créances privées cotées au refinancement de la BCEAO. En baissant ses taux directeurs, la BCEAO vient activer l’un des outils les plus importants en matière de politique monétaire. Cet instrument est d’autant plus déterminant qu’il permet, d’abord, aux banques commerciales de se refinancer auprès de l’institution émettrice avec des coûts plus allégés ; ensuite, de donner l’opportunité aux particuliers et autres agents qui ont besoin de financement d’accéder aux crédits auprès des institutions financières de second rang à des taux d’intérêts plus souples. L’activation de ce levier est loin d’être une nouveauté en matière de mise en œuvre de politiques économiques.

À côté de la politique budgétaire, qui se caractérise par une révision des principes de priorisation des dépenses et de l’utilisation efficace et efficiente des ressources publiques, la politique monétaire est également un autre instrument de relance et de contrôle de l’économie, à travers la masse monétaire et les taux d’intérêts. Elles sont nombreuses les banques centrales, à l’instar de la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale américaine (Fed), à revoir à la baisse leurs taux directeurs en vue de permettre à leur système bancaire de se refinancer avec des conditions plus favorables pour jouer leur partition dans le financement des économies. Oui, toutes mesures de l’institution émettrice visant à assouplir les conditions financières ne peuvent qu’être magnifiées, pourvu qu’elles soient appliquées dans toute leur intégralité par les acteurs auxquels elles sont destinées. Cette diminution des taux directeurs n’aurait de sens que lorsque les banques commerciales accepteront de répercuter cette baisse sur les prêts accordés à leurs clients, particuliers comme entreprises.

La réalité est que la répercussion sur les taux effectifs globaux appliqués à la clientèle des banques commerciales n’est pas automatique. La dénonciation de la cherté du coût du crédit bancaire est devenue un leitmotiv et l’objet de combat de certaines organisations de défense des usagers, à l’image de l’Association des clients et sociétaires des institutions financières (ACSIF). C’est toujours le même refrain, partout : « les taux d’intérêts sont chers ». Le chef de l’État, Macky Sall, s’est montré également sensible au coût du crédit. Il ne rate aucune occasion pour s’indigner de cette situation. L’on se rappelle sa sortie, le 31 octobre 2019, lors de l’ouverture du Salon de l’économie sociale et solidaire, au CICAD, à Diamniadio. Il soutenait que « les taux de crédits ne doivent plus dépasser 6% ». Il est allé plus loin en qualifiant « d’usuraires » les taux de 12%, 13% et 14%. Et ce n’est pas la première fois que la plus haute autorité s’offusque des coûts d’emprunt.

Aujourd’hui, dans ce contexte de tension, l’apport des banques commerciales serait un bol d’air pour les ménages. À l’Association professionnelle de banques et établissements financiers du Sénégal (APBEFS) de donner du sens à cette décision de la BCEAO en répercutant significativement cette baisse sur l’argent prêté aux clients tout en restant respectueux des normes prudentielles. La BCEAO a beau diminuer ses taux directeurs, si les banques commerciales ne suivent pas, les populations, dans leur écrasante majorité, ne sauraient sentir les impacts. Toutefois, il convient de rappeler que sur le plan règlementaire, les conditions de banque sont libres. Et la fixation des taux d’intérêts dans ces institutions financières n’obéit pas seulement aux taux directeurs de la Banque centrale. Car, il existe d’autres facteurs à prendre en considération, comme le niveau de risques des emprunteurs. Néanmoins, un effort global du système bancaire visant à réduire les coûts d’emprunt ne fera que consolider les relations clients/banques et assurer un redémarrage de l’appareil productif des États de l’Union, à travers le financement de l’économie.o

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