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Manisfestations publiques au Burkina : à quand la fin du deux poids, deux mesures ?

Au Burkina, le 11 mai 2024 n’était pas seulement un jour de commémoration du 43e anniversaire de la mort de Bob Marley, l’icône mondiale du reggae. Cette date était aussi un jour de grande mobilisation pour les soutiens de la Transition. Ils ont sonné le rassemblement à travers des meetings un peu partout sur le territoire national. Ainsi, à Ouagadougou, des milliers de militants pro-Transition, ceux qu’on appelle les « wayiyan », ont pris d’assaut le Stade municipal Joseph Issouf Conombo, à l’appel de la Coordination nationale des associations de la veille citoyenne (CNAVC).

Ils ont réaffirmé ce que l’on a toujours entendu, à savoir leur soutien à la Transition et à son président, le Capitaine Ibrahim Traoré. A ce discours traditionnel, ils ont ajouté une nouveauté qui est la demande de la prorogation du délai de la Transition qui arrive à son terme le 1er juillet 2024, selon la Charte de la Transition adoptée en octobre 2022. A cette occasion, on a aussi entendu des discours hostiles aux élections pour marquer la fin de la Transition, des appels du pied au Capitaine Traoré pour qu’il reste au pouvoir. A voir ces différentes manifestations, on se demande si la suspension des activités politiques et des organisations de la société civile (OSC) a été levée. Mais que nenni !

Il suffit de remonter au 1er mai dernier pour se rappeler que le président de la Délégation spéciale (PDS) a interdit la traditionnelle marche des syndicats pour aller remettre leur cahier des doléances au ministre en charge du travail. Motif invoqué : le communiqué n°3 du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR 2) du 30 septembre 2022, qui contient, entre autres mesures, la suspension des activités des partis politiques et des OSC (voir encadré). Pourtant, les syndicats ont marché le 1er mai 2023 pour remettre leur cahier, pas à leur ministre de tutelle mais au Premier ministre himself, sans que la suspension, qui était toujours en vigueur, leur ait été opposée.

Avant le 1er mai 2024, d’autres activités ont été interdites sur la base de ce fameux communiqué. Ainsi, on peut citer le sit-in envisagé, le 12 avril dernier devant la Direction générale de la Police nationale, à Ouagadougou, par le Mouvement SENS (Servir et non se servir) pour exiger la libération de son Coordonnateur national, Me Guy Hervé Kam, interpellé au début de l’année. Auparavant, en février passé, un autre mouvement, la Synergie citoyenne, n’a pas obtenu l’autorisation d’organiser une marche-meeting à Diébougou, dans la province de la Bougouriba (région du Sud-Ouest), pour exiger la libération du même Avocat. Courant 2023, ce sont les partis politiques qui ont été les premiers à faire les frais de cette interdiction.

Le 30 janvier de cette année, le Congrès pour la démocratie et  le progrès (CDP, ancien parti au pouvoir) a reçu un avertissement du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité (MATDS) pour avoir tenu, deux jours plus tôt, une session de son Bureau politique national (BPN), malgré l’interdiction en question. L’Union pour le progrès et le changement (UPC) a été républicain en écrivant au MATDS, en février 2023, pour l’informer de sa volonté de tenir une session de son BPN. Niet, a répondu le ministère, en brandissant le fameux communiqué. Toute chose qui a amené le parti du lion à saisir en référé le juge administratif du tribunal de Ouagadougou sans obtenir gain de cause. Conséquence : le parti a été obligé de faire le deuil de cette activité de son BPN. Depuis lors, les politiques et leurs partis se tiennent à carreau. La nature ayant horreur du vide, il y a les OSC pro-Transition qui occupent la place.

Celles-ci peuvent manifester comme bon leur semble, sans crainte d’une quelconque interdiction. Et elles s’en donnent à cœur joie. En effet, il ne se passe pas un jour sans qu’une OSC n’anime une conférence de presse pour exprimer son soutien à la Transition, mettre en garde « l’impérialisme et ses valets locaux » accusés de vouloir déstabiliser le régime de leur idole. Quand l’actualité leur donne du grain à moudre, elles prennent d’assaut des Ambassades de pays occidentaux pour crier leur ras-le-bol. Ce fut le cas le 3 mai dernier, devant l’Ambassade des Etats-Unis d’Amérique, à Ouagadougou, où des coalitions de ces types d’OSC s’y sont retrouvées pour remettre une lettre de protestation contre des ingérences de l’Oncle Sam dans les affaires intérieures du Burkina.

Malgré les dénonciations, la situation de deux poids, deux mesures perdure. Et on ne perçoit aucun signe annonciateur de la levée de la mesure. On s’y attendait avec le rétablissement de la Constitution, dont la suspension était contenue dans le communiqué n°3, ainsi que d’autres mesures comme l’instauration d’un couvre-feu, la fermeture des frontières terrestres et aériennes jusqu’à nouvel ordre, etc. La réhabilitation de la loi fondamentale a remis au goût du jour les droits, les devoirs et les libertés reconnus aux citoyens. Mais les autorités ont décidé que les partis politiques ne pourront pas mener leurs activités en maintenant la suspension dans leur communiqué de fin septembre qui, juridiquement, est devenu caduque avec l’entrée en vigueur de la Constitution.

Une situation en totale contradiction avec un principe de droit selon lequel dans un pays, aucune loi, aucun texte n’est au-dessus de la loi fondamentale. En fin de compte, les hommes politiques sont victimes de leur mauvaise image au sein de l’opinion, du procès en sorcellerie fait à la démocratie accusée de tous les péchés du … Burkina. La remise en selle des partis est vue comme un danger pour la bonne marche de la Transition qui pourrait être entravée par des intrigues. Peut-être qu’il faudra que ces derniers donnent des gages de sagesse pour espérer la levée de la chape de plomb.

Basibiri BAZONGO (Collaborateur)

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