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ChroniqueTribune

Livres et lectures : Pourquoi nos enfants ne lisent pas plus

Parents, enseignants, vous imaginez que si vos enfants, vos élèves ne lisent pas, c’est parce qu’ils n’ont aucune curiosité, aucune envie de savoir? Détrompez-vous! C’est au contraire la frénésie, l’empressement, la précipitation qui crée leur affolement et leur blocage.
Savoir avant d’avoir appris et savoir sans se donner le temps d’apprendre: voilà ce que désirent ces enfants. Toute attente, tout délai imposés par un apprentissage nécessairement laborieux les exaspèrent et peut les mettre dans une colère souvent rentrée et paralysante.
Soyez persuadés que, pour la plupart, vos élèves, vos enfants, brûlent d’envie de savoir. Ils sont prêts à faire beaucoup pour y arriver, excepté une chose: faire l’effort de construire leur propre sens à partir des choix faits par un autre. Savoir, oui! Apprendre à construire avec précision, non!

Entrer dans le livre, chemin incertain

Or les premières pages d’un livre posent toujours au lecteur la même question: «Allez-vous me comprendre?». Nous ressentons tous cette pointe d’anxiété propre au commencement d’une lecture nouvelle. Rien n’est d’emblée assuré, rien n’est donné au départ.
En ces débuts voilés, nous ne prévoyons rien ou si peu de choses. Nous devons découvrir avec circonspection, mettre au jour avec prudence, nous frayer des chemins parfois incertains. Et puis, peu à peu, les couloirs obscurs s’éclairent; notre regard porte un peu plus loin, anticipant le prochain virage, la prochaine bifurcation.
Ces personnages, que nous nous sommes donné la peine de connaître, deviennent plus proches; nous en prévoyons mieux les comportements et les relations, sans complètement vous y fier. Ces lieux dont nous avons, mots après mots, vu se dessiner les contours deviennent les décors plus familiers de nouveaux évènements. Ce qui, au commencement, était une terre inconnue et, par là même, inquiétante se transforme en un lieu d’heureuses retrouvailles et de reconnaissance, à mesure que nous nous y frayons – parfois laborieusement – un chemin.
C’est cette expérience de lecteur courageux que nous devons transmettre aux élèves à la fois comme une épreuve et comme une promesse. Il faudra les accompagner, de livres en livres, lus ensemble puis tout seul afin de leur faire surmonter le moment si difficile de l’abord.
Nous leur montrerons comment ils doivent accepter l’effort intellectuel et la maîtrise émotionnelle qui seuls permettront de dissiper les ténèbres et d’ainsi mériter que leur propre imagination en vienne à devancer sans risque les mots de l’auteur. C’est à nous de leur montrer que l’inconnu est un défi qu’ils doivent apprendre à relever en acceptant que le plaisir de l’imagination ne peut être qu’un juste retour sur leur investissement intellectuel.
Nous avons toujours rêvé que nos enfants, nos élèves dévorent des livres. Et nous avons fini par nous contenter de les voir se perdre dans le dernier jeu vidéo. Lorsque nous insistons pour les faire entrer dans un texte de plus d’une page, nous les entendons nous dire: «C’est trop long, je n’arriverai jamais au bout». Ils sont exténués avant d’avoir commencé à lire la première page. Ils sont terrifiés à l’idée d’affronter une distance que l’épaisseur du livre leur promet longue et fatigante. Ils sont submergés par l’angoisse de ne pas y arriver et de s’effondrer pitoyablement devant celui ou celle dont ils voudraient l’estime. Une des principales difficultés d’un nombre important de lecteurs est donc qu’ils n’ont pas les moyens et… le courage d’affronter LA DISTANCE.

Endurance et imagination
C’est dès la quatrième ou la cinquième page que le livre tombe des mains des élèves peu endurants. L’inégalité majeure est aujourd’hui celle qui sépare des lecteurs formés à l’endurance de ceux qui ne le sont pas. Les premiers sont capables de dépasser sans difficulté et sans peur la limite des courts extraits scolaires. Les seconds, effrayés par la perspective de lire plusieurs dizaines de pages, ou trop vite épuisés par une lecture laborieuse, renoncent à toute lecture longue et abandonnent dès les premières pages.
Ces élèves qui ne souffrent d’aucune forme de dyslexie mais qui n’ont pas été suffisamment entraînés à l’endurance forment ce que l’on appelle la population des «peu-lecteurs». Si les personnes en situation d’illettrisme représentent environ 8% de la population, «les peu-lecteurs» dépassent vraisemblablement les 25%. Ceux-là n’ouvriront jamais un livre et seront ainsi exclus de notre patrimoine culturel.
Mais l’effort de lire de plus en plus loin ne se justifie que si chaque page gagnée illumine la pensée de l’élève. Si le plaisir de l’imagination n’est pas la juste récompense de l’effort, c’est la frustration qui sera au bout du labeur.  Il faut donc qu’il soit accompagné dans la conquête de la distance mais aussi dans la construction du sens d’un livre. Il apprendra, sur la distance d’un livre, à observer un équilibre exigeant entre droits et devoirs du lecteur: droit d’interpréter les textes mais devoir de respecter les choix de l’auteur. Une «école de l’équité», celle qui forcera la confiance des enseignants et des parents, devra ainsi mener de front un entraînement efficace à l’endurance de lecture et une pédagogie explicite de la compréhension des textes.


La passivité devant l’inconnu

Parents et enseignants, surtout ne pensez pas que les enfants dont vous avez la responsabilité refusent de lire un livre par incompétence ou par manque d’envie. Ne vous résignez pas à ce refus au prétexte qu’ils ne seraient pas du bois dont on fait des lecteurs ou encore que «les enfants d’aujourd’hui» aiment mieux les jeux vidéo que les livres…
Piégés dans un univers où le trivial le dispute au superficiel et le prévisible à l’imprécis, ils cheminent sur la voie de la passivité et ils se sont habitués à n’accepter que des textes dont le sens leur est par avance en grande partie connu. Ils se méfieront donc de toute aventure de compréhension qui pourrait comporter le moindre risque de difficulté et d’échec.


Ne pas savoir encore…

Ce qui agace les enfants jusqu’à les exaspérer, c’est d’être confrontés à une activité dans laquelle les informations ne sont plus régies par les liens de l’évidence immédiate. Une activité, comme le dit si bien Serge Boimare, qui leur imposerait «un temps de suspension, un temps d’arrêt pour une élaboration même minime, parce que ce qu’il y a à comprendre ne se donne pas d’emblée».
Ce «temps de suspension» qui est nécessaire à la construction et à la mise en forme, peut provoquer chez un enfant, la dispersion et la déroute. Il le vit comme un vide, comme une faille, parce que le doute et l’incertitude sont pour lui trop douloureux pour pouvoir stimuler l’activité de penser.
Au lieu de ressentir l’anxiété légère et normale que provoque naturellement le fait de ne pas savoir encore et qui devrait le pousser à construire son sens, c’est une terrible frustration qui l’envahit quand il faut associer, faire des liens, en un mot… chercher. En d’autres termes, c’est l’impatience de voir se former comme par magie, les images dans sa tête, c’est le désir inconsidéré de comprendre sans avoir construit, le refus d’avoir à accorder le moindre délai au labeur du sens qui explique leur difficulté ou plutôt leur dysfonctionnement cognitif. Ils voudraient être sortis du tunnel sans avoir pris le temps de le creuser.

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RAF

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